Quinzième article d’un dictionnaire personnel de rhétorique

Acrostiche

Définition

«Poème ou strophe où les initiales de chaque vers, lues dans le sens vertical, composent un nom (auteur, dédicataire) ou un mot-clé» (le Petit Robert, édition numérique de 2010).

Exemple textuel textuel

«Cynisme
Honte
Arrogance
Répugnance
Entêtement
Sottise
Têtu» (la Presse, 3 avril 2012, p. A8)

Exemple textuel visuel

Charest, acrostiche, 2012

Source : Patrick DesRosiers

Remarques

Les temps sont durs pour (Jean) C-h-a-r-e-s-t, le premier ministre du Québec.

Il s’agit du texte de deux pancartes repérées par l’Oreille tendue dans le cadre de ses recherches sur les pancartes de la grève (étudiante) québécoise actuellement en cours.

Autopromotion 033

Ce matin, entre 9 h et 10 h, l’Oreille tendue sera au micro de Franco Nuovo (Dessine-moi un dimanche), à la radio de Radio-Canada, pour parler des pancartes de la grève (étudiante) au Québec. Ce sera «Pancartes 101».

Où voir ces pancartes ? Quelques suggestions, pas toutes désintéressées.

Le Devoir

Voir / manifestation du 22 mars

Voir / manifestation du 22 mai

David Dufresne sur Lockerz

Bros before hausses

Lucie Bourassa sur Facebook / manifestation du 14 avril

Lucie Bourassa sur Facebook / manifestation du 22 mai

Les Pancartes de la GGI

 

[Complément du jour]

On peut (ré)entendre l’entretien ici.

Grève féline

C’était au début de mai. Les associations étudiantes et le gouvernement (du moins le croyait-on) venaient de s’entendre pour mettre un terme à la grève étudiante au Québec (ou faire une pause). Le président de la Fédération des travailleurs du Québec, Michel Arsenault, avait participé aux négociations menant à ce (non-)accord.

Quelques jours plus tard, interrogé à la radio de Radio-Canada, il résumait sa conception de l’art de négocier : «Quand t’as réussi à faire monter le chat dans l’arbre, il faut que tu l’aides à redescendre.»

Traduction libre : une fois l’autre partie poussée dans ses derniers retranchements, il faut l’aider à sauver la face.

Pour Michel Arsenault, ce devait être considéré comme un conseil adressé aux leaders des associations étudiantes.

A-t-il été entendu ?

Régler la grève avec ses fesses, pas avec sa bouche

Ce n’est pas d’hier que les Québécois ont remplacé les verbes parler ou négocier par s’asseoir, se rasseoir, voire s’attabler. L’actuelle grève étudiante en donne des preuves quotidiennes.

Vous ne croyez pas l’Oreille tendue sur parole ? Ci-dessous, bref journal de grève de deux verbes qui ne la font pas. (Heureusement, quelques-uns, notamment sur Twitter, ont décidé qu’il valait mieux en rire.)

23 avril

Les associations étudiantes «ont toutes trois accepté les conditions de la ministre pour s’asseoir à la même table, soit de respecter une trêve d’au moins 48 heures, le temps de mener une première ronde de discussions» (le Devoir).

8 mai

«Ministres et étudiants sont responsables de l’échec de l’entente. Ils doivent se rasseoir» (la Presse).

15 mai

«Pauline Marois réclame que le PM Charest s’asseoie auprès de sa nouvelle ministre pour rencontrer les leaders étudiants» (@KatLevesque).

19 mai

«Et dire que si Charest s’était assis avec les étudiants et avait négocié de bonne foi, il n’y en aurait plus de #manifencours et de #Loi78» (@jasonKeays).

21 mai

«RETWEETEZ si vous trouvez qu’il est grand temps que Jean Charest s’assoit avec les représentants étudiants. #ggi» (@sofecteau).

«Soyons clair ! Ceux qui ne veulent pas que Charest s’asseoit avec les étudiants… seront aussi responsables de la dérive du tissu social» (@DavidLaHaye).

23 mai

«Je pense sincèrement que nous pouvons se rasseoir positivement, constructivement» (Michelle Courchesne).

N.B. Sur son site, Radio-Canada — par grandeur d’âme — a remplacé le «se» fautif de la ministre par un «nous» de meilleur aloi.

Les associations étudiantes sont «prêtes à s’asseoir», disent la présidente de la Fédération étudiante universitaire du Québec Martine Desjardins (deux fois) et l’analyste politique Michel Pepin (une fois) à l’émission radiophonique Désautels de la Société Radio-Canada. Ni l’un ni l’autre ne parlent cependant de «se rasseoir».

«“Nous, on pense qu’il est encore possible de se rasseoir debout” #citationrêvée» (@moutarde_chou).

«Ils sont définitivement en mode “assis”» (@OursAvecNous).

«Donc, quand ça bout, il faut se rasseoir» (@jlratel).

«Depuis le temps que ça dure, ça sent plutôt le “rassis”…» (@_marc_etienne_).

Pour qui n’en aurait pas assez, les lecteurs du blogue «Mots et maux de la politique» d’Antoine Robitaille ne manquent pas d’imagination. À voir ici.

P.-S. — Si la grève se termine un jour, il faudra penser à revoir l’enseignement des verbes au Québec.

Un seul mot vous manque, et tout est dépeuplé

La grève de milliers d’étudiants québécois, qui a débuté il y a plusieurs semaines, a donné lieu à des masses de discours, de textes, de conversations. On y retrouve souvent les mêmes mots. L’Oreille tendue en discutait l’autre jour, à la radio de Radio-Canada, avec Simon Jodoin.

Il y a cependant des mots que l’on n’entend pas du tout et qui seraient utiles pour comprendre certaines déclarations, d’un camp comme de l’autre.

L’Oreille suggère ainsi que se généralise l’emploi du mot casuistique.

Au sens strict, la casuistique relevait d’abord de la théologie : «Relig. Partie de la théologie morale qui s’occupe des cas de conscience» (le Petit Robert, édition numérique de 2010). Elle a par la suite pris une signification différente : «Péj. Subtilité complaisante (en morale)» (bis).

C’est en ce second sens que le mot pourrait être utile pour comprendre la crise actuelle.

Quand on demande à un porte-parole étudiant s’il est prêt à dénoncer la violence et qu’il répond que cela n’est pas inscrit dans son mandat, il donne dans la casuistique : personne n’a besoin de mandat pour dénoncer la violence.

Quand les représentants gouvernementaux et universitaires ergotent sur la nature des mouvements étudiants (grève ou boycottage des cours ?), ils donnent dans la casuistique : nombre d’étudiants ont choisi de ne pas être en classe pour donner du poids à leurs demandes, et ils n’y sont pas.

Ceux-là ne sont certes pas les seuls casuistes parmi nous.

P.-S. — Attention : au moins un logiciel de correction orthographique vous suggère de remplacer casuiste par caquiste. Ce n’est pas pareil.

P.-P.-S. — Dans sa collecte des mots de la grève, l’Oreille tendue vient de mettre en ligne un blogue consacré aux Pancartes de la GGI. Les contributions sont les bienvenues.