Soyez raisonnables

Bitcoin, symbole

 

Soit le tweet suivant :

Floaber, donc. Il y a quelques années, l’Oreille tendue, pour sa part, avait évoqué flôber. La graphie de ce verbe n’est donc pas fixée.

En revanche, point de vue sens, cela devrait aller : floaber / flôber, c’est dépenser, souvent de façon inconsidérée (gaspiller, brûler son argent, dilapider).

Oui, cela peut être interprété comme une mise en garde en cette période de dépenses programmées.

P.-S.—Pierre DesRuisseaux, dans son Trésor des expressions populaires (2015), retient lui aussi la graphie flôber (p. 152). Pierre Corbeil promeut plutôt l’apostrophe intercalaire : flô’ber (Canadian French for Better Travel, 2011, p. 79). En ligne, on voit encore flauber et flober. C’est comme ça.

 

[Complément du 19 décembre 2019]

Pour désigner celui qui dilapide, le poète Gérald Godin promeut la graphie en –au : «flaubeur d’héritages et sans-cœur» (les Cantouques, p. 34).

 

Illustration : Bitcoin, par Web-dev-chris, image déposée sur Wikimedia Commons

 

Références

Corbeil, Pierre, Canadian French for Better Travel, Montréal, Ulysse, 2011, 186 p. Ill. Troisième édition.

DesRuisseaux, Pierre, Trésor des expressions populaires. Petit dictionnaire de la langue imagée dans la littérature et les écrits québécois, Montréal, Fides, coll. «Biblio • Fides», 2015, 380 p. Nouvelle édition revue et augmentée.

Godin, Gérald, les Cantouques. Poèmes en langue verte, populaire et quelquefois française, Montréal, Parti pris, coll. «Paroles», 10, 1971, 52 p. Édition originale : 1967.

Divergences transatlantiques 052

Catherine Lalonde, la Dévoration des fées, 2017, couverture

Il peut se passer toutes sortes de choses sous la table.

Selon le Petit Robert (édition numérique de 2014), se mettre les pieds sous la table signifie se laisser servir.

Pour le site ABC de la langue française, qui passe sous la table est réputé perdre sans marquer un seul point.

Chez Forum ados, on évoque plutôt les caresses buccales.

Aucun de ces sens ne paraît être d’un usage courant au Québec.

En revanche, il y est banal de dire d’une personne, voire d’une personne humaine, qu’elle est passée sous la table pour indiquer qu’elle a loupé un repas, soit parce qu’elle en a été privée, soit parce qu’elle est arrivée trop tard pour y avoir droit.

Exemple, tiré de l’excellent la Dévoration des fées de Catherine Lalonde (2017) : «Arrivent à la course, sinon mangeront froid leur noire avoine et le ragoût de chien d’été. Ou passeront en dessous de la table, c’est ça qui est ça, icitte» (p. 51).

 

Référence

Lalonde, Catherine, la Dévoration des fées, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 112, 2017, 136 p.

Les zeugmes du dimanche matin et de Catherine Lalonde

Catherine Lalonde, la Dévoration des fées, 2017, couverture

«Il cavalcade, le monstre à six têtes, entre en tornade, une harde sauvage, un fil à pattes les liant : la p’tite papoose à cru sur le mongol, le ti-cul derrière se bêchant, les grands sautant l’obstacle, virant le coin sec. Foin dans les cheveux, ronces aux mollets, grafignes et rose aux joues, crottés rare, ils sèment samares, cocottes, limaces et désordre sur leur passage» (p. 51).

«Grand-maman l’attend, et le malheur aussi» (p. 79).

Catherine Lalonde, la Dévoration des fées, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 112, 2017, 136 p.

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(Une définition du zeugme ? Par .)

L’oreille tendue… de René Lapierre

René Lapierre, les Adieux, 2017, couverture

«Parvenus à ce point nous nous effondrons
dans des fauteuils de cinéma pour voir
le verbe aimer brûler au kérosène;
s’arracher à l’attraction —

— terrestre, décoller en direction de l’étoile
94 Ceti. Nous tendrons l’oreille pour
entendre son chant inhumain, son fa dièse
froid. Des frissons nous hérissent.»

René Lapierre, les Adieux. Poésie, Montréal, Les Herbes rouges, 2017.

Portrait anguleux du jour

Catherine Lalonde, la Dévoration des fées, 2017, couverture

«La p’tite a plus de dix doigts d’âge. Pas d’tête, se dit Grand-maman, mais le diable aux jambes et les monstres à queue aux trousses. Perdue de force entre la lune et ses arbres — on est pas en ville, chialez pas qu’y a rien à faire à Sainte-Amère — la p’tite brille de grandir, vif-argent, fuyante comme l’eau entre les paumes, toute filée toute en longueur, faite de seulement quelques gouttes — cinq, six — bonnes à saper. Étiolée, poussée en fouet : une maigreur batracienne, des bras et jambes d’éphémère. Elle se déhanche obligée, rotules et coudes saillants, en constante maladresse et labyrinthite. Trop de rotules, trop de coudes. Et pourtant même toute d’os ça commence à bouger en femme, par quelle magie, quels sortilèges ?»

Catherine Lalonde, la Dévoration des fées, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 112, 2017, 136 p., p. 72.

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