Accouplements 149

Gousses d’ail

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Les pouvoirs salvateurs de l’ail à travers les âges.

Hardy, Siméon-Prosper, Mes loisirs, ou Journal d’événemens tels qu’ils parviennent à ma connoissance (1753-1789). Volume VII (1781-1782), Paris, Hermann, «Collections de la République des lettres», 2019, 705 p. Sous la direction de Pascal Bastien, Sabine Juratic, Nicolas Lyon-Caen et Daniel Roche. Présentation de Hans-Jürgen Lüsebrink. (Merci à Martine Sonnet.)

«Du vendredi cinq juillet : Espèce d’épidémie répandue à Paris après avoir circulé dans l’Europe.

Ce jour une maladie qu’on prétendoit avoir circulé dans presque toute l’Europe, que les uns appelloient la Coquette du Nord, comme ayant commencé par la Russie, d’autres la Générale, et d’autres encore, la Royale ou la Lévite; consistant en rhume, mal de gorge et fiebvre, mais qui par bonheur n’étant pas intraitable, moissonnoit peu d’individus, se faisoit sentir dans notre capitale, au point qu’il n’existoit pas, pour ainsi dire, de maison où l’on n’entendît quelqu’un se plaindre d’en être tourmenté. Bien des gens avoient l’esprit frappé qu’une sorte de contagion se répandoit dans l’air et portoient en conséquence par précaution des gousses d’ail dans leurs poches.»

Arsenault, Mathieu, la Morte, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 141, 2020, 131 p.

«Son imaginaire corporel était baroque, enthousiaste, désinhibé. Son tramp stamp, sa vaginite, les gousses d’ail qu’elle se mettait dans le vagin pour se soigner» (p. 18).

 

[Complément du 1er avril 2020]

Fiction prétestamentaire

L’infarctus l’avait forcé à réfléchir à sa vie, aux êtres autour de lui, à ses choix. C’était donc cela, revoir le fil de son existence ? La peur de mourir avait jeté un éclairage cru sur ce qu’il avait été. Avait-il eu raison de tout donner pour son travail et pour ses plaisirs, au détriment de sa famille, de ses amis, de ses collègues ? Ne devait-il pas tenter de réparer le mal qu’il avait inconsciemment semé autour de lui ? Depuis l’attaque, il était hanté par ses proches délaissés, ses étudiants ignorés, ses amis oubliés. Cela lui coûtait, mais il devait se rendre à l’évidence : si c’était à recommencer, il ne changerait rien.

Accouplements 29

Voltaire, Pensées végétariennes, 2014, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux textes d’horizons éloignés.)

En 2014, Renan Larue a tiré de l’œuvre de Voltaire des Pensées végétariennes. Dans sa postface, il décrit la santé, si l’on peut dire, de l’auteur :

Le grand homme souffrait de la perte prématurée de ses dents, de migraine, de cécité temporaire, d’une sensibilité extrême au froid, de désordres nerveux, de langueur, de maigreur excessive, de maux de ventre épouvantables et d’un cancer de la prostate dont il mourut à l’âge de quatre-vingt-quatre ans (p. 55).

Hollywood Ending (2002) est un film de Woody Allen. Celui-ci y joue le rôle de Val Waxman, un réalisateur qui devient brièvement aveugle durant le tournage d’un de ses films.

La «cécité temporaire» est-elle plus grave en littérature ou au cinéma ?

 

Référence

Voltaire, Pensées végétariennes, Paris, Mille et une nuits, no 632, 2014, 69 p. Édition établie, notes et postface par Renan Larue.

Rodrigue, as-tu du cœur ?

L’Oreille est sans cesse tendue, même dans les salles d’attente. Il y a peu, elle surprenait l’étonnante conversation suivante :

Lui. — Vous venez passer un tapis ?
L’autre. — Non.

Passer un tapis ? Un anneau au doigt; la corde au cou; l’éponge; un savon; le café; une veste; les vitesses; le mot; la parole; un rhume; un coup de fil; un accord; une commande : passe encore. Mais un tapis ?

Explication sommaire : certains s’interrogent sur leur condition coronarienne; on leur demande de passer un examen; cet examen, un électrocardiogramme à l’effort (un effort, pour les intimes), nécessite un tapis (roulant). On passe donc un tapis.