Autopromotion 635

Benoît Melançon, la Vie et l’œuvre du professeur P., 2022, couverture

Le 7 avril 2016, l’Oreille tendue proposait une «Chronique nécrologique». Elle l’a récemment développée et elle en a tiré une plaquette :

Melançon, Benoît, la Vie et l’œuvre du professeur P. Sotie, Montréal, À l’enseigne de l’Oreille tendue, 2022, 56 p. ISBN : 978-2-9820826-1-8.

C’est une publication hors commerce. On peut néanmoins se la procurer ici. Le tirage initial est de cent exemplaires.

Commentaires (judicieusement) choisis

«J’ai vraiment beaucoup ri. Dans le contexte actuel, avec les disparitions de toute une génération et les départs à la retraite d’une autre, ça résonne (entre le glas et un son grinçant)…» (un collègue content mais inquiet)

«J’ai aimé l’humour, l’ironie et la causticité (certains diraient voltairiens) de ce texte, tout autant que la pénétration et la lucidité du regard que vous y déployez» (un collègue d’un tout autre milieu).

«Flaubert, sors de ce corps. Ou pas. Merci de donner un peu de travail à mes muscles zygomatiques (ça faisait longtemps qu’ils n’avaient pas servi)» (un collègue en manque).

«Tu te moques des universitaires… tu es vilain !» (une non-universitaire)

«délicieusement cruel» (un professeur).

«À lire absolument» (un autre professeur).

«C’était chouette» (un troisième professeur).

«J’ai lu d’une traite avec bonheur» (encore).

«Je l’ai lu avec plaisir et tristesse» (un Italien).

«Déjà lu, le sourire aux lèvres du début à la fin» (un Québécois).

«Beaucoup ri, souvent jaune» (un voisin de bureau).

«Amusant et désolant à la fois… La satire des colloques est délicieuse !» (un États-Unien)

«Reçu et lu. Avec grand plaisir !» (un jeune, façon de parler, collègue)

«Je suis tombé sur ton petit joyau de sotie académique, et j’ai eu un “fun noir”, comme dirait Ducharme» (un voisin de bureau, mais de l’autre côté du corridor).

«Il ne faut jamais abuser des bonnes choses, mais pourquoi bouder son plaisir : j’en aurais pris encore un peu» (une professeure de cégep).

«Je me suis délectée de cette lecture, j’ai ri beaucoup, et franchement !» (une ancienne étudiante)

«Jamais rien lu d’aussi drôle et d’aussi vraisemblable sur le milieu universitaire. Jouissif. Et on y rencontre même un tintinophile technophobe» (un collègue gatinois).

«Lecture délicieusement déprimante» (un collègue ontarien [d’adoption]).

«Le plombier est finalement plus sympathique que son maître à pas penser» (bis).

«C’est presque la vie de Charles Bovary, qui aurait lu Oblomov» (un flaubertien).

«Après une journée passée à évaluer des demandes de subvention, c’était la soupape parfaite ! J’en rigole encore» (un voisin du dessus).

«Et merci pour ta sotie qui m’a bien fait rire !» (une professeure émérite)

«Mais comment as-tu, de là où tu es, pu observer ton modèle ? Car P. vit (ou vivait) (ou vécut) ici, dans mon université, évidemment; et je l’ai mollement connu, même si ma mémoire ne garde de lui qu’un souvenir qui s’estompe au fur et à mesure que passent les années de retraite. Même de son nom, je ne suis plus très sûr. Sauf que je suis sûr de ceci : son nom est Légion…» (un émérite professeur, et belge)

«Sotie de Maistre @benoitmelancon pour servir à l’édification publique et particulière du bon peuple des universités. À recommander contre les multiples maux de l’Alma Mater» (un belge professeur, et émérite).

«Fou braque. À lire» (un lecteur satisfait).

«J’ai lu ta sotie sur le professeur P. Elle m’a fait sourire, rire franchement et rire jaune» (une voisine d’étage).

«À mon arrivée dans le monde universitaire, on m’a parlé du PPO (Petit Prof Ordinaire) — une mise en garde ? Longtemps je l’ai cherché. Mais comment le reconnaître ? Toutes les réponses sont (enfin) dans ce livre de @benoitmelancon. Le PPO est un PSS (Prof-sans-Souci)» (une collègue qui ne cherche plus).

«Le professeur P. est un raté, un médiocre, et toute l’ironie de Benoît Melançon trouve dans ce portrait l’occasion de s’exprimer avec talent» (un zeugmaticien rouennais).

«lucidité et minimalisme, grandeur et misères académiques, tristesse (flaubertienne ?) aussi» (un Suisse).

«J’en profite pour vous dire que j’ai adoré votre sotie. Vous êtes le Flaubert dont le milieu universitaire avait besoin. On en veut encore !» (une cliente satisfaite)

«J’ai lu le Professeur P et j’ai ri aux larmes. C’est super drôle» (une coséminariste).

«J’ai passé un très bon moment en lisant ces témoignages des âneries de nos collègues dont les noms me sont inconnus, mais dont les agissements me rappellent maints colloques auxquels j’ai assisté par le passé» (un professeur d’expérience).

Inclus dans «Mon palmarès 2022 dans la catégorie “roman ou récit” en 15 titres» de Marie D. Martel.

«J’ai lu votre sotie avec grand plaisir. On vous lit avec un sourire en coin de la première à la dernière page : sourire parfois malicieux, voire cruel, sourire parfois un peu plus près de l’autodérision. […] Je dois dire aussi que ma lecture me ramène à l’amertume que je sens monter (je sais : il faut la combattre, car elle est mauvaise conseillère) quand je prends conscience que des P. parviennent parfois à obtenir des postes universitaires» (un postdoctorant à la recherche d’un poste).

«Je me suis délecté de cette satire particulièrement mordante et d’une irrémissible mélancolie tout à la fois» (un écrivain renaissant).

«ironique et critique, comme le voulait Gide» (un retraité).

 

[Complément du 29 novembre 2022]

Un second tirage de cinquante exemplaires vient de paraître. Comme l’adjectif l’indique, ce sera le dernier.

Du camp(e)

Joseph-Charles Taché, Forestiers et voyageurs, éd. de 2014, couverture

En 1863, Joseph-Charles Taché publie, dans les Soirées canadiennes, Forestiers et voyageurs. Études de mœurs. Le texte sera repris en livre en 1884.

Dans une note du premier chapitre, «La montée aux chantiers», il écrit ceci : «On appelle camp (le p se prononce ici), dans le langage des forestiers et des voyageurs canadiens, l’habitation, toujours plus ou moins temporaire, qu’on élève dans le bois. La signification s’étend aussi aux dépendances du logement, s’il en existe, et, par extension figurée, au personnel qui l’habite» (éd. de 2014, p. 26 n. 3). Le chapitre suivant, «Le camp d’un chantier», est consacré à la description d’un de ces camps.

Le dictionnaire numérique Usito donne une définition semblable : «Habitation rustique, traditionnellement en bois rond, construite en forêt et aménagée sommairement.» Cet aménagement sommaire rapproche le camp de la cabane et le distingue du chalet. Rien n’est dit de la prononciation du mot.

Ni Taché ni Usito n’indique que l’emploi de camp, prononcé campe, paraît plus fréquent dans les régions du Québec qu’à Montréal.

Exemple rimouskois : un poème de Marie-Hélène Voyer dans Expo habitat (2018) s’intitule «Le campe» (p. 19).

Exemples saguenéens :

«Le chalet est modeste. C’est un campe — le mot convient mieux — d’environ seize pieds par vingt, peut-être moins. Il y a une chambre à coucher et une pièce qui sert de cuisine, aménagée autour du poêle à bois, avec un coin salon. Pas d’électricité. Pas d’eau courante. Pas de toilettes non plus. Pour les besoins, c’est dehors. Pour l’eau, c’est dans la rivière en hiver ou la source en été. Pour l’éclairage, les chandelles. […] Bref, un chalet dont les murs ne sont pas isolés. Idéal sur trois saisons mais pas habitable en hiver» (Mon frère Paul, p. 128);

«La police voulait pas que les jeunes construisent des campes dans le bois, mais tout le monde s’en sacrait. Impossible de marcher plus qu’une heure dans le bois sans tomber sur un campe. Tous les flots de Chicoutimi pis de Chicoutimi-Nord s’en bâtissaient un pour passer leurs fins de semaine dedans. C’était comme les chalets de nos parents sur les monts Valin mais en plus le fun pis en moins beau. Les parents pis la police aimaient pas ça, ces histoires de campes là. Y avait rien de bon pour les jeunes dans ces places-là. C’était rien que de la boisson, de la drogue pis du sexe» (la Déesse des mouches à feu, p. 67).

À votre service.

P.-S.—Vous croyez reconnaître le Kramer de la série télévisée Seinfeld sur la couverture ci-dessus ? Le fils cadet de l’Oreille tendue est d’accord avec vous.

 

Références

Pettersen, Geneviève, la Déesse des mouches à feu. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 2014, 203 p.

Taché, Joseph-Charles, Forestiers et voyageurs. Mœurs et légendes canadiennes, Montréal, Boréal, coll. «Boréal compact classique», 137, 2014, 267 p. Texte conforme à l’édition de 1884, avec une postface, une chronologie et une bibliographie de Michel Biron. Édition originale : 2002.

Villeneuve, Marité, Mon frère Paul. Roman, Montréal, Del Busso éditeur, 2020, 382 p.

Voyer, Marie-Hélène, Expo habitat, Chicoutimi, La Peuplade, 2018, 157 p.

Le zeugme du dimanche matin et de Lisanne Rheault-Leblanc

Lisanne Rheault-Leblanc, Présages, 2020, nouvelles

«Clara elle-même papillonnait de l’un à l’autre, comme si le balcon était un prolongement naturel de l’appartement, une pièce en plus qui avait été omise dans la petite annonce, un salon en plein air du haut duquel elle régnait sur la ville et sur la suite de sa vie.»

Lisanne Rheault-Leblanc, Présages. Nouvelles, Montréal, Del Busso éditeur, 2020, 201 p., p. 114.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Autoportrait au dentier

Lisanne Rheault-Leblanc, Présages, 2020, nouvelles

«Même si tu la devines chaque jour, même si tu la sens fourmiller sur toi pendant que tu vaques à autre chose, l’œuvre violente du temps te révulse. Le salaud a érodé tes pommettes, a gonflé ton nez, tes paupières lisses et nerveuses. Il a rongé ta peau pour ne laisser que ce mince tissu translucide sous lequel se trame un réseau complexe de veines, de petites araignées bleues qui auraient fait leurs nids derrière ton visage. Un voile trouble recouvre tes prunelles et les rend grisâtres, malades. Des taches sombres constellent aussi ta figure — au hasard, semble-t-il. Tes lèvres se sont muées en une simple ligne incolore, gercée, et tes joues, comme tu le craignais, forment deux sacs lourds de chaque côté de ta bouche. Seules tes dents blanches, trop droites, trop égales, tranchent avec le reste de cette dévastation. Avec un peu d’effort, tu arrives à sentir le contact étrange entre ton dentier et tes gencives nues.

[…]

Combien de visages as-tu eus tout au long de ta vie ? Celui-là en tout cas sera le dernier, il te reste celui-là, regarde-le bien, rien ne sert de lui demander de se justifier, arrive seulement à en fixer l’image quelque part, dans un endroit à l’abri de la fin. Arrive à aimer ce qu’il est devenu et à lui pardonner un peu la vie qu’il traîne derrière lui.»

Lisanne Rheault-Leblanc, Présages. Nouvelles, Montréal, Del Busso éditeur, 2020, 201 p., p. 35-36 et p. 42.