Le zeugme du dimanche matin et de Gilles Marcotte

Gilles Marcotte, la Vie réelle, 1989, couverture

«Sous son regard glacé vous vous recroquevillez, vous vous sentez extrêmement coupable, coupable à n’en plus finir, vous vous répandez en explications, vous parlez de la rareté des appartements à Paris, des relations France-Québec, de la petite faiblesse que vous avez au cœur, de la très belle Madame Marcotte de Saint-Hilaire peinte par Ingres et qui est au Louvre, oui au Louvre, vous déversez des flots de paroles — alors qu’il serait si simple de fuir — qui se brisent sur ce mur, cette digue, ce dingue, cet empêcheur d’habiter en rond, ce puissant major, ce dôme imposant venu des profondeurs de la maison et du temps.»

Gilles Marcotte, «I love Paris», dans la Vie réelle. Histoires, Montréal, Boréal, 1989, 235 p., p. 63-69, p. 68-69.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Autarcie

Berthelot Brunet, Histoire de la littérature canadienne-française, 1946, couverture

«Berthelot Brunet (1901-…), un polygraphe dont on remarqua surtout les critiques humoristiques et les charges, a publié, après un recueil de notes et de pensées religieuses et politiques, Chacun sa vie, un recueil de contes que ses confrères ont assez bien accueilli, le Mariage blanc d’Armandine et le premier tome d’un grand roman, les Hypocrites, dont les uns ont dit qu’il leur rappelait Céline et d’autres qu’il n’avait de hardiesse que parce qu’il était écrit au Canada» (Berthelot Brunet, Histoire de la littérature canadienne-française, p. 177).

On n’est jamais mieux servi que par soi-même.

 

[Complément du 21 mars 2016]

Dans la réédition de l’ouvrage, en 1970, on lit «Berthelot Brunet (1901-1948)», la date finale, manquante en 1946, ayant été ajoutée. On n’est jamais si bien servi que par soi-même, même dans la mort.

 

Références

Brunet, Berthelot, Histoire de la littérature canadienne-française, Montréal, L’Arbre, 1946, 186 p.

Brunet, Berthelot, Histoire de la littérature canadienne-française suivie de portraits d’écrivains, Montréal, HMH, coll. «Reconnaissances», 1970, 332 p. Avant-propos d’André Major.

Berthelot Brunet, Histoire de la littérature canadienne-française, 1946, dédicace

Accouplements 42

Pierre Popovic, Entretiens avec Gilles Marcotte. De la littérature avant toute chose, 1996, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

En 1996, Gilles Marcotte, dans ses entretiens avec Pierre Popovic, déclarait ceci :

Je note que, sans changement de statut politique, le français se porte mieux, au Québec, qu’il ne s’est jamais porté. On le parle peut-être assez mal parfois, mais on le parle plus, non seulement chez les francophones de souche mais aussi bien chez les anglos et les immigrants. Disons les choses autrement : la langue française a acquis, au Québec et particulièrement à Montréal, une légitimité sans précédent. Il faut avoir une mémoire un peu longue, celle d’un homme de mon âge, pour mesurer le chemin parcouru (p. 166).

Vingt ans plus tard, Marc Cassivi, dans Mauvaise langue — dont l’Oreille tendue a parlé ici —, écrit :

La situation du français a bel et bien évolué depuis 40 ans au Québec. Le français y est, dans les faits comme dans la théorie, la langue officielle et la langue d’usage. Même si certains vendeurs ou serveurs ont la mauvaise habitude, en particulier dans le centre-ville de Montréal, d’accueillir leur clientèle en anglais. Le français est autrement moins menacé au Québec qu’il ne l’était avant 1977, alors que l’affichage anglais pullulait, que l’immigration francophone n’était pas encouragée comme elle l’est aujourd’hui et qu’aucune loi-cadre n’assurait la prédominance du français à l’école, au travail et dans la société en général (p. 56).

De la difficulté d’être entendu.

 

Références

Cassivi, Marc, Mauvaise langue, Montréal, Somme toute, 2016, 101 p.

Popovic, Pierre, Entretiens avec Gilles Marcotte. De la littérature avant toute chose, Montréal, Liber, coll. «De vive voix», 1996, 192 p. Ill.

Accouplements 41 bis

Pierre Popovic, Entretiens avec Gilles Marcotte. De la littérature avant toute chose, 1996, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Des sources conjugales proches de l’Oreille tendue lui ayant suggéré The People v. O.J. Simpson, celle-ci a regardé les trois premiers épisodes de cette série télévisée au début de cette semaine. Elle se tâte encore (en tout bien tout honneur) : va-t-elle continuer ?

Plus tôt aujourd’hui, les réseaux sociaux se sont enflammés : on aurait retrouvé un couteau qui aurait été enterré chez O.J. Simpson et qui aurait été caché depuis près de vingt ans par celui à qui on l’aurait remis et qui l’aurait gardé sans en parler, ce qui pourrait relancer l’enquête sur l’assassinat de Nicole Brown et Ronald Goldman, ou pas, c’est selon.

Puis, il y a quelques minutes, ceci, en relisant les passionnants entretiens qu’a accordés Gilles Marcotte à Pierre Popovic en 1996 :

Pour le Canada, je parlerais d’abord des institutions, qui ne modèlent pas seulement les comportements extérieurs, mais aussi bien les façons de penser, voire de sentir. Notre régime judiciaire, nos institutions parlementaires, le fédéralisme, tout cela nous a marqués profondément — il resterait à dire de quelle façon, et je regrette que ce grand travail n’ait pas été seulement amorcé —, et nous distingue très nettement des Américains. Il suffisait de regarder pendant quelques minutes le procès O.J. Simpson, à la télévision, pour comprendre que cela se passait dans un pays très différent du nôtre. En ce sens, nous demeurerions canadiens même si le Québec se séparait de la confédération (p. 149).

Deux pays, en effet.

 

Référence

Popovic, Pierre, Entretiens avec Gilles Marcotte. De la littérature avant toute chose, Montréal, Liber, coll. «De vive voix», 1996, 192 p. Ill.