Autopromotion 724

Saisie d’écran sur Google Books : des doigts gantés de roseAujourd’hui, entre 10 h et 10 h 30, l’Oreille tendue sera au micro de Pénélope McQuade, à l’émission radiophonique Pénélope (Radio-Canada), pour parler du 25e anniversaire de Google / Alphabet.

 

[Complément du jour]

On peut (ré)entendre l’entretien ici.

L’oreille tendue de… Sophie Montreuil

Logo de l’Association francophone pour le savoir (Acfas)

À l’Acfas, «Nous travaillons pour une cause : faire connaître et apprécier les travaux des chercheuses et des chercheurs francophones, qui se mènent à l’échelle de la planète. Si cette cause est embrassée par des partenaires au Canada, en Europe ou ailleurs, et si nos idées se diffusent et sont reprises, nous sommes ravis. C’est une stratégie de développement naturelle qui se met en place par parenté de missions. À plusieurs, on sert mieux la cause et on accentue nos rayonnements respectifs. Travailler de concert nous donne donc un gain de visibilité, notamment auprès des politiques qui tendent mieux l’oreille en apprenant nos liens avec des organismes en France.»

«Promouvoir les sciences en français est un travail de tous les jours», entrevue avec Sophie Montreuil, CNRS info, 29 novembre 2022.

In memoriam. Réal Ouellet (1935-2022)

Portrait de Réal Ouellet

 

«Bélanger salua d’un geste de la main,
enleva sa bougrine et son bonnet, puis s’assit devant son assiette.
Les épaules larges et hautes, le cheveu anarchique poivre et sel,
il parlait peu. On avait du mal à deviner son expression
tellement sa barbe envahissait tout son visage.»
L’Aventurier du hasard

Ces jours derniers, l’Oreille tendue travaillait sur l’œuvre de Louis-Antoine de Bougainville. Elle relisait alors des travaux de son collègue et ami Réal Ouellet. Au même moment, elle apprend sa mort, le 20 février.

Réal Ouellet était un des spécialistes les plus réputés du récit de voyage; d’abord centrées sur le XVIIIe siècle en Nouvelle-France, ses recherches s’étaient progressivement étendues historiquement — vers les XVIe et XVIIe siècles — et géographiquement — vers les Antilles. Sa bibliographie comporte autant des éditions de texte (Champlain, Sagard, Leclercq, Exquemelin, Pelleprat, Bouton, Saugrain, Lahontan, etc.) que des travaux critiques fondamentaux. Il laisse aussi des manuels sur l’étude du roman et du théâtre, des œuvres de fiction (poèmes, nouvelles, romans) et une anthologie de Nouvelles françaises du XVIIIe siècle.

En 2008, la Société canadienne d’étude du dix-huitième siècle en faisait un de ses membres d’honneur.

Premier président de notre société (1971-1972), organisateur du congrès de 1975 (Québec), Réal Ouellet a fait une fructueuse carrière au Département des littératures de l’Université Laval et enseigné à titre de professeur invité à Ferrare, en Martinique de même qu’en Colombie-Britannique. Spécialiste du roman classique, du théâtre, de la relation de voyage, des écrits missionnaires, de la représentation littéraire de la Nouvelle-France et des Antilles, en passant par les figures de l’Amérindien et du flibustier, Réal Ouellet a produit une œuvre critique sensible à toutes les formes d’altérité culturelle et géographique. Il s’est également illustré dans le domaine de l’édition critique (Lahontan, Sagard et Champlain, entre autres auteurs) et de la création littéraire (nouvelles, romans). Fondateur de la revue Études littéraires, membre actif du Centre interuniversitaire d’études sur les lettres, les arts et les traditions (CELAT), M. Ouellet a vu son travail récompensé par la prestigieuse bourse Killam du Conseil des arts du Canada (1988-1989).

L’Oreille avait fait connaissance avec Réal Ouellet à la fin des années 1980, quand il était venu présenter une conférence à l’Université de Montréal devant la Société montréalaise du XVIIIe siècle. Au début des années 1990, il avait accepté de diriger ses recherches postdoctorales, à l’Université Laval et à l’Université Paris X-Nanterre, justement sur Bougainville. Au fil des ans, leurs chemins ont continué à se croiser, pour des conférences, dans des colloques, par courriel, au téléphone, avec des échanges de publications. La curiosité et la générosité de Réal Ouellet ne se sont jamais démenties, de même que sa faculté d’indignation («Voltaire a toujours déclenché chez moi une agressivité que j’ai du mal à contrôler», écrivait-il dans un courriel de février 2015; «Lui, c’est un insignifiant», disait-il de tel collègue peu apprécié, nonobstant son prestige).

Sa disparition, après celle de Gilles Marcotte, de Larry Bongie et de Laurent Mailhot touche l’Oreille. Ça commence à faire beaucoup — et ça ne va pas s’améliorer.

 

[Complément du 10 mars 2022]

Marie-Christine Pioffet a rendu hommage à Réal Ouellet pour le site de la Société canadienne d’étude du dix-huitième siècle.

 

Référence

Ouellet, Réal, l’Aventurier du hasard. Le baron de Lahontan. Roman, Québec, Septentrion, 1996, 435 p.

Quelques livres de Réal Ouellet

Le zeugme (autoréflexif) du dimanche matin et de Martine Sonnet

Bureau, photographie par Martine Sonnet, 2012

«Mais 4540 signes pour raconter tout ce que j’ai fait depuis un an c’est court, et Sirhus coupe sans prévenir ni pitié (ceci est un zeugme à l’attention de Benoît Melançon collègue dix-huitiémiste québécois qui en est collectionneur) tout ce qui dépasse.»

Martine Sonnet, «Bienvenue dans ma vie de bureau», Science et bien commun, 2-29 juin 2012.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Accouplements 174

Pierre Popovic et Érik Vigneault (édit.), les Dérèglements de l’art, 2000, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Un juge québécois vient d’interdire aux comédiens de fumer sur scène. Réaction de l’homme de théâtre Serge Denoncourt dans la Presse+ du 14 novembre : «On n’accepte plus la cigarette. Mais l’alcool, l’héroïne, le suicide, le meurtre, l’avortement sur scène ? Ces actions sont-elles plus acceptables ?»

Lisant dans cette phrase le mot «avortement», l’Oreille tendue a repensé à un article de son collègue, et néanmoins ami, Yvan Leclerc. Dans «En marge du naturalisme» (2000), il étudie «le “théâtre réaliste” de Frédéric de Chirac» (1869-1906), notamment la pièce l’Avortement (1891).

Deux extraits :

Selon les indications du manuscrit, Marceline, fille publique, grosse des œuvres de son souteneur, après des hésitations, finit par consentir à se faire avorter. Elle ôte «sa camisole et son jupon de dessous», se jette sur un lit, prête à subir les manœuvres de la mère Mathieu. Celle-ci s’approche du lit et, après avoir ceint un tablier blanc, opère la patiente, qui pousse des gémissements par intervalle. Un langage significatif accompagne les gestes de l’avorteuse : […] «Elle pose un bol plein d’alcool sur la table et s’essuie les mains rouges de sang après son tablier» (256).

«La sage-femme sortait en effet de dessous les rideaux du lit avec les mains rouges de sang, qu’elle essuyait sur son tablier.» C’est ici que bascule la représentation, entendue au double sens de performance d’un soir (ce fut un acte unique, sans répétition ni reprise) et d’essence théâtrale. À la vue de ce sang, les spectateurs ont violemment protesté. Alors que dans la scène de possession [le Gueux], ils criaient plutôt pour encourager les acteurs, dans la scène d’avortement, ils n’ont pas supporté la vue du sang qu’ils savaient pourtant n’être pas réel. Chirac s’est fait traiter d’assassin et on a dû baisser le rideau (p. 258-259).

Tout, sur scène, n’est pas représentable, hier comme aujourd’hui.

 

Référence

Leclerc, Yvan, «En marge du naturalisme : le “théâtre réaliste” de Frédéric de Chirac», dans Pierre Popovic et Érik Vigneault (édit.), les Dérèglements de l’art. Formes et procédures de l’illégitimité culturelle en France (1715-1914), Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2000, p. 247-263.