Lectures de gym : Proust, Balzac, Arcan, Foucault

Anthony Lacroix, Proust au gym, 2024, couverture

«ça fait déjà une semaine que
j’écoute À la recherche du temps perdu au gym
ça se passe mieux que je pensais
je suis dans les temps
mais je n’ai pas d’amis avec qui partager l’expérience

je ne suis pas le seul qui s’entraîne avec des écouteurs
mais je ne connais personne

j’imagine qu’ils écoutent tous un livre audio
particulièrement difficile

le gars avec les bras plus gros que ma tête
doit écouter Le père Goriot

la fille en lycra noir doit écouter À ciel ouvert
pour la deuxième fois

l’autre fille qui fait des squats
c’est Les mots et les choses qu’elle écoute»

Anthony Lacroix, Proust au gym, Montréal, Éditions de Ta Mère, 2024, 105 p., p. 16.

Accouplements 237

Anne Hébert, Poèmes, 1960, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Sternberg, Jacques, l’Employé. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 1958, 216 p.

«Avec les restes de l’eau des dîners, en la décomposant, elle fabriquait elle-même, à la sauvette, l’air dont nous avions besoin et que nous n’avions pas les moyens de nous acheter en tube. Puis, de l’eau séchée et fumée, elle tirait une sorte de plat très nourrissant que l’on mangeait les jours de fêtes» (p. 19).

Hébert, Anne, «Un bruit de soie», dans Poèmes, Paris, Seuil, 1960, p. 57-58.

«Se chercher à travers le feu et l’eau

fumée»

 

P.S.—Le 24 avril 1998, dans le cadre du colloque «Poésie québécoise et histoire littéraire», organisé par Michel Biron et l’Oreille tendue, Gilles Marcotte a proposé sa lecture du poème d’Anne Hébert. Ce jour-là, il avait lu «l’eau fumée» sans tenir compte du saut de vers. Cela avait entraîné de longues discussions. Le texte de Marcotte a paru en 1999.

 

Référence

Marcotte, Gilles, «Anne Hébert : “Un bruit de soie”», Voix et images, 24 : 2, 71, hiver 1999, p. 301-309. https://doi.org/10.7202/201429ar

Accouplements 229

Collage de couvertures de livres de Peter Handke et Jean Tortel

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

En 1980, les éditions Gallimard publient, de Peter Handke, le Poids du monde. Un journal (Novembre 1975-Mars 1977), dans une traduction de Georges-Arthur Goldschmidt. Aucune des entrées ne se termine par un point final.

En 1987, les éditions André Dimanche publient, de Jean Tortel, Passés recomposés. Tous les vers se terminent par un point final.

L’oreille tendue de… Yves Laroche

Nouaison. Revue littéraire, volume 3, 2001, couverture

«Qu’il ait été entendu comme une recommandation (il faut tendre l’oreille) ou une constatation (l’oreille est tendre), le thème du dossier d’essais sur la poésie de la troisième Nouaison aura permis de creuser le rapport entre la poésie et la musique, le rythme, le silence, l’écoute, la parole, le roman, dans des lieux aussi divers que l’école, les musées, les sanctuaires, le lit, les pays étrangers, le surréalisme, les œuvres des Anciens, de Montaigne, Victor Hugo, Léopold Sédar Senghor, Jacques Brault et Clarisse Tremblay. Tous les essayistes de Nouaison nous invitent à tendre l’oreille et à capter les échos du monde afin d’en avoir une meilleure compréhension.»

Yves Laroche, pour le comité de rédaction, «Tendre l’oreille», Nouaison. Revue littéraire, 3, 2001, p. 9-10, p. 9. Revue publiée par les éditions Le griffon d’argile.

Le poète-hockeyeur

Classic Hockey Stories, édition de Paul Langan, 2021, couverture

Dans «Double-Backed Puckster», une nouvelle de janvier 1938, Ralph Powers met en scène un jeune hockeyeur qui passe du sport collégial à une ligue professionnelle. Le moins que l’on puisse dire est que Clarence «Tillie» Tillingworth a des habitudes culturelles inattendues dans ce milieu.

Quand on l’interroge sur son nom, jugé rare, il répond en citant Shakespeare (p. 95). Sa définition du courage ? Il l’emprunte à lord Byron (p. 109-110). Il aime accumuler les citations qui fleurent bon la formation classique.

Ses coéquipiers, à une seule exception («us poets has sensitive souls», p. 115), se moquent de lui : «he spouts a bunch of poetry — an’ everybody knows that that’s sissy stuff» (p. 108); «the poets, an’ sissy guys like that, run away from trouble» (p. 109). Sissy : poule mouillée, efféminé, peureux — rien là de valorisé.

À la fin de la nouvelle, histoire de s’intégrer au groupe, le «poem-quoting puckster» (p. 115) abandonne la poésie : «From now on the poetry stuff is out !» (p. 116) On peut le déplorer.

P.-S.—Ce n’est bien sûr pas la première que se croisent ici poésie et hockey.

P.-P.-S.—Reproduire pareilles nouvelles anciennes est une idée bienvenue. Malheureusement, l’ouvrage Classic Hockey Stories est une catastrophe typographique : numérisation approximative, ponctuation qui ne l’est pas moins, coquilles sur coquilles, etc.

 

Référence

Powers, Ralph, «Double-Backed Puckster», Ace Sports Monthly, VII, 1, janvier 1938, reproduit par Paul Langan dans Classic Hockey Stories. From the Golden Era of Pulp Magazines, 1930s-1950s, Chez l’Auteur, 2021, 240 p., p. 94-116.