Vaut mieux l’avoir que pas

Emmanuel Deraps, Failure, 2019, couverture

Soit le passage suivant de l’incipit du recueil Failure d’Emmanuel Deraps (2019) :

failure c’est un long poème
[…]
c’est pour celles qui ont le verre vide
et qui n’ont pas le courage
de faire signe                              au barman
c’est pour ceux qui n’ont pas la twist
mais qui dansent quand même sous la pluie (p. 13)

Malgré l’allusion à la danse, l’expression avoir la twist excède, en français du Québec, le domaine de la rotation pelvienne.

Elle signifie être habile, savoir s’y prendre ou, pour le dire avec une autre expression du cru, avoir le tour.

L’Oreille tendue souhaite à ses lecteurs de l’avoir et de ne jamais la perdre.

 

Référence

Deraps, Emmanuel, Failure. Poésie, Montréal, Del Busso éditeur, 2019, 112 p. Ill.

Non-vœu

Maxime Raymond Bock, les Noyades secondaires, 2017, couverture

Dans le français populaire du Québec, le mot flat(t)(e) peut désigner plusieurs choses.

Venu de l’anglais, il est synonyme de crevaison : J’ai eu un flat.

En matière d’imbibition, il indique qu’une boisson houblonnée a perdu son effervescence :

Il se lève et finit la grosse bière
flatte sur sa table de travail (Poèmes anglais, p. 170).

Un plongeur ratant son entrée dans l’eau fait aussi un flatte :

un flatte en pleine face après une ouverture aléatoire, qu’il ne fallait jamais perdre le décompte quand alternaient l’eau et le plafond à toute vitesse (les Noyades secondaires, p. 27).

Dans la Presse+ du 4 juin, on apprend que la Québécoise Lysanne Richard entend plonger du haut d’une montgolfière «volant à une altitude de 20 à 25 mètres, l’équivalent d’un immeuble de huit étages». On ne lui souhaite pas de faire un flatte.

 

Références

Desbiens, Patrice, Poèmes anglais suivi de la Pays de personne suivi de la Fissure de la fiction, Sudbury, Prise de parole, coll. «Bibliothèque canadienne-française», 2010, 223 p. Préface de Jean Marc Larivière. Édition originales : 1988, 1995 et 1997.

Raymond Bock, Maxime, les Noyades secondaires. Histoires, Montréal, Le Cheval d’août, 2017, 369 p.

Figures de dirigeants

En 2004, l’Oreille tendue coproposait la définition suivante du mot capitaine dans le Dictionnaire québécois instantané :

Archaïsme. À l’époque des tavernes, appellatif de garçon : Capitaine ! Encore deux Torrieuse. Le client du capitaine est souvent le boss* : Les v’là, boss (p. 34).

Cette définition appelle deux remarques. D’une part, capitaine peut avoir une assez large extension hors brassin. D’autre part, l’association capitaine / boss peut aussi accueillir le chef.

Deux exemples le démontreront.

Le premier provient du poème «C’est vrai» de Patrice Desbiens :

Hé capitaine
t’aurais pas un
trente-sous ?
Merci chef
j’avais
pas mal
soif
[…]
C’est vrai qu’y
fait beau
pas vrai,
boss ? (éd. de 2010, p. 99-100)

Le second se trouve dans un des essais radiophoniques de Serge Bouchard, «Le supérieur immédiat» :

Je me suis toujours interrogé sur ces vendeurs qui s’adressent aux clients à grands coups de «que puis-je faire pour vous, chef ?» et de «c’est beau comme ça, capitaine ?». Le faux clin d’œil est malaisant, il exprime une solidarité de «mononcle», une familiarité de mauvais aloi (p. 199).

Dont acte.

 

Références

Bouchard, Serge, Un café avec Marie, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 2021, 270 p.

Desbiens, Patrice, Poèmes anglais suivi de la Pays de personne suivi de la Fissure de la fiction, Sudbury, Prise de parole, coll. «Bibliothèque canadienne-française», 2010, 223 p. Préface de Jean Marc Larivière. Éditions originales : 1988, 1995, 1997.

Melançon, Benoît, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, Montréal, Fides, 2004 (deuxième édition, revue, corrigée et full upgradée), 234 p. Illustrations de Philippe Beha. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2019, 234 p.

Benoît Melançon, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, 2019, couverture