«Pons remonte à sa chambre et à de la culture.»
François Hébert, Toute l’œuvre incomplète, Montréal, l’Hexagone, coll. «Écritures», 2010, 154 p., p. 106.
(Une définition du zeugme ? Par là.)
« Nous n’avons pas besoin de parler français, nous avons besoin du français pour parler » (André Belleau).
«Pons remonte à sa chambre et à de la culture.»
François Hébert, Toute l’œuvre incomplète, Montréal, l’Hexagone, coll. «Écritures», 2010, 154 p., p. 106.
(Une définition du zeugme ? Par là.)
Sur les ondes du Réseau des sports, pendant la diffusion télévisée du match de hockey Montréal-Boston du 8 mars, Joël Bouchard : «Ça va se passer dans pas long.»
Pas long ? Plus bref que longtemps. Ne s’emploie qu’avec pas.
[Complément du 4 avril 2022]
L’Oreille tendue est prise en faute : long semble exister seul. Exemple chez Marie-Hélène Voyer, dans Mouron des champs (2022) :
vous êtes nées ici
pêle-mêle il y a long
dans le fatras de vos naissances (p. 29)
Référence
Voyer, Marie-Hélène, Mouron des champs suivi de Ce peu qui nous fonde, Saguenay, La Peuplade, coll. «Poésie», 2022, 196 p.
Ce doit être à cause de l’hiver et de ses froids : l’Oreille tendue, pour la deuxième fois en deux semaines, parle soupe.
Non pas la soupe à l’oignon de l’autre jour, mais la soupe aux pois de la maison Habitant.
En français, que du descriptif : «Soupe aux pois.» En anglais, du descriptif et de l’ethnoculturel : «French-Canadian Pea Soup.» C’est un peu plus délicat dans le second cas que dans le premier. Pourquoi ?
Parce que «Pea soup» a souvent servi d’insulte contre les Canadiens français.
C’est ce que l’on entend dans la chanson «La dévire» du groupe Mes Aïeux (2008) :
Je suis stâllé, emberlificoté
Tricoté un brin trop serré
La tête baissée, les doigts croisés
Je rêve encore de Coupe Stanley
Je suis frileux, pea soup, peureux
Je fuis devant les grands enjeux
J’vois pus clair dans mon propre jeu
J’me prends-tu vraiment au sérieux ?
C’est ce que l’entendait déjà dans le poème «Séquences» de Gaston Miron :
Damned Canuck de damned Canuck de pea soup (p. 77).
Pour une soupe, il n’y rien de dévalorisant à se faire appeler «French-Canadian Pea Soup»; pour un Québécois francophone, au contraire, ce l’est.
[Complément du 26 juin 2017]
Un poète a chanté «La soupe aux pois» :
[…]
Chassez ce soupçon de mépris
De votre prunelle profonde
Pour la soupe que je chéris.
[…]
C’est la soupe de vos ancêtres
Dont le courage était puissant :
Tous, soldats, bûcherons et prêtres,
La sentaient bouillir dans le sang.
Dans les vastes chaudrons de fonte,
En acclamant la liberté,
Ils savaient la manger sans honte,
Sans faiblesse et sans lâcheté.
Je la vois à travers vos veines,
L’incomparable soupe aux pois :
C’est la soupe des Canadiennes
Aux cœurs énergiques et droits.
J.-A. Lapointe, le Terroir, 6, juin 1909, reproduit dans Gnou, cinquième ruade, janvier 1998.
[Complément du 26 avril 2018]
On peut inverser la valeur de pareille insulte. C’est ce qu’ont fait les designers Denise Goyer et Alain Bonneau avec leur soupière «French Pea Soup». C’est la Presse+ du jour qui présente leur œuvre.
Références
Mes Aïeux, «La dévire», la Ligne orange, 2008, 4 minutes 3 secondes, disque audionumérique, étiquette Disques Victoire VIC23661.
Miron, Gaston, l’Homme rapaillé. Poèmes, Montréal, Typo, 2005, 258 p. Préface de Pierre Nepveu. Édition originale : 1998.
S’agissant de hockey, ceci, tiré du roman la Ballade de Nicolas Jones de Patrick Roy : «les fantômes ont failli» (p. 16). Qui sont ces «fantômes» que l’auteur n’a même pas besoin de présenter ? Ce sont, bien sûr, les fantômes du Forum.
Les non-amateurs du sport national canadien ont peut-être besoin de précisions. Ces fantômes du Forum seraient les esprits des anciens joueurs des Canadiens de Montréal, le Forum étant l’aréna où l’équipe a joué pendant plusieurs décennies. Ils aideraient, dans l’ombre, les joueurs venus après eux. Leur intervention expliquerait certaines victoires tout à fait imprévisibles de l’équipe de Montréal.
Annakin Slayd, dans sa chanson «La 25ième» (2009), les évoque :
Je rejoins les fantômes
Je leur passe le flambeau
Je sais qu’cette croisade ça va pas rater
Nah… pis on va boire de la Coupe sacrée yeah
Il en va de même dans «Le but» de Loco Locass (2009) :
Enfin on fait les séries
Finies les folies
Là c’est baston et rififi
Boston Philadelphie
Avec les fantômes du Forum
On n’a pas peur de personne
Le plus souvent, on considère que les fantômes du Forum forment un groupe. Exemple, tiré d’une biographie de Maurice Richard destinée à la jeunesse, celle de Johanne Ménard : «Une légende veut que les fantômes d’anciennes vedettes des Canadiens encouragent les joueurs de leur équipe pendant leurs parties à domicile» (p. 62).
Il arrive pourtant que d’autres hypothèses apparaissent, plus spécifiques celles-là, et plus rares.
Pour le groupe Mes Aïeux, «Le fantôme du Forum» (2008) est celui d’Howie Morenz, vedette du club dans les années 1920-1930 :
Howie ! On a un septième homme su’a glace
Howie ! Un vrai de vrai d’l’époque pas d’casque
C’t’un gros facteur parapsychologique
De jouer en avantage ésotérique
Dans la nouvelle «Le fantôme du Forum» de Jean-Pierre April (1981), ce fantôme n’est pas un ancien joueur, mais un partisan, Gaston «Gasse» Ratté, grand admirateur de Guy Lafleur et grand buveur de bière.
Bill Templeman — nom prédestiné pour s’intéresser au «temple du hockey» — a signé un poème consacré au «fantôme en chef du Forum» («The Montreal Forum’s Chief Ghost», 1999). Il s’agit aussi d’un partisan mais anonyme.
Pour éclaircir le mystère, faudra-t-il faire appel à Chantal Lacroix ?
N.B. Non : ce Patrick Roy n’est pas l’ex-gardien de but de la Ligue nationale de hockey.
[Complément du 25 juillet 2014]
Le narrateur du roman Sainte Flanelle, gagnez pour nous ! de Claude Dionne (2012) propose l’explication suivante, du moins à titre d’hypothèse :
Nul ne savait quand étaient apparus les fameux fantômes. Mais, selon la légende maintes fois entendue, le tout aurait débuté durant la soirée du 10 mars 1937 au cours de laquelle le gardien de faction fut foudroyé par une crise cardiaque lorsqu’il aperçut le spectre de Howie Morenz.
Durant la journée qui précéda cette vision fantomatique, des milliers d’admirateurs avaient défilé devant la dépouille mortelle du joueur du Canadien de Montréal exposée au centre de la patinoire du Forum (p. 125).
Suit un récit fantastique haut en couleur.
[Complément du 28 juillet 2014]
Selon Véronique Nguyên-Duy, la télévision de Radio-Canada, au moment de la fermeture du Forum en mars 1996, aurait diffusé une émission intitulée les Fantômes du Forum et animée par Gilles Latulippe. Et le magazine The Hockey News aurait lancé une édition spéciale en français portant le même titre (p. 107).
[Complément du 29 juillet 2014]
Les auteurs de certains textes ne s’en cachent pas : ils parlent expressément des fantômes du Forum. D’autres laissent leurs lecteurs faire le rapprochement. Tel est le cas de Richard Garneau (1930-2013), qui fut longtemps attaché à la description télévisuelle des matchs des Canadiens.
Garneau a écrit quelques livres : À toi, Richard… (Altius, Angélus, Airbus) (1992), les Patins d’André (1994), Train de nuit pour la gloire ou 45 jours à la conquête de la coupe Stanley (1995), À toi, Richard… prise deux ! Un Québécois en Bavière (1996).
La nouvelle «Donny» du recueil Vie, rage… dangereux (Abjectus, diabolicus, ridiculus) (1993) raconte la vie de Dieudonné Métivier, surnommé «Donny» par les joueurs anglophones des Canadiens de Montréal (p. 132). Qui est-il ? Un musicien amateur qui appuie les joueurs de son équipe favorite avec un «Charge !», joué à la trompette, particulièrement senti. Un jour, on le chassera du «saint des saints» (p. 133) : «une nouvelle administration décréta que l’orgue du Forum suffisait au bonheur des spectateurs et que, désormais, il serait défendu aux musiciens amateurs de venir profaner le sanctuaire» (p. 143).
Après ce «bannissement» (p. 148), Donny ne reviendra que deux fois au Forum. La première, il sera expulsé «manu militari» (p. 144). La seconde, il se laissera glisser sur la patinoire à partir d’une passerelle qui la surplombe. Le soir du 18 janvier 1985, lorsqu’on dévoila «l’équipe d’étoiles de tous les temps» chez les Canadiens (p. 145), les spectateurs étonnés du Forum se demandèrent «qui était ce fantôme tombé du ciel» (p. 148).
[Complément du 19 janvier 2016]
C’est confirmé. En 1996, le magazine Hockey News a publié une série de quatre numéros en traduction française. Son titre ? «Fantômes du Forum.»
[Complément du 1er avril 2016]
Le premier. L’homme de lettres Gilles Marcotte (1925-2015) était amateur de hockey. Dans un des textes de son recueil la Mort de Maurice Duplessis et autres récits (1999), le personnage principal se définit comme un «fantôme administratif» (p. 130). Où se trouve-t-il quand il parle ainsi de lui-même ? «Au Forum.»
Le second. L’Oreille tendue ne s’y habitue pas : certains des fantômes du Forum seraient des fantômes de joueurs vivants. Voyez ici.
[Complément du 20 mars 2017]
La chaîne Historia a consacré une série télévisée à Jean Béliveau. Dans la Presse+ du jour, on s’entretient avec le comédien Pierre-Yves Cardinal, qui joue le rôle de l’ancien capitaine des Canadiens. Au sujet de l’aréna de Verdun, où des scènes ont été tournées, il déclare : «La municipalité a gardé l’endroit vraiment tel quel. Quand on est tous arrivés là-bas avec nos costumes de légendes, c’était incroyable. Tu sens que les fantômes ne sont pas loin.» Ces fantômes-là n’ont pas besoin de présentation.
[Complément du 23 août 2018]
La romancière pour la jeunesse Danielle Boulianne n’a pas d’hésitation, elle, en matière de fantômes : elle sait très précisément qui ils sont; elle est bien la seule. Dans le Remarquable Héritage (2012), les jeunes joueurs des Requins de la ville fictive de Rocketville les affrontent sur une patinoire extérieure, de nuit. Les neuf fantômes — Toe Blake, Bill Durnan, Doug Harvey, Aurèle Joliat, Newsy Lalonde, Joe Malone, Howie Morenz, Jacques Plante et Georges Vézina — sont accompagnés pour l’occasion de Maurice Richard. En effet, le Rocket ne serait pas un fantôme du Forum :
Parce que les fantômes qui hantent le Forum sont morts au moment où celui-ci constituait encore le domicile du Canadien. Lorsque le Rocket est décédé, l’équipe avait déjà déménagé au Centre Bell. Comme il n’y a jamais joué, il ne peut le hanter (p. 87).
L’explication est pour le moins confuse : aucun des fantômes supposés n’a joué au Centre Bell…
[Complément du 21 janvier 2019]
Dans le Hockey pour les nuls (2018), Richard Labbé décrit quatre matchs des Canadiens dont les fantômes du Forum auraient influencé le cours (p. 82-91). L’auteur est prudent : il ne dit jamais qui seraient ces fantômes. Il note qu’ils n’ont contribué à aucune conquête de la coupe Stanley au Centre Bell (p. 81, p. 234). Surtout, il ajoute au mystère qui les entoure : alors que tous les exégètes s’entendent pour dire que les fantômes exercent leur pouvoir sur les glaces montréalaises, Labbé se demande si les fantômes n’auraient pas accompagné les Canadiens à Boston pour le match contre les Bruins du 8 avril 1971 (p. 83) et à New York pour le match contre les Rangers du 5 mai 1986 (p. 88). Tant de questions, si peu de jours.
[Complément du 28 mars 2021]
Serge Bouchard est anthropologue, essayiste, homme de parole. Dans son plus récent recueil de textes, Un café avec Marie (2021), il consacre un texte à un de ses héros en matière de sport, Claude Provost, «Le chandail numéro 14 des Canadiens de Montréal» (p. 30-32). L’éloge est absolu : «Son visage inoubliable devrait se retrouver en trois dimensions au plafond du centre Bell. C’est lui, le vrai fantôme du Forum, la gueule du sacrifice, la gueule du gagnant» (p. 32). Qu’on se le dise.
Références
April, Jean-Pierre, «Le fantôme du Forum», Imagine…, 7 (vol. 2, no 3), mars 1981, p. 29-47. Repris dans les Années-lumière. Dix nouvelles de science-fiction réunies et présentées par Jean-Marc Gouanvic, Montréal, VLB éditeur, 1983, p. 31-53 et dans Jean-Pierre April, Chocs baroques. Anthologie de nouvelles de science-fiction, Montréal, BQ, coll. «Littérature», 1991, p. 161-184. Introduction de Michel Lord.
Bouchard, Serge, Un café avec Marie, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 2021, 270 p.
Boulianne, Danielle, le Remarquable Héritage. Tome 3 de Bienvenue à Rocketville, L’île Bizard, Éditions du Phœnix, coll. «Œil-de-chat», 34, 2012, 186 p. Illustrations de Jessie Chrétien.
Dionne, Claude, Sainte Flanelle, gagnez pour nous ! Roman, Montréal, VLB éditeur, 2012, 271 p.
Garneau, Richard, «Donny», dans Vie, rage… dangereux (Abjectus, diabolicus, ridiculus). Nouvelles, Montréal, Stanké, 1993, p. 123-149.
Labbé, Richard, le Hockey pour les nuls. Édition Québec, Paris, Éditions First et Éditions de l’Homme, 2018, xix/363 p. Ill.
Marcotte, Gilles, «Au Forum», dans la Mort de Maurice Duplessis et autres récits, Montréal, Boréal, 1999, p. 127-132.
Ménard, Johanne, Connais-tu Maurice Richard ?, Waterloo (Québec), Éditions Michel Quintin, coll. «Connais-tu ?», 5, 2010, 63 p. Illustrations et bulles de Pierre Berthiaume.
Nguyên-Duy, Véronique, «Maurice, ti-Guy, Lulu et la gang», Québec français, 102, été 1996, p. 106-107. https://id.erudit.org/iderudit/58644ac
Roy, Patrick, la Ballade de Nicolas Jones. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 01, 2010, 220 p.
Templeman, Bill, «They Don’t Play Hockey Here Any More : The Montreal Forum’s Chief Ghost Meditates Upon the History of the Game», dans Dale Jacobs (édit.), Ice. New Writing on Hockey. A Collection of Poems, Essays, and Short Stories, Edmonton, Spotted Cow Press, 1999, p. 194-197.
«Pons ne touche plus à la poutine de Claire,
Ne joue plus au papa, au prof ni au hockey, à rien.»
François Hébert, Toute l’œuvre incomplète, Montréal, l’Hexagone, coll. «Écritures», 2010, 154 p., p. 29.
***
«Bon Débarras, du trad d’Amérique et d’errance.»
Yves Bernard, le Devoir, 13 octobre 2010, p. B8.
***
«La situation ne pouvait pas demeurer aussi mauvaise et aussi longtemps dans les villes de Montréal et de Québec.»
Claude Galarneau, «L’école, gardienne de la langue», dans Michel Plourde et Pierre Georgeault (édit.), le Français au Québec. 400 ans d’histoire et de vie, Montréal, Fides et Conseil supérieur de la langue française, 2008, p. 148-152, p. 150. Nouvelle édition.
***
«De [?] la ville d’où j’arrive, Marrakech, on trouve de tout à pleins souks : des serpents en bois ou en vie, des djellabas, des bracelets, des babouches et écharpes soyeuses.»
Odile Tremblay, «Noël ici et là», le Devoir, 18-19 décembre 2010, p. E2.
***
Voilà qui s’appelle mettre tous ses zeugmes dans le même panier.
(Une définition du zeugme ? Par là.)