Les recrues des Canadiens de Montréal — c’est du hockey — ont commencé hier leur camp d’entraînement. L’Oreille tendue a pensé à elles en tombant sur cette photo des années 1920 dans l’ouvrage Howie Morenz. Hockey’s First Superstar de Dean Robinson (1982, p. 61).
Sur Twitter, on a quelquefois commenté la photo, le plus souvent avec humour. «Cette photo a également le mérite de prouver une fois pour toutes la théorie voulant que Stonehenge a été construit par des hockeyeurs du Néolithique», écrit Alex Benjamin. Mr. V. s’interroge : «Ils s’entraînaient à soulever la coupe ? Une tradition qui s’est perdue.» Sylvain Lemay va dans le même sens : «À l’époque où le soulèvement de la Coupe Stanley faisait partie du camp d’entraînement des Canadiens.»
Jean-Pierre Leloir (1931-2010) était photographe. Accompagné de sa femme Arlette, il aimait saisir le monde du spectacle, notamment celui du jazz, particulièrement celui d’Ella Fitzgerald. Il conservait ses agendas et il classait avec soin ses photos; il y avait de l’archiviste en lui. Il aimait le noir et blanc, mais pas que.
Ses Sessions photographiques consacrées à la First Lady of Song et à ses musiciens, que rassemblent les éditions Glénat dans un album de grand format (27,5 cm par 33), sont splendides. Des années 1950 à novembre 1980, il a photographié Ella Fitzgerald dans ses tournées européennes, d’abord en France (Paris, Antibes Juan-les-Pins, Cannes, Grenoble, Nice). Prenez la photo de la page 115, au Théâtre des Champs-Élysées, le 20 mars 1965 : Fitzgerald porte une perruque blonde, pour honorer la mémoire de Dinah Washington (p. 58), les yeux fermés, la bouche ouverte, le visage couvert de sueur, le micro à bout de bras; c’est la même Ella Fitzgerald et une autre.
Certaines photos de Leloir seront reprises sur des pochettes, Ella & Duke at The Côte d’Azur (p. 138-139) ou Ella Fitzgerald. The First Lady of Song. Vol. I (p. 164-165). Le photographe savait s’approcher de ses sujets au plus près, qu’il s’agisse d’Ella Fitzgerald ou de Duke Ellington. L’album est précis, et rondement mené, sur la carrière de Fitzgerald; s’agissant de Leloir, le texte aurait pu être plus détaillé. On aurait aimé en savoir plus, devant un œil si pénétrant.
Le parcours proposé par Jean-Michel Boissier dans ses textes est chronologique, interrompu par de courtes proses explicatives : sur «La révolution du microsillon» (p. 22), sur le scat (p. 86), sur la différence entre l’oreille absolue et l’oreille relative («elle a l’oreille relative absolue», p. 172).
Le fan d’Ella Fitzgerald est ravi.
P.-S.—On doit aussi à Jean-Pierre Leloir des Sessions photographiques consacrées à Miles Davis (2018).
P.-P.-S.—Un esprit tatillon, l’Oreille tendue, par exemple, pourrait demander aux concepteurs de l’ouvrage si, page 69, la photo représente bel et bien Oscar Peterson. Le pianiste qu’on voit sur la photo n’est-il pas blanc, contrairement à Peterson ?
Vous êtes dans le domaine de la musique et vous voulez montrer que vous êtes proche de votre public montréalo-québéco-canadien ? Rien de plus simple : portez, sur scène, un maillot des Canadiens de Montréal — c’est du hockey. (Vous obtiendrez un point bonus si vous portez le numéro 9 de Maurice «Rocket» Richard.)
C’est ce qu’ont pensé Robert Charlebois, Céline Dion, France Gall, Billy Joel, Koriass, Éric Lapointe, Kent Nagano, Shania Twain, Wyclef Jean et Gilles Vigneault. La liste n’est évidemment pas close.
P.-S. — L’Oreille tendue a pas mal écrit sur les liens de la chanson et du hockey. Voyez, par exemple, ici.
[Complément du 30 novembre 2018]
John Lennon aussi, en 1969, avec le numéro 5 de Gilles Tremblay.
[Complément du 24 juin 2021]
Au menu du jour : Gino Vanelli, Snoop Dogg, Roch Voisine, Young MC, Ginette Reno, Marie-Mai, Loco Locass, Kesha, Émile Bilodeau.
(Accouplements : une rubrique où l’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)
Tout à l’heure, cette photo, de Martine Sonnet, sur Twitter : «Fiche de lecture : comme elles finissent #trottoirparisien.»
Il y a presque quatre ans, celle-ci, de l’Oreille tendue, aussi sur Twitter : «Trottoir montréalais • Les feuilles et les mers mortes se ramassent à la pelle.»
L’automne arrive. Les trottoirs d’ici et de là-bas se couvrent de feuilles.