La clinique des phrases (120)

La clinique des phrases, Charles Malo Melançon, logo, 2020

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Soit les deux phrases suivantes, dans un article tiré de la presse québécoise :

Les médias sociaux sont-ils devenus les nouveaux boucs émissaires ? Ils sont la plupart du temps dénoncés comme étant responsables de la montée de l’intolérance dans nos sociétés et même comme étant à la source de la crise démocratique que nous vivons.

Plus l’Oreille tendue vieillit — et elle vieillit —, moins elle comprend à quoi peut bien servir l’expression «comme étant». La preuve que l’Oreille vieillit ? Sur ce sujet, comme sur d’autres, elle radote.

Allons-y quand même :

Les médias sociaux sont-ils devenus les nouveaux boucs émissaires ? Ils sont la plupart du temps dénoncés comme responsables de la montée de l’intolérance dans nos sociétés et même comme source de la crise démocratique que nous vivons.

À votre service.

La clinique des phrases (119)

La clinique des phrases, Charles Malo Melançon, logo, 2020

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Soit la phrase suivante, en incipit d’un article publié dans la presse québécoise :

Il faudra abandonner le cliché d’une frilosité des Québécois à l’égard de la polémique.

Comme le savent ses fidèles bénéficiaires, l’Oreille tendue est souvent prosaïque. Devant pareil emploi du futur, elle se demande immédiatement «Quand ? À quel moment faudra-t-il abandonner ce cliché ?»

Le recours à ce temps verbal est évidemment rhétorique. La personne qui signe ce texte pense que le temps est venu, mais, par prudence (universitaire), elle feint d’hésiter, elle tergiverse, elle zigonne, au lieu d’affirmer.

Donc :

Il faut abandonner le cliché d’une frilosité des Québécois à l’égard de la polémique.

À votre service.

P.-S.—Quiconque fréquente les plumes universitaires le sait : ce faux futur leur procure une jouissance indicible.

P.-P.-S.—Oui, bien sûr, ce n’est pas la première plume timide que nous croisons en ces lieux. Il y en avait une pas plus tard que la semaine dernière.

Qu’on se le magne !

Fromage Déguédine !, emballage

S’agissant de fromage, l’Oreille tendue, il y a jadis naguère, annonçait qu’il lui faudrait bien, un de ces jours, se pencher sur déguédine. Ce jour est arrivé.

Soit les quatre phrases suivantes :

«Calmez-vous, calmez-vous, comment ça, me calmer ? Toi, fais ta job de 911 pis déguédine, si j’étais calme, madame, je serais pas normalement constituée» (Venir au monde, p. 30).

«Laisse faire, on va protéger la tienne ! Viens-t’en, passe en avant, déguédine ! lui cria Lalonde» (Atavismes, p. 173).

«Enwèye, dégéduine» (publicité).

«Déguédine Dan déguédine Dan Dan comme Zinédine Zidane» (Loco Locass, «Groove Grave», Amour oral, 2004).

Déguédine, donc, du verbe déguédiner. Il s’agit, dans le français populaire du Québec, d’une injonction de mouvement : allez, hop ! On se grouille !

Phonétiquement (façon de parler), Pierre Corbeil propose «Dziguédzine» (p. 131). De même, Léandre Bergeron connaît aussi bien «déguédine» que «diguidine» (p. 91).

Quelle serait l’étymologie de ce mot ? Sur Twitter, en 2019, on proposait ceci : «“Déguédine” vient de l’anglais “dig it in”. Ordre du foreman au bûcheron pour dégager un arbre avant de le couper.» En 2022, Gabriel Martin est bien sceptique devant cette explication : «Elle semble donc inventée de toutes pièces» (p. 32). Mais alors ? «Sans qu’on puisse l’affirmer avec fermeté, il se pourrait que ce mot puise ses origines dans la vocalisation onomatopéïque diguedaine à laquelle recouraient fréquemment les chansons populaires d’autrefois» (p. 32).

Depuis peu, ce verbe, employé «surtout à l’impératif», se trouve dans la nomenclature du dictionnaire le Robert; voir ici.

À votre service — et plus vite que ça !

 

[Complément du 23 novembre 2024]

La forme réfléchie est attestée : «Il faut que le ministre de l’Éducation Bernard Drainville se déguédine» (la Presse+, 23 novembre 2024).

 

Références

Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise précédé de la Charte de la langue québécoise. Supplément 1981, Montréal, VLB éditeur, 1981, 168 p.

Bock, Raymond, Atavismes. Histoires, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 03, 2011, 230 p.

Corbeil, Pierre, Canadian French for Better Travel, Montréal, Ulysse, 2011, 186 p. Ill. Troisième édition.

Martin, Gabriel, «L’origine du québécisme déguédiner », Histoire Québec, 28, 1, 2022, p. 32-33.  https://id.erudit.org/iderudit/100334ac

Olivier, Anne-Marie, Venir au monde, Montréal, Atelier 10, coll. «Pièces», 14, 2017, 101 p. Précédé d’un «Mot de la metteure en scène», Véronique Côté. Suivi de «Contrepoint. Tenir bon», par Catherine-Amélie Côté

La clinique des phrases (118)

La clinique des phrases, Charles Malo Melançon, logo, 2020

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Du temps où elle enseignait, l’Oreille tendue ne cessait de rappeler à ses ouailles qu’il fallait apprendre à s’affirmer, surtout aux cycles supérieurs. Foin des certains, des sembler, des paraître ! (Il en est question ici.)

Elle s’est fait la même remarque devant un récent titre de presse :

Victimes des faibles salaires qu’ils peuvent offrir à leurs employés, des CPE ne peuvent pas fonctionner au maximum de leur capacité.

Si on lui avait demandé son avis, elle aurait économisé les pouvoir :

Victimes des faibles salaires qu’ils offrent à leurs employés, des CPE ne fonctionnent pas au maximum de leur capacité.

On ne le lui a pas demandé.