BDHQ : prolégomènes — troisième partie

Pierre Huet, la Patinoire en folie, 2011, couverture

En post-scriptum à un texte récent au sujet de la bande dessinée (BD) sur le hockey (H), surtout au Québec (Q), l’Oreille tendue annonçait qu’elle allait bientôt lire le recueil la Patinoire en folie de Pierre Huet (2011). C’est fait.

D’abord parues en 1980-1983, puis en 1991-1992, dans le magazine Croc, ces bandes dessinées jouent des cordes habituelles : humour (supposé) et violence (effective). On y trouve des allusions aux joueurs du passé (Bernard «Boum-Boum» Geoffrion) ou du présent (Guy Lafleur, Vladislav Tretiak), comme à un entraîneur (Claude Ruel). Celui des Aimants valeureux, Napoléon (…) Arcand (), n’étant pas très cordial, il ressemble à… Hitler; ce n’est malheureusement pas la première fois que cela se voit au Québec, s’agissant du hockey. L’équipe d’Arcand, comme celle du Canada en 1972, affronte celle de la Russie; tous les clichés ethniques y sont.

Sur le plan de la langue, on notera un double flou. Le même juron a plusieurs graphies : «’stie» (p. 7 et 8), «s’tie» (p. 13), «asti» (p. 14), «osties» (p. 50). La rondelle est soit du féminin — «la pock» (p. 54) — soit du masculin — «le poque» (p. 58). Ça fait désordre.

Jeff Lemire peut dormir en paix. Ce n’est pas Pierre Huet qui le détrônera au panthéon de la BDHQ.

 

[Complément du 2 juin 2016]

L’Oreille tendue vient de publier un article sur ce sujet :

Melançon, Benoît, «BDHQ : bande dessinée et hockey au Québec», dans Benoît Melançon et Michel Porret (édit.), Pucks en stock. Bande dessinée et sport, Chêne-Bourg (Suisse), Georg, coll. «L’Équinoxe. Collection de sciences humaines», 2016, p. 101-117. https://doi.org/1866/28749

 

Référence

Huet, Pierre, la Patinoire en folie, Montréal, Les 400 coups, coll. «Strips», 2011, 62 p. Avec la participation de Patrick Moerell.

Mécréance

Robert Charlebois, «Demain l’hiver», 45 tours, étiquette Gamma

Pour des raisons qu’il serait ennuyeux de raconter, l’Oreille tendue a dû assister à deux messes récemment. Pas des masses concentrée, elle laissait filer son imagination. Néanmoins, chaque fois, elle a été rattrapée par son passé.

Au moment où les célébrants disaient «Je vous laisse la paix; je vous donne ma paix» (Jean 14:27), elle s’est rappelé ces vers :

Je vous laisse ma paix
Je vous donne ma paix
Je me pousse en paix avec les canards

Le lecteur attentif aura reconnu la chanson «Demain l’hiver» de Robert Charlebois (1967), celle où il veut fuir Montréal («se pousser») vers le Sud («avec les canards»).

Église et chanson font parfois étrange ménage.

Patiner sur l’eau

Samedi dernier, les Canadiens de Montréal — c’est du hockey — ont congédié leur entraîneur-chef, Jacques Martin, et l’ont remplacé — ô sacrilège ! — par un unilingue anglophone, Randy Cunneyworth. Depuis, psychanalyse nationale.

Même les ministres du gouvernement du Québec s’en mêlent et s’en prennent à celui qui a pris cette décision, Pierre Gauthier, le directeur général du club. La ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, Christine Saint-Pierre, qui est également responsable de l’application de la Charte de la langue française, a déclaré que c’était inacceptable, puisque «Le Canadien est dans nos gènes». Sa collègue du sport, Line Beauchamp, va dans le même sens : «le Canadien est une institution, ça fait partie de notre patrimoine, on a ça dans notre ADN, cela commande des impératifs». Deux ministres généticiennes : on n’en espérait pas tant.

Les journalistes, qui sèment à tout vent, ont leur propre registre métaphorique.

Lyrique comme lui seul sait l’être, Jean Dion, dans le Devoir, fait dans l’aquatique :

À Montréal, le navire ne coule jamais, mais il ne fend jamais l’écume non plus. Il se laisse bercer par les flots, et cela donne des changements de cap qui mènent à laisser partir Saku Koivu, Alexei Kovalev et Michael Ryder pour les remplacer par Michael Cammalleri, Brian Gionta et Scott Gomez. Pas loin du sur-place (19 décembre 2011, p. A1-A8).

À la Presse, François Gagnon saute sur le pont avec lui :

Quand le bateau affronte une tempête, une grosse, une vraie, c’est près du timonier qui s’éreinte à maintenir le cap que le capitaine doit se tenir et non dans les chics salons pour partager champagne et amuse-gueules avec les riches passagers pour les rassurer et prétendre que tout va bien (20 décembre 2011, cahier Sports, p. 3).

C’était prévisible. Dès 2007, Alain-François le chantait dans «C’est pour quand la coupe Stanley ?» :

On part en lion on finit en poisson
I a un problème dans’cage ou de repêchage
C’t’un gros bateau qui prend l’eau
Depuis qu’on a perdu Casseau

Le maître nageur — le sauveur — est tout trouvé : ce sera Patrick Roy («Casseau», pour les intimes). N’a-t-il pas les Canadiens dans son ADN ?

Confusion toponymique

En 2003 commençait au Québec «la saga des fusions-défusions» : un gouvernement a imposé la fusion de certaines municipalités, puis un autre a fait (partiellement) marche arrière. On ne parle plus guère de cette affaire dans l’actualité, mais on en trouve à l’occasion des traces.

Soit une chronique nécrologique parue dans le Devoir le 13 décembre 2011 : «Salon funéraire Guay inc. / 384, rue du Village (Notre-Dame) / Repentigny (Le Gardeur)» (p. B5).

Il faut plus qu’un GPS pour suivre cette toponymie évolutive pré (rue Notre-Dame, Le Gardeur) / post (rue du Village, Repentigny) fusion.