Poésie(s) du jour

Antoine Brea, l’Enfer de Dante mis en vulgaire parlure, 2021, couverture

Il a décidé le Brea (Antoine),
De rendre du Dante en langue vulgaire,
Histoire de pas se poigner le moine

Entre siens deux travaux scripturaires.
Il a, croyez-le-me, mahous bossé,
Car l’adaptation, ça, oui, il sait faire.

Les langues françaises, il a dru rossées;
Du médiéval à notre bel âge,
Jamais n’hésite à les engrosser.

Qu’est-ce qui, de ce bonheur, surnage ?
Jactances en rap, en grivois argot,
Propos fort cryptés de quelque mage,

Des mots anglos, de dead et stop à go,
Du Froissart, Flaubert, Regnard et San-A
Des cavalcades à rendre dingo.

Puristes râleront; pas moi, fana.
Pour sûr, me suis toujours amusé.
Hou : il vous explosera, l’ananas.

Signé : L’Esgourde avide, liseur ravi

 

Référence

Brea, Antoine, l’Enfer de Dante mis en vulgaire parlure. Poème, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 160, 2021, 390 p.

L’oreille tendue de… Dante / Brea, et vice versa

Antoine Brea, l’Enfer de Dante mis en vulgaire parlure, 2021, couverture

«Ici, pour autant qu’on peut tendre assez
l’ouïe, y a nul pleur, mais des soupirements
qui troublent l’air sans futur ou passé;

ça provient de la douleur (sans tourments)
qu’éprouvent les masses en nombre et grandes
d’hommes, de dames et de garnements» (p. 48, vers 25-30).

 

«Donc on mit notre palabre au point mort,
et vers eux seuls on tendit l’oreillette» (p. 230, vers 38-39).

 

Antoine Brea, l’Enfer de Dante mis en vulgaire parlure. Poème, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 160, 2021, 390 p.

Traces

Antoine Brea, l’Enfer de Dante mis en vulgaire parlure, 2021, couverture

L’Oreille tendue — c’est une de ses nombreuses batailles perdues d’avance — n’aime pas l’emploi du verbe quitter sans complément. C’est comme ça et ça dure depuis sa naissance en 2009.

Elle s’en plaignait déjà, par exemple, le 7 juillet 2009. François Bon lui avait alors signalé l’existence de «on trace», en France, dans un sens similaire.

Depuis, elle a repéré quelques occurrences de ce verbe.

«— Je croyais que tu avais tracé, dit Mikael.
— J’ai fait demi-tour à Uppsala» (Millénium 1, p. 497).

«Un expert trace à Samothrace […]» (Salut, mon pope !, p. 22).

Nouveau repérage dans le prodigieux Enfer de Dante mis en vulgaire parlure d’Antoine Brea :

«après nous ils vont tracer plus féroces
qu’un dogue ayant le garenne aux babines…» (p. 209)

La chasse continue.

 

[Complément du 24 septembre 2021]

L’Oreille, lisant le «Glossaire» du livre d’Antoine Brea, trouve cette définition de tracer : «Ne pas s’arrêter, marcher vite, filer» (p. 387).

 

Références

Brea, Antoine, l’Enfer de Dante mis en vulgaire parlure. Poème, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 160, 2021, 390 p.

Larsson, Stieg, les Hommes qui n’aimaient pas les femmes. Millénium 1, Arles, Actes Sud, coll. «Actes noirs», 2006, 574 p. Traduction de Lena Grumbach et Marc de Gouvenain. Édition originale : 2005.

San-Antonio, Salut, mon pope ! Roman spécial-police, Paris, Fleuve noir, coll. «S.A.», 25, 1974, 254 p. Édition originale : 1966.

Vaut mieux l’avoir que pas

Emmanuel Deraps, Failure, 2019, couverture

Soit le passage suivant de l’incipit du recueil Failure d’Emmanuel Deraps (2019) :

failure c’est un long poème
[…]
c’est pour celles qui ont le verre vide
et qui n’ont pas le courage
de faire signe                              au barman
c’est pour ceux qui n’ont pas la twist
mais qui dansent quand même sous la pluie (p. 13)

Malgré l’allusion à la danse, l’expression avoir la twist excède, en français du Québec, le domaine de la rotation pelvienne.

Elle signifie être habile, savoir s’y prendre ou, pour le dire avec une autre expression du cru, avoir le tour.

L’Oreille tendue souhaite à ses lecteurs de l’avoir et de ne jamais la perdre.

 

Référence

Deraps, Emmanuel, Failure. Poésie, Montréal, Del Busso éditeur, 2019, 112 p. Ill.