Dessiner le Printemps érable

Marc Beaudet et Luc Boily, Gangs de rue. La marche orange, 2012, couverture

[Huitième texte d’une série sur les livres du Printemps érable. Pour une liste de ces textes, voyez ici.]

Marc Beaudet (dessins) et Luc Boily (textes) ont lancé en 2011 une série de bandes dessinées humoristiques inspirées du hockey, «Gangs de rue». Trois volumes ont paru à ce jour : les Rouges contre les bleus (2011), la Marche orange (2012), Alerte rouge (2014).

Le deuxième album s’inspire très précisément des événements du printemps 2012 au Québec.

Les «gangs de rue», une bande d’adolescents, décident de lutter contre le projet commercial d’un promoteur véreux, «Le cartier 20/60», car il les privera du boisé où ils jouent. Ils ne réussiront que partiellement : le projet sera construit, mais il tiendra compte de leurs suggestions. On y relocalisera notamment la bibliothèque Georges-Émile-Lapalme. (L’Oreille tendue a un faible pour Georges-Émile Lapalme.)

Comment sont-ils parvenus à leurs fins ? En occupant la rue casseroles à la main. En arborant, à défaut du carré rouge, un cercle orange. En défilant quasi nus. En se déguisant en panda ou en banane. En se joignant, sur le modèle de la Coalition large de l’ASSÉ (CLASSE), aux activités de la Coalition locale d’actions sociales commerciales et environnementales (CLASCE).

La «majorité silencieuse» ne l’est donc plus (p. 37). Elle «occupe la rue» (p. 15). En voyage (scolaire) à Montréal, les défenseurs du boisé Bédard assisteront même à une de ces manifestations étudiantes (p. 42) qui leur ont servi de modèle pour leur «RUEvolution tranquille» (quatrième de couverture).

On l’aura compris : cette bande dessinée ne pèche pas par excès de subtilité. C’est peut-être en cela qu’elle est utile : elle révèle clairement ce qui, du Printemps érable, est passé dans la langue courante.

P.-S. — Ce n’est pas la première fois que le Printemps érable est mis en BD (voir Je me souviendrai).

 

Références

Beaudet, Marc et Luc Boily, Gangs de rue. La marche orange, Brossard, Un monde différent, 2012, 50 p. Bande dessinée.

Je me souviendrai. 2012. Mouvement social au Québec, Antony, La boîte à bulles, coll. «Contrecœur», 2012, 246 p. Ill.

Citation métaphoricopolitique du jour

George Lakoff et Mark Johnson, les Métaphores dans la vie quotidienne, 1985, couverture

«Comme Charlotte Linde me l’a fait remarquer, qu’il s’agisse de politique nationale ou d’interaction quotidienne, ceux qui possèdent le pouvoir réussissent à imposer leurs métaphores.»

George Lakoff et Mark Johnson, les Métaphores dans la vie quotidienne, Paris, Éditions de Minuit, 1985, 249 p., p. 167-168. Traduction de Michel Defornel avec la collaboration de Jean-Jacques Lecercle. Édition originale : 1980.

Citation sportive du jour

Bill Lee, The Wrong Stuff (1984)

«Strikeouts, from my perspective, are boring things. Nothing happens. They are fascist weapons. I prefer the groundball out and view it as the perfect symbol of democracy.»

Bill Lee, with Richard Lally, The Wrong Stuff, New York, Viking Press, 1984, 242 p., p. 22.

Citation philologique du jour

Victor Klemperer, LTI, la langue du IIIe Reich, 1996, couverture

 

«J’avais honte. Constamment attaché, en tant que philologue, à relever ce que chaque situation et chaque cercle avait de particulier sur le plan linguistique, et à parler moi-même de manière tout à fait neutre et non marquée, j’avais pourtant bel et bien été influencé par mon entourage. (De cette manière, on se gâte l’ouïe, cette faculté d’enregistrer.).»

Victor Klemperer, LTI, la langue du IIIe Reich. Carnets d’un philologue, Paris, Albin Michel, coll. «Agora», 202, 1996, 372 p., p. 239. Traduit de l’allemand et annoté par Élisabeth Guillot. Présenté par Sonia Combe et Alain Brossat.

 

[Complément du 5 décembre 2014]

P.-S.—L’Oreille tendue a présenté ce texte le 5 décembre 2014.

Laissez le hockey tranquille

Les Québécois aiment le hockey. Lundi, ils sont invités à aller voter pour un nouveau gouvernement (très) provincial. Conséquence ?

Vincent Marissal, la Presse, 5 avril 2014, p. A3 : «Pardonnez le cliché saisonnier, mais une campagne électorale, c’est un peu comme les séries éliminatoires : on parle des stratégies, du jeu et des buts, mais on retient aussi les tapes sur la tronche et les coups bas.»

Michel David, le Devoir, 5-6 avril 2014, p. B3 : «Comme on le dit souvent du hockey, une campagne électorale est un “jeu d’erreurs”.»

David Desjardins, le Devoir, 5-6 avril 2014, p. B5 : «La joute politique est un peu comme les bagarres au hockey. T’as beau les considérer comme une aberration, tu lèves la tête avec intérêt quand les gants tombent.»

Dites : vous ne pourriez pas laisser le sport tranquille ? Il ne vous a rien fait.