Glossaire de débat

Casquette «Make Québec Ontario Again»

Dans le cadre des élections provinciales québécoises, la télévision de Radio-Canada présentait hier soir un débat entre les chefs des principaux partis politiques : Philippe Couillard (Parti libéral du Québec), François Legault (Coalition avenir Québec), Jean-François Lisée (Parti québécois) et Manon Massé (Québec solidaire). Il était animé par Patrice Roy. L’Oreille s’est tendue.

Alimentation. Il a été question de patate en poudre, mais pas de pogos.

Anglicismes. Manon Massé ne s’en prive pas : backé, flabergastée («comme on dit en chinois»), flusher.

Ayoye. À quelques reprises, l’Oreille tendue a eu recours à la même expression que François Legault. Ce n’était positif ni pour l’une ni pour l’autre.

Bobos. Il faudrait, s’ils sont petits, ne pas les traiter en hôpital, contrairement aux gros. Jean-François Lisée et Manon Massé sont d’accord là-dessus. Voir p4 / p5 et sous.

Culture. Le débat commençait à 20 h; le mot culture a été prononcé une seule fois par un des chefs, Manon Massé, à 21 h 52; artistes, par Jean-François Lisée, à 22 h 09. Cela se passe probablement de commentaire.

Emplois. Se dit aussi travail, djobbes ou ouvrage (Philippe Couillard aime ce mot).

Excessivement. Dans la bouche de Philippe Couillard, veut dire extrêmement : il faudrait être «excessivement prudent».

Faire en sorte que. Formule utilisée une douzaine de fois par Jean-François Lisée, y compris en anaphore. Il devrait faire en sorte de se corriger de ce tic.

France. Dans le «Moi, premier ministre» de Jean-François Lisée, on pouvait entendre le «Moi, président» de François Hollande en débat avec Nicolas Sarkozy le 12 mai 2012. Dans le «Vous n’avez pas le monopole de la compassion» adressé par Philippe Couillard à François Legault, on entendait sans aucun doute le «Vous n’avez pas le monopole du cœur» de Valéry Giscard d’Estaing à François Mitterrand (10 mai 1974).

Génitoires. «Quelque chose qui ressemble à Couillard» (Jean-François Lisée).

Ironie. Manon Massé veut étendre l’application de la Charte de la langue française aux entreprises de moins de «vinz employés». Dans la même phrase, elle chante le «bonheur de parler français» et utilise le verbe «promouvoit» (pour «promeut»).

Langue populaire. Les aspirants premiers ministres ne craignent pas son utilisation. Philippe Couillard : «Le papa a eu d’la misère.» Jean-François Lisée (à François Legault) : «Jean Chrétien, sors de ce corps.» Manon Massé : «mesurettes», «pinottes», «capoter».

«Des mesurettes et des pinottes», tweet de Marc Cassivi, 13 septembre 2018

Monnaie. Se dit dollars, piasses, cennes, cents et sous (voir ce mot).

Niveau (au ~ de). Tournure malheureusement appréciée de Manon Massé.

Officines. Non pharmaceutiques, mais politiques. S’en méfier, recommande la même Manon Massé.

Ontario. Étalon provincial. Poussé dans ses ultimes retranchements, un candidat pourra utiliser, aux mêmes fins comparatives, Alberta.

P4 / P5. À bobos, François Legault préfère ces codes.

Pléonasme. Manon Massé veut que les Québécois et les Québécoises se lèvent «debout».

Psittacisme. «Maternelle 4 ans» (François Legault).

R. Bien roulés, chez François Legault.

Sous. En 2004, dans le Dictionnaire québécois instantané que cosignait l’Oreille tendue, ce mot était défini de la façon suivante : «variante infantilisée» d’argents (p. 208). Seul Jean-François Lisée l’a employé hier soir. Voir bobos.

Synonymie. Quand François Legault parle de test des valeurs, Philippe Couillard choisit test d’expulsion. C’est la même chose, mais ce n’est pas la même chose.

Temps. Matière fossile : «Je vais creuser du temps» (Patrice Roy).

Versification. «Ambition rime avec brouillon» (Philippe Couillard).

 

Illustration tirée de Twitter

 

Référence

Melançon, Benoît, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, Montréal, Fides, 2004 (deuxième édition, revue, corrigée et full upgradée), 234 p. Illustrations de Philippe Beha. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2019, 234 p.

Benoît Melançon, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, 2004, couverture

Glanes de campagne

Le Québec, donc, «ira aux urnes», le 1er octobre.

Premier tweet électoral de l’Oreille tendue :

Quelques jours plus tard, elle tweete ceci, à titre de «Citation du jour» : «Je n’écoute jamais les circonlocutions, dit Mlle Bürstner» (Kafka, le Procès). @ljodoin retweete, avec les mots clics #elections2018 et #polqc. Bien vu.

Un texte d’opinion de la Presse+, signé Mathieu Bélisle, rappelle à l’Oreille que les choses n’ont pas changé depuis les élections de 2012.

Sur Twitter, le 6 septembre, le Devoir publie ceci : «Legault plaide pour un État de “gros bon sens”.» Jadis, l’Oreille s’est penchée sur ce GBS.

En 2017, l’Oreille a publié un texte sur les pogos, Manon Massé oblige. Ce texte est redevenu populaire depuis quelques semaines.

Parlons éducation

Dans la Presse+ du jour, le professeur et essayiste Mathieu Bélisle publie un texte d’opinion intitulé «Des élections résolument provinciales». On y lit cette remarque particulièrement juste et révélatrice de la place de l’éducation dans les programmes politiques québécois :

On se prend à rêver du jour où un chef de parti éprouvera le même empressement, la même fierté à présenter aux Québécois la personne choisie pour diriger le ministère de l’Éducation que celle qu’il éprouve en présentant les éventuels responsables de la Santé et du Trésor, du jour où il fera de l’éducation la grande priorité de son gouvernement en lui donnant l’ampleur d’une véritable vision pensée sur le long terme, où il reconnaîtra, quoi que disent les sondages et les groupes d’intérêt, qu’une société vieillissante n’a pas seulement besoin de soins de santé de qualité et d’une fin de vie vécue dignement, mais aussi, et peut-être surtout, d’un système d’éducation fort, soucieux du commencement de la vie et de son épanouissement.

Lors des élections de 2012, pour le Journal de Montréal, dans «Autoportrait électoral d’un privilégié insatisfait», l’Oreille tendue exprimait des positions bien proches de celles-là.

Moins ça change…

Créativité linguistico-commerciale

L’Assemblée nationale du Québec n’aime pas le «Bonjour / Hi», cette entrée en matière que l’on entend beaucoup dans les commerces montréalais. Les 29 et 30 novembre 2017, une motion proposée par le Parti québécois portait sur cette question.

Comment respecter le souhait de l’Assemblée nationale de ne pas utiliser cette formule et continuer à pratiquer le bilinguisme d’accueil commercial ?

Des sources conjugales proches de l’Oreille tendue lui font découvrir le «Hi / Bonjour». C’est la même chose, mais ce n’est pas pareil.

Paul Gérin-Lajoie (1920-2018)

Photographie de Paul Gérin-Lajoie, 2012, par Simon Villeneuve

Paul Gérin-Lajoie vient de mourir. On chante ses mérites — à juste titre — sur toutes les tribunes, tant pour son rôle dans le développement de l’éducation au Québec que pour son action internationale.

L’Oreille tendue, en 2013, avait eu le plaisir de côtoyer Paul Gérin-Lajoie pendant quelques heures. Elle était sortie de cette rencontre avec un seul souhait : avoir, en vieillissant, ne serait-ce qu’une partie de la lucidité et de la vivacité d’esprit de cet homme de plus de 90 ans.

C’est une vie bien pleine, jusqu’à la fin, qui vient de s’achever.

P.-S.—Le nom de Paul Gérin-Lajoie s’est déjà retrouvé à côté de celui de Maurice Richard. Cela ne s’invente pas.

 

Illustration : Paul Gérin-Lajoie au Forum mondial de la langue française en 2012, photo par Simon Villeneuve déposée sur Wikimedia Commons