Fil de presse 046

Charles Malo Melançon, logo, mars 2021

Lire linguistique ? Allez-y !

Betz, Simon, Bogdan Ludusan et Petra Wagner (édit.), Disfluency in Spontaneous Speech, Bielefeld, Germany. 28-30 August 2023, 2023.

Cassin, Barbara, le Livre d’une langue, Paris, Éditions du patrimoine, 2023, 312 p.

Fouché, Pierre, Traité de prononciation française, Paris, Klincksieck, coll. «Linguistique», 2023, 592 p. Réimpression de l’édition de 1988.

Fridland, Valerie, Like, Literally, Dude. Arguing for the Good in Bad English, Viking, 2023, 336 p.

Gaudin, François (édit.), Alain Rey. Lumières sur la langue, Paris, Honoré Champion, coll. «Lexica — Mots et dictionnaires», 43, 2023, 282 p.

Gauvin, Lise, Des littératures de l’intranquillité, Paris, Karthala, coll. «Lettres du Sud», 2023, 236 p.

Giguère, Frédéric, «Et si Lord Durham avait raison ? L’hétérolinguisme au cœur du rap québécois contemporain», Waterloo, Université de Waterloo, mémoire de maîtrise, 2020, vii/111 p. Dir. : Nicole Nolette.

Gilbert, Muriel et Jean-Christophe Establet, Joyeuses fautes. Le premier roman-photo de l’orthographe, Paris, Le Robert, 2023.

Glottopol. Revue de sociolinguistique en ligne, 38, 2023. Dossier «Les langues dans la famille».

Glottopol. Revue de sociolinguistique en ligne, 39, 2023. Dossier «Altera lingua ou la construction sociale de l’altérité linguistique».

Gougenheim, Georges, la Langue populaire dans le premier quart du XIXe siècle d’après le Petit dictionnaire du peuple de J.-C.-L.-P. Desgranges (1821), Orléans, Corsaire éditions, 2022, 254 p. Préface de Fabrice Jejcic.

Jaubert, Anna, la Stylisation du discours, Paris, Classiques Garnier, coll. «Investigations stylistiques», 15, 2023, 290 p.

Lecherbonnier, Bernard, Philippe Rossillon, l’inventeur de la Francophonie, Paris, Descartes & cie, 2023, 200 p.

Makan, Abdeltif (édit.), Migrations de langues et des cultures dans la littérature et dans l’art, Université Sultan Moulay Slimane (Maroc), 2023, 228 p.

Merlo, Jonathan-Olivier, Par monts et par mots. Pour un itinéraire sociolinguistique de la francophonie, Bruxelles, Berlin, Berne, New York, Oxford, Vrasovie et Vienne, Peter Lang, coll. «Champs didactiques plurilingues : données pour des politiques stratégiques», 16, 2023, 122 p. Ill.

Mustill, Tom, Comment parler baleine. L’incroyable avenir de la communication animale, Paris, Albin Michel, 2023, 416 p. Traduction de Marina Boraso.

Ozoux, Mireille, Jonathan Swift linguiste. La norme et le jeu, Paris, Honoré Champion, coll. «Littérature étrangère», 37, série «Littérature anglaise», 2023, 458 p. Préface de Jean Viviès.

Pouvoirs, 186, 2023, 192 p. Dossier «La langue française».

Le cirque Lafleur

Deux macarons de Guy Lafleur

Avec son spectacle «Guy ! Guy ! Guy !», actuellement présenté à Trois-Rivières dans une mise en scène de Fernand Rainville, le Cirque du Soleil veut rendre hommage au hockeyeur Guy Lafleur (1951-2022).

L’Oreille tendue étant une fan de Lafleur (voir ici ou ), elle a fait le périple, en compagnie de sources conjugales proches d’elle, pour assister à la représentation du 2 août.

Les spectateurs étaient accueillis par des boutiques de souvenirs, une patinoire pour s’exercer à tirer au but, des numéros de mascottes et de personnages ambulants, des lieux de sustentation divers et une structure à l’image de Lafleur pour s’y faire photographier (réseaux sociaux oblige).

Les voix de René Lecavalier et de Gilles Tremblay résonnaient dans les toilettes.

Dans la salle, avant le spectacle, plusieurs chansons, parfois consacrées au hockey, étaient diffusées (Sylvain Lelièvre, Offenbach, Diane Dufresne, Robert Charlebois, Gilles Valiquette, Émile Bilodeau, Ginette Reno [?], etc.) et des écrans offraient deux types d’informations.

Commerciales. Des annonceurs y vantaient leurs produits et services, y compris le Salon de jeux de Trois-Rivières, dont la publicité contenait une juteuse faute de langue : «envie de prolongez» (au lieu de «prolonger»).

Sportives. Sous l’intitulé «Saviez-vous», des renseignements étaient donnés sur la carrière et la vie du héros de la soirée : son enfance, le nombre de bâtons qu’il utilisait par saison (quatre douzaines), ses exploits, son amour des hélicoptères (non, il n’en possédait pas), etc. Il y avait là au moins une approximation. Les spectateurs devaient «Placer dans l’ordre les joueurs ayant le plus de points pour les Canadiens de Montréal ?» (Le point d’interrogation final était évidemment fautif.) Quatre réponses étaient possibles : Maurice Richard, Jean Béliveau, Henri Richard, Guy Lafleur. La bonne réponse, affiche-t-on, serait : Lafleur, Béliveau, Henri Richard, Maurice Richard. C’est bien sûr faux : Lafleur a bel et bien eu 1246 points, mais pas seulement avec les Canadiens, puisque ce nombre inclut ses résultats avec les Rangers de New York et les Nordiques de Québec. Il faudrait encore ajouter que ces «points» sont uniquement ceux de la saison régulière, pas ceux de séries éliminatoires.

Les premières minutes du spectacle étaient occupées par des conversations d’un clown et de son acolyte musicien avec des membres du public, puis du même clown avec un spectateur (rebaptisé «Guy») appelé à servir de faire-valoir. C’était, semble-t-il, bon enfant. Sur scène, deux escaliers ayant la forme de bâtons de hockey rappelaient la façade de l’ancien Forum de Montréal.

«Guy ! Guy ! Guy !» était constitué de deux trames, souvent sans aucun lien entre les deux.

D’une part, la vie de Lafleur était racontée, y compris ses moments moins glorieux (un accident de voiture sous l’influence de l’alcool), statistiques à l’appui. Un enfant jouait son rôle tout au long de la pièce; c’était décoratif. On soulignait son étonnant rythme cardiaque (moins de quarante battements à la minute au repos). En haut de la scène, on pouvait lire quelques citations, sans véritable intérêt, sur l’homme qu’était Lafleur et sur son influence sur la société québécoise. Des enregistrements sonores et des images d’archives étaient mis à contribution. Un match était bien exploité : le septième de la finale de la conférence Prince-de-Galles de 1979, quand le numéro 10 des Canadiens avait fait tourner en bourrique l’inénarrable Don Cherry.

D’autre part, des numéros de cirque étaient présentés. Certains avaient un rapport avec Lafleur, quand, par exemple, les artistes démontraient leur stupéfiante agilité sur patins (à roues alignées). D’autres, strictement aucun : une contorsionniste, des voltigeurs, des acrobates avec roues et cerceaux ou filet aérien, des équilibristes, un fildefériste.

Le problème principal de «Guy ! Guy ! Guy !» était ce parallélisme. Les amateurs de Lafleur n’avaient pas grand-chose de nouveau à se mettre sous la dent (mais peut-être ne le souhaitaient-ils pas). Les amateurs de cirque se retrouvaient encombrés de souvenirs du hockey.

Musicalement, à côté des bruits traditionnels de ce sport (sifflet, sirène, orgue, thème de la Soirée du hockey) et des extraits de la (pauvre) poésie de Lafleur, les années 1970 et 1980 dominaient : Boule Noire, Gerry Boulet, Diane Dufresne, Robert Charlebois. Parmi les chansons les plus récentes, il y avait «Le but» de Loco Locass. Visuellement, c’était fréquemment très réussi : on était bien au Cirque du Soleil. On a aussi profité de l’occasion pour faire un clin d’œil à la Ligue nationale d’improvisation et à la passion disco. Le spectacle se terminait sur l’élévation du chandail numéro 10.

Tout au long du spectacle, l’Oreille pensait à un de ses anciens collègues. Celui-ci lui avait exposé un jour sa théorie sur certaines vedettes internationales du théâtre québécois : elles étaient incapables, selon lui, de passer de l’image au symbole, de l’habileté à l’art, du savoir-faire au sens.

Conclusion de la soirée : l’Oreille n’est pas faite pour le cirque et ses images.

Correction bienvenue

Portrait de Barack Obama avec des écouteurs, Spotify, 2023

L’ancien président états-unien Barack Obama aime faire des recommandations de lectures et de pièces musicales. Parmi ces dernières, il y a souvent du Ella Fitzgerald.

En 2015, il y avait «Let It Snow ! Let It Snow ! Let It Snow !» En 2016, 2017 et 2018, rien. En 2019, «How High the Moon». En 2020, rien. En 2021, «Lush Life». En 2022, rien. En 2023, «Cry Me a River» — voilà qui est mieux.

P.-S.—Fitzgerald, une chanteuse pour années impaires (sauf 2017) ?

De mort violente

Orignal mort, dans un camion

Soit les phrases suivantes, tirées d’œuvres québécoises récentes :

«Ce soir-là, j’ai dormi sans Thomas. Où était-il ? Avait-il tué » (Kukum, p. 54)

«T’as-tu tué ?» (Québec Redneck Bluegrass Projet)

«C’est exactement ce qui est arrivé lorsque j’ai tué pour la première fois» (le Temps des récoltes, p. 31).

«Le père de Max avait tué à l’automne, ça l’avait mis de bonne humeur, la première fois qu’il allait à la chasse depuis deux ans» (le Chemin d’en haut, p. 59).

Qu’on se rassure : comme l’indique la dernière phrase, les Québécois ne sont pas particulièrement portés sur l’assassinat, sauf quand ils vont à la chasse. S’il ont tué, c’est un animal. Ouf.

 

Références

Cardin, Élisabeth, le Temps des récoltes. Cultiver le territoire, Montréal, Atelier 10, coll. «Documents», 19, 2021, 73 p. Ill.

Chabot, J. P., le Chemin d’en haut. Roman, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 171, 2022, 224 p.

Jean, Michel, Kukum, Montréal, Libre expression 2019, 222 p.

Québec Redneck Bluegrass Project, J’ai bu, Spectacles Bonzaï et Québec Redneck Bluegrass Project, 2020, 239 p. Ill. Avec un cédérom audio.