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Arsène Doyen-Porret (né le 22 novembre 2009 à Genève), «La bibliothèque et les nuages»

Pour le blogue la Ligne de mire (le Temps, Genève), l’historien Michel Porret a lancé le projet «L’ennemi invisible».

«Amies et amis, collègues et collègues, évoquent et affrontent l’ennemi invisible qui nous plonge dans le mal et le désarroi, tout en déjouant la sérénité analytique des sciences humaines. Que faire pour créer le temps qui passe tous confinés dans le confinement ou dans le jardin de la bibliothèque ? Ne rien faire au moment de ce basculement dans l’anomalie sociale lorsque nulle vie n’est indigne ? Des discours sensibles qui ressoudent la compréhension et la fraternité au-delà de la quarantaine domestique dans la ville silencieuse où les murs sont couverts de discours, où les piétons avancent soupçonneux et masqués, où les oiseaux printaniers les plus inattendus s’égayent comme jamais, où les nuits muettes ressourcent la sérénité. Des mots plutôt simples, parfois consolateurs. Ils donnent du sens au moment inédit de l’effroi pandémique. Ce péril qui dévoile la vie à huis clos de la communauté du dedans. Des mots pour penser les fragiles libertés après la défaite de Covid-19. Un civisme intellectuel en quelque sorte. Dans la cité vulnérable, travaillons pour comprendre.»

L’Oreille tendue a répondu à l’invitation de son ami (merci, Michel). Sa contribution s’appelle «Merci de votre compréhension !» Elle renvoie à ce blogue.

(Ont aussi collaboré au projet Christophe Charle, Frédéric Chauvaud, Valérie Cossy, Anne-Emmanuelle Demartini, Catherine Denys, Pascal Engel, Arlette Farge, Claude Gauvard, Laurence Guignard, Vincent Milliot, Alain Morvan, Marc Ortolani, Michelle Perrot, Daniel Roche, Xavier Tabet et Elio Tavila. L’Oreille est en excellente compagnie.)

 

Illustration : Arsène Doyen-Porret (né le 22 novembre 2009 à Genève), «La bibliothèque et les nuages»

Sauver le mononc’ ?

T-shirt d’Horacio Arruda, Mercerie Roger, Montréal, 2020

Malgré les valeureux efforts de Fabien Cloutier, le mononcle n’a pas bonne presse au Québec. Il en a été question longuement ici.

Nouvel exemple, dans la Presse+ du jour, de la dépréciation de cette figure au Québec : «Le hockey, c’est un sport de mononcles.»

Comme à beaucoup de règles, il existe des exceptions à celle-là. Soit la citation suivante, tirée de la Voix de l’Est : «Si François Legault est notre père de famille collectif en ces temps difficiles, le Dr Arruda, lui, est notre “mononcle funky”.»

Le directeur national de la Santé publique du Québec serait un «mononcle» — ce qui n’est généralement pas un compliment —, mais «funky». Sauvé par un adjectif !

P.-S.—Merci à Hugues Bélanger pour le tuyau.

 

Illustration : Mercerie Roger

Loisir de (pré)confinement

Albert Camus, la Peste, édition de 1972, couverture

La peste apparaît à Oran. La population ne le sait pas encore.

«Tarrou semblait ensuite avoir été favorablement impressionné par une scène qui se déroulait souvent au balcon qui faisait face à sa fenêtre. Sa chambre donnait en effet sur une petite rue transversale où des chats dormaient à l’ombre des murs. Mais tous les jours, après déjeuner, aux heures où la ville tout entière somnolait dans la chaleur, un petit vieux apparaissait sur un balcon de l’autre côté de la rue. Les cheveux blancs et bien peignés, droit et sévère dans ses vêtements de coupe militaire, il appelait les chats d’une “Minet, minet”, à la fois distant et doux. Les chats levaient leurs yeux pâles de sommeil, sans encore se déranger. L’autre déchirait des petits bouts de papier au-dessus de la rue et les bêtes, attirées par cette pluie de papillons blancs, avançaient au milieu de la chaussée, tendant une patte hésitante vers les derniers morceaux de papier. Le petit vieux crachait alors sur les chats avec force et précision. Si l’un des crachats atteignait son but, il riait.»

Albert Camus, la Peste, Paris, Gallimard, coll. «Folio», 42, 1972, 308 p., p. 31-32. Édition originale : 1947.

Lire en confinement : ébauche de typologie médiatique

Albert Camus, la Peste, édition de 1972, couverture

«Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés.»
Jean de La Fontaine, «Les animaux malades de la peste», 1678

À distance, l’Oreille tendue termine, de peine et de misère, l’enseignement de son cours Questions d’histoire de la littérature (PDF). Lors des deux premières séances de cours, elle avait abordé les formes (parfois étonnantes) de la présence des classiques parmi nous. (Oui, comme dans ce livre.)

La crise actuelle donne d’autres exemples de cette présence. En ces temps de coronavirus, on peut noter la très forte récurrence de quelques titres littéraires dans l’espace public, et notamment dans les médias. Rassemblons-les, pour l’instant, en deux catégories.

1. Les titres qui évoquent la maladie. Depuis quelques semaines, on entend à répétition des allusions à la Peste (Albert Camus, 1947), à Journal de l’année de la peste (Daniel Defoe, 1722), à l’Amour aux temps du choléra (Gabriel García Márquez, 1985). S’agissant de ce dernier titre, on notera que l’auteur emploie le pluriel (aux temps), alors que la plupart de ceux qui lui font allusion ont recours au singulier (au temps). Même les œuvres que l’on croit connues ne le sont pas toujours correctement.

2. Les titres qui évoquent le confinement. Deux textes anciens sont fréquemment cités. Le Décaméron (XIVe siècle) est constitué de narrations enchaînées, par des narrateurs confinés à cause de la peste. Voyage autour de ma chambre (1794), de Xavier de Maistre, comme son titre l’indique, se déroule en un seul lieu.

Italo Calvino le disait : «Un classique est un livre qui n’a jamais fini de dire ce qu’il a à dire» (p. 9).

 

Référence

Calvino, Italo, «Pourquoi lire les classiques», dans Pourquoi lire les classiques, Paris, Seuil, coll. «La librairie du XXe siècle», 1993, 245 p., p. 7-14. Traduction de Michel Orcel et François Wahl. Édition originale : 1981.