Soit la phrase suivante, tirée de la Presse+ du 1er juin : «Il y a aussi un esprit de corps qui se renforcit indéniablement.»
La puriste qui, à l’occasion, sommeille en l’Oreille tendue a spontanément tiqué devant le verbe renforcir. Elle a souvent entendu dire, au Québec, qu’il fallait éviter ce verbe. (Elle n’était pas seule.)
Louis Cornellier, par exemple, dans le Point sur la langue, commente son emploi par la journaliste Nathalie Petrowski :
Ce renforcir est, au pire, un barbarisme et, au mieux, un québécisme un peu douteux. Renforcer serait préférable. Comme dans renforcer son français, par exemple (p. 83).
Le son de cloche est différent en ligne.
Pour Usito, ce verbe serait «familier» au Québec. «Ce mot est sorti de l’usage en France.»
Dans la Banque de dépannage linguistique, on lit :
Le verbe renforcir a été usuel en français jusqu’au XVIe siècle, avant d’être évincé par la forme renforcer. Il a subsisté dans la langue populaire et s’est maintenu un peu plus longtemps dans certaines régions de France. Son emploi aujourd’hui est rare ou senti comme populaire en France.
Au Québec, renforcir, courant à l’époque de la colonisation en Nouvelle-France, s’est conservé jusqu’à aujourd’hui, mais son emploi est en recul.
Une fois de plus, l’Oreille devra se méfier de son purisme.
[Complément du 5 juin 2024]
Dans «renforcir», on entend aussi «forcir» («Devenir plus fort, plus gros», le Petit Robert, édition numérique de 2018). L’Oreille s’en mord les lobes de ne pas y avoir plus pensé plus tôt.
Référence
Cornellier, Louis, le Point sur la langue. Cinquante essais sur le français en situation, Montréal, VLB éditeur, 2016, 184 p.