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« Nous n’avons pas besoin de parler français, nous avons besoin du français pour parler » (André Belleau).
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«J’ai dû réapprendre ma langue maternelle, que j’avais abandonnée trop tôt. De toute manière, je ne l’avais pas vraiment maîtrisée de façon complète parce que le pays était divisé en deux quand je suis née. Je viens du Sud, alors je n’avais jamais entendu les gens du Nord avant mon retour au pays. De même, les gens du Nord n’avaient jamais entendu les gens du Sud avant la réunification. Comme au Canada, le Vietnam avait aussi ses deux solitudes. La langue du nord du Vietnam avait évolué selon sa situation politique, sociale et économique du moment, avec des mots pour décrire comment faire tomber un avion à l’aide d’une mitraillette installée sur un toit, comment accélérer la coagulation du sang avec du glutamate monosodique, comment repérer les abris quand les sirènes sonnent. Pendant ce temps, la langue du sud avait créé des mots pour exprimer la sensation des bulles du Coca-Cola sur la langue, des termes pour nommer les espions, les rebelles, les sympathisants communistes dans les rues du sud, des noms pour désigner les enfants nés des nuits endiablées des GI.»
Kim Thúy, Ru, Montréal, Libre expression, 2009, 144 p., p. 88-89.
L’anglais serait-il en crise ? (L’Oreille tendue ne parle pas de l’Anglais, cette créature protéiforme.)
The Queen’s English Society, fondée en 1972 pour défendre le bon usage dans la langue de Shakespeare, souhaite créer une Académie anglaise, l’Academy of English, ou English Academy, sur le modèle de la française. (Erin McKean, dans les pages du Boston Globe, montre pourquoi ça ne peut pas marcher, et elle a bien raison.)
Le 7 juin, The Economist crée un nouveau blogue (collectif) linguistique, Johnson :
In this blog, named for the dictionary-maker Samuel Johnson, our correspondents write about the effects that the use (and sometimes abuse) of language have on politics, society and culture around the world.
Au menu : des questions pointues (Tromso ou Tromsø ?), des débats (faut-il accepter deplane pour descendre de l’avion ?), des révélations (Vladimir Poutine tutoie Dmitri Medvedev, qui le vouvoie), des réflexions sur la néologie (en français), des interrogations étymologiques (d’où viennent right to choose et my bad ?), etc. (On y est aussi sceptique que dans le Boston Globe devant la création d’une académie.)
Il y a donc plus intéressant à faire que de s’inventer une crise.
Extrait du Bulletin Flaubert, numéro 123, juin 2010 :
BACCALAURÉAT
(< Catriona Seth)
Le supplément «Réviser son bac avec le Monde», cahier du Monde, no 20339, daté du mercredi 16 juin 2010, contient à la page 6 une présentation des procédés de réécriture et, en guise de «Repères», l’évocation de six récritures de Madame Bovary. Pour le journaliste, ce roman est celui qui a le plus suscité de «désirs palimpsestueux», mot-valise emprunté à Gérard Genette.
Le numérique a besoin de mots.
Philip B. Corbett tient le blogue After Deadline du New York Times. Il y conseille les journalistes, et les lecteurs, sur les questions de langue («grammar, usage and style»). Il recommandait récemment d’utiliser tweet — le substantif et le verbe — avec circonspection. (On le lui a reproché.)
En janvier dernier, le secrétaire d’État français chargé de la coopération et de la francophonie a lancé le concours «Francomot», rapporte le Monde du 30 mars : «les étudiants et élèves étaient invités à envoyer par mail [!!!] des équivalents français à cinq termes anglophones : “chat”, “buzz”, “tuning”, “newsletter” et “talk”». Les gagnants ? (On vous reprochera leur utilisation.) Ramdam (buzz), bolidage (tuning), éblabla et tchatche (chat), infolettre (newsletter) et débat (talk).
Comme à chaque année, les dictionnaires annoncent l’entrée de mots dans leur nomenclature. (On ne saurait le leur reprocher.) Le Petit Larousse accueille, entre autres nouveautés lexiconumériques, agrégateur, carnet d’adresses, Google, nerd, pop-up et Wikipédia. Dans le Petit Robert ? Geek et réalité augmentée.
La langue bouge, comme de toute éternité elle a bougé.