Divergences transatlantiques 075

Claire Legendre, Ce désir me point, 2024, couverture

Une fois n’est pas coutume : la divergence du jour est empruntée à une ex-collègue, et néanmoins amie, de l’Oreille tendue, Claire Legendre.

«Les mots ont parfois un sens un peu différent selon l’époque et le pays où l’on se trouve. En France, intense se disait d’une couleur, d’un film aimé, d’une expérience sensationnelle, d’une voix ample et profonde, d’une mélodie montant crescendo dans les aigus ou d’un souffle haletant, d’un livre qui fait pleurer. Je ne me souviens plus de la première fois où j’ai entendu, au Québec, dire de quelqu’un qu’il ou elle était “intense”.

Ici, intense n’est pas un compliment. Sont intenses les fous, les arrogants, les susceptibles, ceux qui disent ce qu’ils pensent. Sont intenses les névrosés, les hystériques. Intense rit trop fort. Intense parle trop. “Intense” est quelquefois sexiste et souvent condescendant. Intense est pénible, high maintenance, colérique, monte dans les tours, parle de sentiments et de choses personnelles qu’il serait préférable de garder pour soi. Intense n’est pas convenable, pas très pudique, un peu gênant.»

Claire Legendre, Ce désir me point, Montréal, Leméac, 2024, 155 p., p. 24.

Accouplements 228

Portrait de Rose Ouellette, 1941

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Foglia, Pierre, «La poésie, la Poune et les phoques», la Presse, 15 mai 2008, p. A5.

RUMEURS L’autre jour, dans cette chronique, je me vantais, et c’était pour me moquer de mon grand âge, je me vantais auprès de mon ami Maxime d’être brièvement sorti avec La Poune. Ce petit mot d’un lecteur (Gilbert Jean) : Pendant des années, en rentrant à Montréal par le pont Viau, on pouvait lire un graffiti sur une bâtisse de béton, peut-être bien une station de pompage, tout près des premières maisons, du côté ouest du pont, qui disait : J’ai fourré La Poune.

C’était donc vous ?

Non, monsieur. Je ne voudrais pas partir de rumeur, mais il ne m’étonnerait pas que ce soit la Poune elle-même qui soit l’auteure de ce graffiti pour… pour faire taire une autre rumeur.

Girard, Mario, «Ben oui, La Poune était lesbienne !», la Presse+, 15 février 2024.

P.-S.—La Poune était le nom de scène de Rose Ouellette.

 

Illustration : «Moulinette Moulin Légume», 2008, photo déposée sur Wikimedia Commons

Stances à la puck

René de Chantal, «Défense et illustration de la langue française. Gouret ou hockey», le Droit, 1er mai 1958, titre

En 1958, René de Chantal publiait trois chroniques sur le lexique français du hockey, ce que l’Oreille tendue appelle la langue de puck. (Voir ici.)

La troisième chronique était destinée à comparer le vocabulaire québécois et le vocabulaire français de ce sport. Pour la périodeil y en a trois dans un match, les choix ne manquaient pas, d’un côté comme de l’autre de l’Atlantique : engagement, strophe, stance, tiers-temps, reprise.

L’Oreille avait été étonnée par strophe et stance. Elle vient de trouver stanza dans un texte en anglais de 1942, «Stooge for a Puck Pirate» : «Again in the second stanza, Levin fought a continual flurry of pucks» (éd. de 2021, p. 189).

La poésie est partout.

 

Références

Chantal, René de, «Défense et illustration de la langue française. Termes de hockey. En France, on shoote», le Droit, 15 mai 1958, p. 2.

Jackson, C. Paul, «Stooge for a Puck Pirate», 12 Sport Aces, 6, 1, mars 1942, reproduit par Paul Langan dans Classic Hockey Stories. From the Golden Era of Pulp Magazines, 1930s-1950s, Chez l’Auteur, 2021, 240 p., p. 182-218.

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p. Préface de Jean Dion. Illustrations de Julien Del Busso.

Benoît Melançon, Langue de puck. Abécédaire du hockey, 2014, couverture

Les deux solitudes

Ordre des pharmaciens du Québec, logo

L’autre jour, à la pharmacie du quartier, la laborantine avait du mal à déchiffrer une ordonnance. Manifestement, la graphie du médecin de l’Oreille tendue laissait à désirer. Tout le monde ne se comprend pas dans le monde de la santé.

L’Oreille a alors évidemment pensé à Olivier Niquet et à sa lettre d’information Tourniquet. Dans sa livraison du 8 février, il s’étonnait à juste titre de propos tenus par Bernard Cerquigilini sur les ondes de France Culture. Le linguiste français y présentait des expressions qui seraient propres au Québec, notamment celle-ci : «Écrire comme un pharmacien au Québec, ça veut dire avoir une écriture illisible.»

Commentaire de Niquet : «Bon, d’accord, il y a bien “écrire comme un médecin” que j’aurais accepté, mais je ne sais pas ce que les pharmaciens viennent faire là-dedans.»

L’Oreille n’est pas moins sceptique, d’autant qu’il est question dans l’entretien d’une chose qui n’existe pas, «la langue québécoise».

P.-S.—En effet, ce n’est pas la première fois que nous croisons Bernard Cerquiglini.

Autopromotion 746

André Belleau, Re?pertoire des films vus, 1943-1986, couverture

Depuis au moins huit lustres, l’Oreille tendue lit des textes d’André Belleau et sur celui-ci. Elle leur a consacré quelques publications.

Elle se demandait quelle avait été la place du cinéma dans son parcours. Voici sa tentative de réponse :

Melançon, Benoît, «André Belleau et le cinéma», Sens public, revue numérique, rubrique «Chroniques», 9 février 2024. URL : http://sens-public.org/articles/1743/ (HTML); https://sens-public.org/static/git-articles/SP1743/SP1743.pdf (PDF).