Accouplements 31 (dits «Accouplements de la rentrée»)

Catherine Mavrikakis, l’Éternité en accéléré, 2010, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux textes d’horizons éloignés.)

En 2010, dans son «e-carnet», l’Éternité en accéléré, Catherine Mavrikakis écrit ceci :

C’est pourquoi, dans mes cours, j’ai des sentiments ambigus, qui vont du courroux à la bienveillance amusée, lorsque les étudiants se lèvent, sortent, arrivent en retard, partent plus tôt. Je ne me permettrais jamais de faire cela, parce que l’on m’a appris la politesse, mais je ne soupçonne pas ceux et celles qui ne tiennent pas en place ou qui regardent leurs courriels en faisant semblant de prendre des notes de ne pas m’écouter. Je préfère penser que, pour certains, la compréhension demande une «écoute flottante», une écoute qui n’est pas fidèle, qui se disperse pour mieux revenir à son objet toujours fuyant, impossible (p. 42-43).

Dans un «Entretien autobiographique avec Wilfrid Lemoine», diffusé en 1978 et publié en 1987, André Belleau allait dans le même sens :

Et vous savez, l’apprentissage, les cours de lettres, ce n’est pas comme les cours de mathématiques. On ne peut pas parler d’un apprentissage progressif, d’une substance, comme en linguistique. Vous avez devant vous des jeunes gens qui peuvent paraître, à un moment donné, ne pas vous écouter et demeurer blasés. Et pourtant, ils entendent votre discours, et après deux mois, trois mois, vous avez un travail absolument extraordinaire, parce que ça ne procède pas de façon continue, ce n’est pas un progrès continu en lettres, c’est plutôt une expérience qu’on fait de la littérature. Je ne parlerais pas de déblocage, mais de mutation soudaine. On n’est jamais sûr, il ne faut jamais dire que tel étudiant qui semble dormir ne vous écoute pas ou que votre discours est inutile. On ne peut jamais dire ça (p. 27).

P.-S.—L’Oreille tendue a déjà cité ce texte de Catherine Mavrikakis, dans un contexte légèrement différent; c’était le 25 octobre 2010.

P.-P.-S.—C’est jour de rentrée, aujourd’hui, à l’université de l’Oreille. Bonne rentrée optimiste à tous les professeurs.

 

Références

Belleau, André, «Entretien autobiographique avec Wilfrid Lemoine», Liberté, 169 (29, 1), février 1987, p. 4-27. Transcription par François Ricard d’un entretien radiophonique du 4 mai 1978 dans la série «À la croisée des chemins» (réalisation d’Yves Lapierre). https://id.erudit.org/iderudit/31100ac

Mavrikakis, Catherine, l’Éternité en accéléré. E-carnet, Montréal, Héliotrope, «Série K», 2010, 278 p.

À l’écart, plus ou moins

Dans les écoles québécoises, mais pas seulement dans les écoles, qui est mis à l’écart est un rejet ou un reject (à prononcer ridjekt). Cela va de soi : l’ortho a quelque chose à voir avec le reje(c)t.

Dans l’échelle des reje(c)ts, il y aurait une catégorie à part, supérieure, le reje(c)t de la vie. Exemple d’utilisation selon une jeune Montréalaise : «ayoye, lui c’est vraiment un reject de la vie». Suivant un autre Montréalais, un brin moins jeune, on peut ainsi distinguer les catégories : «Le rejet est contextuel. Le rejet de la vie est transversal.»

Si tout le monde — façon de parler — s’entend sur le sens de reje(c)t de la vie, l’unanimité est moins nette quant au moment de son apparition. @PimpetteDunoyer penche pour une éclosion récente. @meme_aimee et @maxdenoncourt croient à une histoire un peu plus ancienne.

Quoi qu’il en soit, @meme_aimee a raison quand elle écrit «Le triste de l’expression me prend, tout à coup.»

Néologie pédagogiconumérique

Mooc (logo)

En français, on parle (rarement) de cours en ligne ouvert et massif (CLOM). L’acronyme anglais est plus fréquent : MOOC (pour Massive Open Online Course).

Mais pourquoi se contenter de ces deux acronymes quand tant d’autres peuvent être créés ?

Les mauvaises langues, qui doutent du succès réel de ce type d’enseignement assisté par ordinateur, gardent MOOC, mais lui donnent un autre sens : Massively Overrated Online Courses (@AcademicsSay).

Le MOOC ne vous paraît pas suffisamment ouvert ? Pratiquez, comme on le fait à Saskatoon, le TOOC, le Truly Open Online Course.

Vous préférez le local au mondial ? Le LOOC (Local Open Online Course) est pour vous, dit-on à Vancouver.

Vous n’aimez ni les grandes structures ni le libre accès ? Optez pour un SPOC (Small Private Online Course). Ça se pratique à Harvard.

Ce n’est pas assez avancé pour vous ? Rassurez-vous : on parle parfois de MOOR (Massive Open Online Research).

On n’arrête pas le progrès.

 

[Complément du 28 août 2015]

Vous voulez rester en groupe ? L’Université McGill vous propose un GROOC, «a MOOC for groups».

 

[Complément du 30 novembre 2015]

Variation sur un même thème, chez @AcademicsSay, qui passe de Massively Overrated Online Courses à Massively Overhyped Online Courses.

 

[Complément du 15 juillet 2016]

Faisons plus simple, moins massif.

 

 

Illustration : Elliot Lepers, «MOOC – Massive Open Online Course logo», 2013, logo déposé sur Wikimedia Commons