L’exploitation

Contrat de Maurice Richard pour la saison 1956-1957

L’image est reprise à l’envi.

En 2003, Normand Lester, dans le Livre noir du Canada anglais 3, écrit : «Maurice Richard [c’est du hockey] était sous-payé et exploité parce qu’il était canadien-français» (p. 10). Dans Lance et compte. La reconquête (2004), un des avatars de la série télévisée hockeyistique de Réjean Tremblay, Jérôme Labrie, un agent de joueurs, fait un discours dans le vestiaire du National de Québec : «Maurice Richard était un esclave.» Cette semaine, c’était au tour de figures connues des arts martiaux mixtes de se rassembler en association : «Maurice Richard se faisait exploiter à l’époque. Guy Lafleur aussi. Et on parle des meilleurs joueurs de leur temps. Aujourd’hui, les joueurs ne se font plus exploiter parce qu’ils ont une association», a déclaré Georges Saint-Pierre à cette occasion.

On impute souvent cette supposée exploitation à des motifs «ethniques» : Maurice Richard aurait été exploité par des Canadiens anglais, parce que lui-même était canadien-français. C’est évidemment un peu plus compliqué que cela.

En effet, à l’époque de Richard, il y a eu au moins un joueur (brièvement) mieux payé que lui, mais c’était lui aussi un Canadien français, Jean Béliveau, qui rappelle le fait dans ses Mémoires en 2005 (p. 282). Or Jean Béliveau était alors une recrue; Maurice Richard jouait depuis une dizaine d’années et était la vedette incontestée de son équipe, les Canadiens de Montréal. Le premier savait défendre ses intérêts; le second, beaucoup moins. Peu importe la nature des patrons avec lesquels ils négociaient.

Il est vrai que les histoires opposant les bons aux méchants sont plus faciles à raconter.

P.-S. — Ce texte reprend et développe un passage d’un article publié par l’Oreille tendue il y a une dizaine d’années.

 

Référence

Béliveau, Jean, Chrystian Goyens et Allan Turowetz, Ma vie bleu-blanc-rouge, Montréal, Hurtubise HMH, 2005, 355 p. Ill. Préface de Dickie Moore. Avant-propos d’Allan Turowetz. Traduction et adaptation de Christian Tremblay. Édition originale : 1994.

Lester, Normand, «1. La discrimination dans le sport. Maurice Richard : la fierté d’un peuple», dans le Livre noir du Canada anglais 3, Montréal, Les Intouchables, 2003, p. 14-26.

Melançon, Benoît, «Écrire Maurice Richard. Culture savante, culture populaire, culture sportive», Globe. Revue internationale d’études québécoises, 9, 2, 2006 [2007], p. 109-135. https://doi.org/1866/28632

Les Yeux de Maurice Richard, édition de 2012, couverture

Sport et politique

Gordie Howe dans The Simpsons

Nous avons déjà vu des élus accrocher leurs patins politiques et une première ministre mêler les métaphores sportives.

Dans la Presse+ du 8 novembre 2016, on pouvait lire un nouvel exemple de cette fusion du vocabulaire sportif et du vocabulaire politique : «Un politicien d’expérience comme Denis Coderre […] est reconnu pour jouer les coudes plutôt haut dans les coins de patinoire […].»

Qui joue «les coudes plutôt haut dans les coins de patinoire» — même si la patinoire n’a pas, au sens strict, de coin — ne s’en laisse pas — mais pas du tout — imposer. Gordie Howe, «Mister Elbows», était reconnu pour cela.

Howe et l’omnimaire de Montréal, même combat ?

P.-S. — Oui, c’est de la langue de puck.

Accouplements 73

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Sur Twitter, Matthieu Dugal diffusait il y a quelques jours cette photographie d’un graffiti repéré sur un trottoir montréalais :

Graffit, Montréal, 2016L’injonction est simple et nette : «Regarde le ciel.»

En mars 2011, l’Oreille tendue prenait cette photo-ci, à Paris :

Graffit, Paris, 2011Cette interrogation — «Pourquoi restez-vous à regarder le ciel ?» —, comme l’écrivait l’Oreille en 2013, étonne : «Le paradoxe te frappera : tu regardes un trottoir qui te demande pourquoi tu regardes le ciel.»

On préférera, comme toujours, le paradoxe.

P.-S. — On notera le passage du tutoiement (montréalais) au vouvoiement (parisien).

 

[Complément du 10 novembre 2016]

Variation sur un thème connu, gracieuseté de Twitter.

«Regarde le ciel». graffiti

Accouplements 72

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Tout à l’heure, cette photo, de Martine Sonnet, sur Twitter : «Fiche de lecture : comme elles finissent #trottoirparisien.»

Photo par Martine Sonnet, 11 septembre 2016Il y a presque quatre ans, celle-ci, de l’Oreille tendue, aussi sur Twitter : «Trottoir montréalais • Les feuilles et les mers mortes se ramassent à la pelle.»

Photo par Benoît Melançon, 4 octobre 2012

L’automne arrive. Les trottoirs d’ici et de là-bas se couvrent de feuilles.