«celle qui tient son enfant et la poésie des autres à bout de bras» (Charles Dionne, «Montréal», les Petites Manies, 15 avril 2015).
(Une définition du zeugme ? Par là.)
« Nous n’avons pas besoin de parler français, nous avons besoin du français pour parler » (André Belleau).
«celle qui tient son enfant et la poésie des autres à bout de bras» (Charles Dionne, «Montréal», les Petites Manies, 15 avril 2015).
(Une définition du zeugme ? Par là.)
(Accouplements : une rubrique où l’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux textes d’horizons éloignés.)
En 2009, Anne-Marie Olivier présente à Québec un solo théâtral, Annette. Une fin du monde en une nanoseconde. Il y est question de tricot et d’aiguilles à tricoter : avec de la laine, sur une patinoire de hockey, dans les mains des avorteurs.
En 2015, Chloé Savoie-Bernard publie à Montréal un recueil de poésie, Royaume scotch tape. On y lit ces deux vers :
des aiguilles à tricoter qui rentrent dedans
comme dans une open house (p. 68)
Le poème «camping de pauvre» (p. 27-29) s’ouvre sur le vers «je ne suis pas tricotée serrée» (p. 27) et il est scandé par le mot «maille».
Puis, dans «boogie nights au protoxide d’azote», on lit :
ta chair en lambeaux
j’en ai fait
un tricot (p. 42)
Voilà deux très fortes mises en discours de la violence faite aux femmes.
Références
Olivier, Anne-Marie, Annette. Une fin du monde en une nanoseconde, Montréal, Dramaturges éditeurs, 2012, 53 p.
Savoie-Bernard, Chloé, Royaume scotch tape, Montréal, L’Hexagone, 2015, 74 p.
Le Québec a un nouveau ministre de l’Éducation, François Blais. (On ne le confondra pas avec un autre François Blais, même si ce dernier est doué en matière de transmission culturelle.)
Interviewé à la télévision l’autre jour, le nouveau ministre a eu cette phrase sibylline : «Je pense que les Québécois ne sont pas faits en chocolat.»
Quel en est le sens ? Blais fait preuve de prudence («Je pense que»), mais il croit néanmoins que les Québécois ne sont pas fragiles / friables / fondants (ils ne sont pas «faits en chocolat»).
En ces temps d’austérité budgétaire, c’est bon à savoir. On aurait pu croire que quelqu’un voulait les manger.
[Complément du 6 avril 2015]
L’expression apparaît aussi en poésie, par exemple chez Chloé Savoie-Bernard (Royaume scotch tape, p. 14) :
nous creuserons le sol on a des bras pis des jambes
on n’est pas faits en chocolat
[Complément du 9 janvier 2021]
Le dictionnaire numérique Usito propose la définition suivante pour ne pas être fait chocolat : «ne pas être trop fragile pour sortir ou pour travailler sous la pluie». L’Oreille ne voit pas pourquoi il faudrait dire «sous la pluie»; l’expression a une extension bien plus large, ainsi que le montrent les exemples ci-dessus. Pour elle, n’est pas fait en chocolat quiconque n’est pas fragile, peu importe le temps qu’il fait. (On notera d’ailleurs que l’exemple que donne Usito, tiré d’une œuvre d’Arlette Cousture, ne fait pas référence à la pluie.)
Parlant de climat, à certains égards, la région québécoise du Saguenay—Lac-Saint-Jean constitue un microclimat linguistique (pensons au gigon, par exemple).
Autre exemple, tiré de J’ai bu (2020) : «Chus pas fait en marde d’oie : Version saguenéenne et jeannoise de l’expression “ne pas être fait en chocolat”. La fiente d’oie se désintègre rapidement sous la pluie et sèche à tire-d’aile au soleil. En effet, comme le chocolat, la “marde d’oie” ne résiste que brièvement aux intempéries» (p. 88). Pas de pluie ici, mais des «intempéries».
Poursuivons l’enquête.
Références
Québec Redneck Bluegrass Project, J’ai bu, Spectacles Bonzaï et Québec Redneck Bluegrass Project, 2020, 239 p. Ill. Avec un cédérom audio.
Savoie-Bernard, Chloé, Royaume scotch tape, Montréal, L’Hexagone, 2015, 74 p.
L’Oreille tendue découvre que, selon l’Unesco, le 21 mars est la Journée mondiale de la poésie.
Pour la célébrer, voici quatre poèmes journalisticopublicitaires, tirés d’un petit livre de son collègue et néanmoins ami Marc Angenot.
«Ses copieux nénès, qui ne datent pas d’hier,
On les eût ramassés avec une cuiller;
Depuis qu’elle les lave au savon de Vaissier,
Ils sont ronds et polis comme un casque d’acier !» (Gil-Blas, 13 novembre 1889, cité p. 21).
«Femmes qui redoutez l’effet du ballottage
Pour qu’une gorge ferme en marbre de Milo,
Au lieu de s’y mouler, moule votre corsage,
Employez en lotions toniques le Congo» (Gil-Blas, 6 septembre 1889, cité p. 21).
«Elle avait “deux œufs sur le plat…”
C’est maigre, pour une coquette !
Mais depuis que la savonnette
Du Congo sert à sa toilette,
Ils sont en pomme, ses appas !» (le Petit Parisien, 24 juin 1889, cité p. 21-22).
«Que j’en ai vu tomber, hélas ! de ces poitrines !
Avant moi, le corset soutenait ces appas,
Mais la gorge, à présent, a des formes divines,
Et c’est au doux Congo que nous devons cela !» (Gil-Blas, 11 février 1889, cité p. 36).
Référence
Angenot, Marc, l’Œuvre poétique du Savon du Congo, Paris, Éditions des cendres, 1992, 75 p. On peut lire les vingt premières pages du livre ici, en PDF.