Accouplements 226

François-Léon Benouville, la Colère d’Achille, 1847, Montpellier, musée Fabre, photo déposée sur Wikimedia Commons

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Chantigny, Louis, «Une fin tragique pour le Rocket», le Petit Journal, du 18 octobre au 25 octobre 1959, p. 132.

«D’ordinaire, ce genre de long préambule déroule en quelque sorte le tapis rouge sur lequel s’avancera dans toute sa majesté une célébrité de l’esprit. Aujourd’hui, ce préambule ouvre ses portes à une gloire du muscle, Maurice Richard, un homme dont l’histoire s’écrit déjà dans l’encre de la légende et du mythe.
Car Maurice Richard est bien de cette race de titans qui force les cadres et brise les barrières que la médiocrité du sport a dressés autour de son génie. Le regard étrange et fiévreux du démon flamboie dans ses yeux, son masque douloureux se dessine derrière ses traits; mais jamais l’hôte effroyable qui l’habite n’a été plus visible que maintenant, au crépuscule de sa carrière et à l’aube de sa fin.»

Purdy, Al, «Homage to Ree-shard», dans Sundance at Dusk, Toronto, McClelland and Stewart, 1976, p. 36-39.

«The first madman
first out-and-out mad shit disturber
after cosmic duels with Bill Ezinicki
now sullen castrated paranoid Achilles
with sore heel in a Montreal pub retired
to muse on wrongs and plot revenge
with long memories of broken storefronts
along St. Catherine Street
when Maisonneuve’s city made him emperor
for a day and hour and a moment»

Bouchard, Serge, «Le silence de Maurice Richard», dans  l’Allume-cigarette de la Chrysler noire, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 2019, 240 p., p. 54-56, p. 55.

«[Maurice Richard] se tenait immobile au centre d’un attroupement criard de petits oiseaux, des petites âmes complètement saisies par cette légende. De façon inattendue, sans que je le cherche vraiment, je me suis retrouvé tout près de lui et il m’a serré la main. Je ressens encore aujourd’hui la force de cette poigne. Je n’aurais pas voulu lui disputer la rondelle dans un coin.
Je sus bien plus tard, en faisant mon cours classique, que j’avais rencontré, ce samedi-là, un personnage mythique. J’avais serré la main à Achille, à Ulysse, que dis-je, à Zeus ! Oui, le Canadien nous a montré très jeunes à quoi ressemblaient le panthéon, la cité des dieux, les temples et les tragédies grecques.»

 

Illustration : François-Léon Benouville, la Colère d’Achille, 1847, Montpellier, musée Fabre, photo déposée sur Wikimedia Commons

Tout le monde l’est-il ?

Ouvrant son Devoir des 19-20 octobre, un fidèle lecteur de l’Oreille tendue, @profenhistoire, a eu l’œil attiré par un mot.

«Plateau Mont-Royal. Un quartier mythique au musée» (p. D4).

«Dès lors, on mesure mieux la dimension archétypale, mythique, de cette histoire d’une adolescente ostracisée relevant peut-être après tout non pas du conte, mais de la tragédie» (p. E3).

«La danse de la réalité d’Alejandro Jodorowsky. Le cinéaste mythique clôture ce samedi le 42e Festival du nouveau cinéma» (p. E9).

«Trevanian, ça vous dit quelque chose ? Un auteur mythique, semble-t-il, qui a publié à compter du début des années 1970 une bonne douzaine de romans — dont cinq vendus à plus d’un million d’exemplaires — sous trois ou quatre pseudonymes avant de s’éteindre en 2005 dans le Pays basque» (p. F2).

«Un nouveau western, dans les territoires mythiques de l’Ouest» (p. F5).

Pareille déferlante inspire deux réflexions à l’Oreille.

Tant de mythes, ça doit faire beaucoup de boulons, non ?

Pour le dire comme Diderot, «si tout ici-bas était mythique, il n’y aurait rien de mythique».