(Accouplements : une rubrique où l’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)
Dans le Devoir du jour, Jean-François Nadeau évoque la disparition de plusieurs espèces d’oiseaux. Comment la mesurer ? En faisant appel, avec prudence, aux relevés des ornithologues amateurs. Pourquoi parler de cela ? Parce que Nadeau a eu la surprise d’observer, près de chez lui, des durbecs des sapins.
Stuart McLean, il y a plusieurs années, a raconté la découverte par Dave, son personnage fétiche, d’un tangara d’été (en plein hiver) et des habitudes des ornithologues amateurs (nombreux) dans «Burd». Cette histoire vient d’être reprise dans le deuxième épisode de Backstage at the Vinyl Cafe.
Pas besoin d’être ornithologue pour apprécier l’un et l’autre.
(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)
La Fédération des sciences humaines lance une baladodiffusion, Voir grand. Elle en fait la publicité, sous le titre suivant : «Lancement de la série de balados Voir grand le mois prochain».
L’Oreille tendue pense ne pas se tromper en disant que la Fédération espère voir grand au-delà d’une période de trente jours («Voir grand le mois prochain»).
Clarifions les choses : «Lancement le mois prochain de la série de balados Voir grand».
L’Université de Montréal lançait hier la série de balados «Faire connaissance».
L’Oreille tendue y discute, sous le titre «Soigner les mots», avec le gastroentérologue pédiatrique Prévost Jantchou et l’animatrice de la série, Kim Thúy.
(Accouplements : une rubrique où l’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)
Dans la livraison d’hier de ses Notules, le Notulographe livre quelques commentaires sur Pas dupe (2019), d’Yves Ravey. Il loue son art de l’incise et il apprécie le roman lu : «on est ici dans ce qu’on pourrait appeler de la littérature subtile, volatile, du très beau travail». (Les Notules ? Par ici.)
En 2021, l’Oreille signalait elle aussi l’art de l’incise chez ledit Ravey, mais celui d’Adultère (2021). S’agissant de la façon de rapporter la parole dans le même roman, elle écrivait : «Du grand art.» (C’est là.)
Hier soir, au Masque et la plume, il était question du plus récent roman de Ravey, Taormine. Arnaud Viviant a moqué le «petit ton à la Simenon» de Ravey; du roman paru, il a déploré qu’il n’appelle pas plus au tourisme. Du grand n’importe quoi.
Depuis plusieurs années, l’Oreille tendue écoute religieusement l’émission dominicale le Masque et la plume. On y parle, en alternance, de littérature, de cinéma ou de théâtre. Quatre critiques y sont réunis autour de Jérôme Garcin.
Ce n’est pas par intérêt esthétique que l’Oreille suit l’émission. Des phrases comme «J’ai a-do-ré» ou «C’est bien écrit» ne servent pas à grand-chose en critique littéraire. En revanche, les échanges entre les collaborateurs, chacun campé dans son rôle, ont une réelle valeur anthropologique : coups de gueules, vannes, cacophonie — voilà qui amuse et étonne, vu du Québec.
Dans la livraison du 24 avril, il était question du plus récent roman de Joël Dicker, l’Affaire Alaska Sanders (2022). Nelly Kaprièlian, des Inrockuptibles, comme les autres participants, n’a pas apprécié l’œuvre, et particulièrement ce qu’elle appelle son «style». Elle en profite pour dire deux niaiseries.
Première niaiserie : «Je croyais que c’était traduit de l’américain par un traducteur québécois.» Ne suit évidemment aucune démonstration : du fiel hexagonal à l’état pur.
Deuxième niaiserie : «J’adore le Québec et les Québécois. Commencez pas à me regarder comme ça.» Traduisons : j’ai préparé une petite phrase fielleuse; je sais qu’elle est fielleuse; je ne peux pas résister à la tentation de la dire; je la dis, tout en faisant semblant d’en atténuer la portée (j’aime les Québécois, même s’ils sont nuls [en traduction]).
En si peu de mots, tant de bêtise(s) : il faut admirer.
[Complément du 11 mai 2022]
«Chacun campé dans son rôle» ? Allons-y voir.
Cinéma
Michel Ciment : «C’est un film bulgare de l’année dernière, mais John Ford a déjà fait bien mieux, quoi qu’en pense la presse parisienne unanime.»
Pierre Murat : «C’est un film sympatoche, mais inférieur aux grands films russes. Je ne vous raconterai pas la fin.»
Xavier Leherpeur : «Vous n’avez rien dit encore de la grammaire du film.»
Éric Neuhoff : «Manifestement, la réalisatrice est mal baisée.»
Sophie Avon : «Le film est imparfait, certes, mais il est beau.»
Jean-Marc Lalanne : «On peut lire le film, jusque dans son rapport aux corps et aux fantasmes, comme une métaphore de la déliquescence dans les Balkans aujourd’hui.»
Camille Nevers : «Ce n’est pas mon film préféré de ce réalisateur.»
Éva Bettan : «Je n’aime pas utiliser ce mot-là, mais je vais l’utiliser quand même.»
Littérature
Arnaud Viviant : «En apparence, c’est un roman sur la culture de la betterave, mais c’est un grand livre politique. J’ai a-do-ré.»
Olivia de Lamberterie : «Je n’aime pas les betteraves, mais mon mari, si. J’ai a-do-ré.»
Nelly Kaprièlian : «Ce n’est pas traduit par un traducteur québécois. J’ai a-do-ré.»
Jean-Claude Raspiengas : «Vous pouvez bien rigoler, tous autant que vous êtes, mais le travail du style est magnifique. J’ai a-do-ré.»