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J’écris comme ça, moi. Hommage à François Hébert, ouvrage collectif, 2025, couverture

François Hébert — qui a droit à sa rubrique ici — est mort en 2023.

Sous la direction de Nathalie Watteyne, des amis se sont rassemblés pour saluer sa mémoire dans un ouvrage collectif, J’écris comme ça, moi. Hommage à François Hébert (Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2025, 312 p., illustré). L’Oreille tendue en est. Voyez la table des matières ci-dessous.

En plus de lire l’ouvrage, on peut visiter une exposition de ses œuvres, sous le titre «François Hébert, les collages : rétrospective», à l’Université de Montréal, jusqu’au 12 décembre 2025.

Table des matières

Nathalie Watteyne, «L’oiseau rare»

Robert Melançon, «Éloge d’un écrivain singulier»

Pierre Hébert, «Lettre de Louis Dantin à François Hébert»

Benoît Melançon, «Facéties sportives, avec et pour François»

Gilles Dupuis, «Le Jeu de François et Montréal. Une balade à travers l’œuvre urbaine de son auteur»

Peter Klaus, «Lettre à un ami québécois»

Han Daekyun, «Lettre à François»

François Hébert et Gilles Cyr, «Tu reviens d’où ? Vas où ? François Hébert et Gilles Cyr. Correspondance 2008-2023, extraits»

Yvon Rivard, «Comment saluer ce mort-là»

Pierre Popovic, «L’appel du fugitif. “À François, pour l’amour de la poésie”»

Annie Tanguay, «Toute l’œuvre incomplète ou les rouages d’un voyage dantesque»

Michael Brophy, «François Hébert : la main tendue du poème»

Nicoletta Dolce, «Où aller : l’errance et l’instant suspendu. Entre ironie, hybridation et amour de la langue»

Antoine Boisclair, «Un poète sachant chasser»

Emmanuelle Brault, «Poète à l’affût»

François Dumont, «Une amitié joueuse»

Ursula Mathis-Moser, «De Mumbai à Madurai. L’énigme de l’arrivée et de l’après-midi. François Hébert et le récit de voyage à l’ère du postmoderne»

Lise Gauvin, «Les Miniatures indiennes ou l’aventure du récit»

Dominique Garand, «La littérature est un voyage»

Stéphanie Kaufmann, «Une lecture de Frank va parler»

Daniel Marcheix, «“Capistrano” : l’envolée d’une parole consolatrice»

Louise Dupré, «François Hébert, poète lyrique ?»

Vincent Lambert, «Le rien de tout ça»

Judith Elaine Cowan, «François Hébert, quelques bribes en guise de salut»

Laurier Lacroix, «Assis avec François»

Affiche de l’exposition «François Hébert, les collages : rétrospective», 2025

L’autre fanal

Photo d’Olivier Rioux

Nous avons déjà croisé un fanal accompagné de sa brique.

Dans le français populaire du Québec, il est cependant un autre fanal, la personne de haute taille.

Exemple : «Après celles de Connor Clifton et de Robby Fabbri lundi, c’était au tour de Cade Webber, un grand fanal de 6 pi 7 po, de frapper avec force le joyau du Canadien» (la Presse+, 26 septembre 2025).

À votre service.

P.-S.—En effet, le grand fanal peut aussi être un grand jack, tel Olivier Rioux.

Poèmes au travail

Marie-Hélène Voyer, Précieux sang, 2025, couverture

L’Oreille tendue avait lu trois livres de Marie-Hélène Voyer : Expo habitat (2018), l’Habitude des ruines (2021) et Mouron des champs (2022). Elle les a souvent cités ici et elle a même rendu compte du deuxième . En un mot comme en cent : elle les a tous fort appréciés.

Elle vient d’en lire un quatrième, Précieux sang (2025). Ce sera encore une lecture marquante.

Cet ouvrage de «poésie raconteuse» (quatrième de couverture) est découpé en deux parties.

La première tient en cinq «chants». Chacun porte sur une figure féminine et son milieu de travail : Simone (une fabrique d’allumettes), Clémence (un arsenal), Florence (une mine), Marie (un abattoir), Germaine (un atelier de couture). On y raconte des «vies anonymes» (p. 9), des «vies corvéeuses et sans images» (p. 10). Elles sont faites de violences, de douleurs physiques et mentales, de colères et de révoltes, de la mort, d’«humiliations / sans nom» (p. 121), de rapports de pouvoir toujours en défaveur des travailleuses. (Il est aussi question de travailleurs, mais ce sont les femmes qui sont, enfin, à l’avant-plan. Aux uns et aux autres, on redonne nom, âge, activité.) Le chant consacré à «Germaine» montre combien les personnages féminins, même les plus détestables dans leurs relations aux patrons et aux dirigeants, sont tous soumis à la même exploitation : «au fond on savait que Germaine / faisait juste comme nous / rusait de son mieux / pour beurrer son pain» (p. 154). Tous les «corps à l’ouvrage» (p. 184) sont regardés «à pleins yeux» (p. 182).

La seconde partie, «Voir avec des yeux de chair» (Bible, Job 10:4), délaisse les biographies inventées des «occultées de l’histoire» (p. 13) pour évoquer des souvenirs de l’autrice et pour préciser la nature de son geste d’écriture. Qui parle ? «J’ai grandi avec la certitude qu’il était normal de laisser sa peau au travail. D’y perdre des morceaux» (p. 187); «Je viens d’un monde où nos corps — adultes, enfants et bêtes — se confondent dans une seule et même force de travail» (p. 190). Pour faire quoi ? «Quand j’écris, je cherche à nommer au plus juste l’à-vif de l’expérience de vivre. Je ne connais de beauté que la beauté un peu douloureuse, craquelée» (p. 193).

Dès le titre, on est prévenu : les allusions à la religion catholique nourrissent nombre de poèmes (il y a le Seigneur et des saigneurs). La langue est rugueuse, rêche dans ses sonorités, parfois incantatoire (p. 171-172). Rien n’est caché de la déchéance du corps des ouvrières, au Québec d’abord et avant tout, mais aussi aux États-Unis : les ouvrières y ont des «sœurs de défiguration» (p. 39). La difficulté à se défendre collectivement, à se syndiquer, est réelle, mais elle a ses figures d’identification, par exemple Léa Roback. Le je poétique mêle sa voix à nombre d’autres, par des citations et par de très nombreuses épigraphes (l’Oreille, volontiers chichiteuse, se serait contentée de moins).

Marie-Hélène Voyer avoue «une gêne à employer le mot ouvrage» quand elle se met «à l’écriture» (p. 192). Pourtant, Précieux sang c’en est, et de la bien belle.

 

Références

Voyer, Marie-Hélène, Expo habitat, Chicoutimi, La Peuplade, coll. «Poésie», 2018, 157 p.

Voyer, Marie-Hélène, l’Habitude des ruines. Le sacre de l’oubli et de la laideur au Québec, Montréal, Lux éditeur, 2021, 211 p. Ill.

Voyer, Marie-Hélène, Mouron des champs suivi de Ce peu qui nous fonde, Saguenay, La Peuplade, coll. «Poésie», 2022, 196 p.

Voyer, Marie-Hélène, Précieux sang suivi de Voir avec des yeux de chair, Saguenay, La Peuplade, coll. «Poésie», 2022, 196 p.

Égalitarisme animal

Panneau «Attention chien bizarre», avenue Oxford, Montréal, 2013

Au Québec, dans la langue populaire, le pitou est un chien. (La pitoune, c’est une autre affaire.) Comme ailleurs, le minou est un chat. (La minoune, c’est une autre affaire.)

Certains préfèrent le canidé au félin, et vice versa.

Il est cependant des situations où l’un et l’autre ne doivent pas être distingués. Un proverbe de souche le dit clairement : «Ce qui vaut pour pitou vaut pour minou.» Ne l’oubliez jamais.

À votre service.

P.-S.—L’Oreille tendue a redécouvert récemment cette expression chez Yves-François Blanchet.

Curiosité voltairienne (et bédouine)

Bernard Arcand et Serge Bouchard, Du pâté chinois, du baseball, et autres lieux communs, 1995, couverture

«Ce pays demeurera toujours incompréhensible à qui n’apprécie pas le lien profond unissant la neige et le sable. Nos ancêtres ont toujours côtoyé l’intolérable et ont survécu dans un milieu qui n’a jamais été conçu pour la vie humaine. Quelques arpents de neige, un vaste désert de neige, au moins, cette fois, Voltaire avait raison. Les gens d’ici ne devraient plus jamais se croire français, latins, ni même nordiques ou américains. Leurs véritables interlocuteurs, les seuls amis en mesure de vraiment les comprendre devraient tout naturellement se retrouver chez les Touaregs ou parmi les Bédouins.»

Bernard Arcand, «La neige», dans Bernard Arcand et Serge Bouchard, Du pâté chinois, du baseball, et autres lieux communs, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 1995, p. 55-70, p. 64.

 

Au début du vingt-troisième chapitre de Candide (1759), le conte de Voltaire, «Candide et Martin vont sur les côtes d’Angleterre; ce qu’ils y voient», Candide discute avec Martin sur le pont d’un navire hollandais : «Vous connaissez l’Angleterre; y est-on aussi fou qu’en France ? — C’est une autre espèce de folie, dit Martin. Vous savez que ces deux nations sont en guerre pour quelques arpents de neige vers le Canada, et qu’elles dépensent pour cette belle guerre beaucoup plus que tout le Canada ne vaut.»

 

Voltaire est toujours bien vivant.