L’univers des vidanges

Conteneur à déchets

Récapitulons quelques épisodes antérieurs.

Au Québec, surtout dans la langue populaire, les ordures sont des vidanges (au pluriel). Les vidangeurs sont responsables de leur collecte. Cette collecte a lieu le jour des vidanges. Elle requiert des camions de vidange.

Précisons.

Existe aussi le camion à vidanges (Créatures du hasard, p. 125).

Une personne, on ne le sait que trop, peut être une ordure : «Pis moi tu penses que j’le sais pas pourquoi t’étais dans la cour, osti de vidange ?» (Chevtchenko, p. 24)

Au hockey, un but marqué sans élégance ni véritable adresse, est un but (de) vidange; dans la langue de Phil Esposito, on dit garbage goal.

Pendant longtemps — un peu moins aujourd’hui —, on a plus volontiers pratiqué, au Québec, le changement d’huile (oil change) que la vidange.

Les plus vieux s’en souviendront : le film Vie d’ange, de Pierre Harel, en 1979, contient ce qui doit être une des plus longues scènes de coït non interrompu de l’histoire du cinéma.

À votre service.

 

Références

Carballo, Lula, Créatures du hasard. Récit, Montréal, Cheval d’août, 2018, 144 p. Ill.

Chapnick, Guillaume, Chevtchenko, Montréal, Atelier 10, coll. «Pièces», 39, 78 p. Ill. Précédé d’un «Mot de l’auteur» et suivi d’un «Contrepoint. Les racines et la pluie», de Nathalie Plaat.

Sans issue

«Sa majesté la langue française», Refrancisons-nous, 1951, 2e éd.

Soit la phrase suivante, dans la Presse+ du 13 septembre 2024 : «Les trois Québécois arrêtés de façon spectaculaire, au Pérou, en février 2023, ont été piégés de tous bords tous côtés, révèlent des documents judiciaires récemment rendus publics et obtenus par La Presse.»

«De tous bords tous côtés», donc. Explication du Wiktionnaire : «Dans toutes les directions, ou de partout.»

Synonyme, en quelque approximative sorte : tout partout.

À votre service.

 

Illustration : F. J.-F. [Frère Jean-Ferdinand], Refrancisons-nous, s.l. [Montmorency, Québec ?], s.é., coll. «Nous», 1951 (deuxième édition), 143 p., p. 14.

Vaste question

L’Oreille n’est guère philosophe. Elle ne se pose que très peu de questions existentielles, voire pas du tout. Cela ne l’empêche d’être tendue, à l’occasion, quand d’autres personnes s’interrogent sur le sens du monde. C’est ce qui explique l’existence de quelques brèves notes, qu’elle vient de retrouver, sur le concept de réalité. Les voici.

Terme de marine. Robert est ancré dans la réalité.

Terme d’électricité. Céline est déconnectée de la réalité.

Terme médiatique. «Réalité extrême» (le Devoir, 4 juin 2007, p. B7)

Terme de cinéma. «Rappelez-vous, c’est celui [Jacob Tierney] qui a chiqué de la guenille fléchée au printemps en disant que le cinéma québécois devrait s’efforcer de refléter un peu plus la réalité moderne et plurielle de Montréal» (la Presse, 4 janvier 2001, p. A7).

Nous ne sommes guère plus avancés que nous ne l’étions.

P.-S.—Quelques-unes de ces notes ont paru dans le Dictionnaire québécois instantané en 2004.

 

Référence

Melançon, Benoît, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, Montréal, Fides, 2004 (deuxième édition, revue, corrigée et full upgradée), 234 p. Illustrations de Philippe Beha. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2019, 234 p.

Benoît Melançon, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, 2019, couverture

La musique, c’est parfois de l’argent

Flûtes

Soit la phrase suivante, tirée de la Presse+ du 15 septembre 2024 :

«Ce n’est d’ailleurs pas une légende : les éboueurs peuvent confortablement gagner leur vie s’ils gèrent bien leurs flûtes.»

Puis celles-ci, du même quotidien, le 12 octobre 2021 :

«Partagez-vous cette perception ? Si c’est le cas, il faut rajuster vos flûtes, les amis […].»

Que sont ces «flûtes» que les éboueurs devraient savoir «gérer» et que les lecteurs du journal devraient «rajuster» ?

Dans le français populaire du Québec, elles désignent, dans le premier cas, des affaires (personnelles, professionnelles), dans le second, des perceptions.

Pierre DesRuisseaux connaît aussi se mêler dans ses flûtes : «Se tromper, se fourvoyer» (p. 152).

À votre service.

 

Illustration : «Fluiers», 2006, photo déposée sur Wikimedia Commons

 

Référence

DesRuisseaux, Pierre, Trésor des expressions populaires. Petit dictionnaire de la langue imagée dans la littérature et les écrits québécois, Montréal, Fides, coll. «Biblio • Fides», 2015 (nouvelle édition revue et augmentée), 380 p.