Autopromotion 573

L’Oreille tendue ne comprend pas que l’on présente, avant les matchs des Canadiens de Montréal — c’est du hockey —, des images de bagarres. Elle s’en ouvre aujourd’hui au président de l’équipe, Geoff Molson, dans une lettre ouverte publiée dans la Presse+.

P.-S.—Non, vous ne rêvez pas : ce n’est pas la première fois que l’Oreille s’en prend à la violence au hockey. C’était ici.

La connaissance de Joseph

Victor-Lévy Beaulieu, Jos Connaissant, 1978, couverture

Il est arrivé à l’Oreille tendue d’utiliser l’expression jos connaissant sans l’expliquer. Mea maxima culpa.

Laissons de côté le personnage de Victor-Lévy Beaulieu, pour nous intéresser à l’expression. Qu’est-ce qu’un jos connaissant ?

Léandre Bergeron, en 1980, avec cet usage si particulier de l’ordre alphabétique qui le caractérise, n’a pas d’article à «Jos connaissant», mais il en a un à «Connaissant» :

Connaisseur. Instruit. I est pas mal connaissant en médecine. Un Jos connaissant. — Se dit par moquerie de celui qui prétend en savoir plus que les autres (p. 144).

Pierre DesRuisseaux, à sa place, a un article sur «Jos Connaissant» :

Être un (grand, p’tit) Jos Connaissant. Aussi : Faire son (Faire son p’tit) Jos Connaissant. Faire son connaissant, son savant (p. 185).

L’auteur du Trésor des expressions populaires donne un exemple tiré de l’œuvre de Raymond Lévesque. Tous les dégoûts sont dans la nature.

L’Oreille tendue a ses propres exemples, tous péjoratifs.

Chez Marie-Hélène Poitras :

et puis si tu joues un peu trop au p’tit Jos connaissant, je te jure que tu feras pas long feu ici (p. 62).

Chez Patrick Nicol :

Mon ami bourgeois, mon Ti-Jos Connaissant, j’aurais souhaité que tu tiennes ton rang au lieu de tout abandonner (p. 96).

Chez Stéphanie Neveu et Laurent Turcot, qui privilégient la graphie Joe :

Celui qui, trop rapidement, veut se mettre au-dessus des autres, sans avoir discuté, échangé ou montré sa valeur par la modestie et la contenance est considéré comme un m’as-tu-vu ou un «Joe Connaissant» (p. 27).

Petit ou pas, évitez de vous transformer en Jos Connaissant. Vous aurez été prévenus.

P.-S.—Ce n’est pas la première fois qu’il est question de connaissance ici.

 

Références

Beaulieu, Victor-Lévy, Jos Connaissant. Roman, Montréal, VLB éditeur, 1978, 266 p. Édition originale : 1970.

Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise, Montréal, VLB éditeur, 1980, 574 p.

DesRuisseaux, Pierre, Trésor des expressions populaires. Petit dictionnaire de la langue imagée dans la littérature et les écrits québécois, Montréal, Fides, coll. «Biblio • Fides», 2015 (nouvelle édition revue et augmentée), 380 p.

Neveu, Stéphanie et Laurent Turcot, Vivre et survivre à Montréal au 21e siècle, Québec, Hamac, coll. «Hamac-carnets», 2016, 185 p. Ill. Préface d’Alexandre Taillefer.

Nicol, Patrick, Terre des cons. Roman, Montréal, La mèche, 2012, 97 p.

Poitras, Marie-Hélène, Griffintown, Québec, Alto, coll. «Coda», 2013, 209 p. Édition originale : 2012.

On accélère, svp !

Manifestation, Montréal, mai 2021

De deux choses l’une.

On peut retarder le groupe au sens littéral : on fait partie d’un groupe et on l’empêche d’avancer aussi rapidement qu’il le pourrait.

On peut retarder le groupe au sens figuré : on est alors une engeance. Deux exemples récents, tirés de la Presse+ : «Mais quand des milliers de personnes s’entassent sans masque dans des autobus scolaires et des rames de métro pour aller faire en pleine pandémie un show près du Stade, là, on est dans la nuisance sanitaire… / Une nuisance qui retarde le groupe» (2 mai 2021); «Pas étonnant que le Dr Raoult soit vénéré par les complotistes de la planète : il leur dit ce qu’ils veulent entendre. Il alimente leur délire. Il retarde le groupe» (27 mai 2021).

Le premier comportement peut être excusable, pas le second.

 

[Complément du 23 décembre 2021]

Exemple théâtral, avec ralentir, chez Simon Boudreault : «Ben non c’pas grave, je t’aime pareil, mais crisse que tu ralentis le groupe» (p. 35).

 

Référence

Boudreault, Simon, Je suis un produit, Montréal, Dramaturges éditeurs, 2021, 157 p.

Jeux de mains…

Mathias Brunet, «La force de la jeunesse», la Presse+, 29 mai 2017, premières lignes

Sauf rarissime exception, les joueurs de hockey ont tous leurs membres.

Comment expliquer alors ceci, tiré de la Presse+ du 29 mai 2021 ? «Qu’il était rafraîchissant de voir un jeune homme de 20 ans avec des mains repasser la rondelle à un autre jeune homme de 21 ans avec des mains pour le but gagnant en prolongation.» Pourquoi noter que Cole Caufield et Nick Suzuki, tous les deux des Canadiens de Montréal, ont «des mains» ?

C’est qu’il fallait entendre autre chose que le simple mot «mains». Certains athlètes ont beaucoup de dextérité manuelle, que ce soit au hockey (pour tirer) ou au football (pour attraper); ils ont «de bonnes mains». D’autres sont nuls, sur la glace ou sur le terrain; ils n’ont «pas de mains». Ceux-là sont à plaindre.

Oui, c’est de la langue de puck.

P.-S.—Citation, de mémoire, de John Irving : «I had great hands», se souvient Roberta Muldoon, un ancien joueur de football ayant changé de sexe (The World According to Garp, 1978).

 

Référence

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p. Préface de Jean Dion. Illustrations de Julien Del Busso.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014), couverture

Onomastique de puck

Contrairement à la plupart des professeurs d’université, les sportifs ont très souvent droit à un surnom. Au hockey, Maurice Richard était Le Rocket; Jean Béliveau, Le Gros Bill; Georges Vézina, Le Concombre de Chicoutimi.

Une publicité lancée il y a deux jours évoque deux de ces surnoms.

 

Patrick Roy parle d’un petit contenant de frites ? Bien sûr : Casseau est son surnom. Mario Tremblay se délecte par avance d’une tarte aux bleuets ? Qu’attendre de plus du Bleuet bionique ?

P.-S.—Pourquoi rassembler ces deux joueurs ? Parce que.

 

[Complément du 25 décembre 2021]

Version romanesque, chez Maxime Raymond Bock : «Morel a perdu son intérêt pour le hockey l’an dernier quand Peanut a échangé Casseau contre une caisse de pucks, lequel Casseau s’est empressé d’aller gagner la coupe dans les Rocheuses, avec feu les Nordiques par-dessus le marché. Un beau duo de perdants, Peanut et son Bleuet de coach» (2021, p. 281). Peanut est, bien sûr, Réjean Houle.

 

Référence

Raymond Bock, Maxime, Morel. Roman, Montréal, Le Cheval d’août, 2021, 325 p.