«C’est bien rangé et en bois.»
Éric Plamondon, Mayonnaise. Roman. 1984 — Volume II, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 49, 2012, 200 p., p. 130.
P.-S.—L’Oreille tendue a présenté ce texte le 3 avril 2012.
(Une définition du zeugme ? Par là.)
« Nous n’avons pas besoin de parler français, nous avons besoin du français pour parler » (André Belleau).
«C’est bien rangé et en bois.»
Éric Plamondon, Mayonnaise. Roman. 1984 — Volume II, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 49, 2012, 200 p., p. 130.
P.-S.—L’Oreille tendue a présenté ce texte le 3 avril 2012.
(Une définition du zeugme ? Par là.)
@PimpetteDunoyer : «#veloboulot en t-shirt (et en nage) (#zeugme) à côté d’un restant de banc de neige sur la montagne #étrange #velomtl».
MlleCadette, via @PimpetteDunoyer : «“Son collier, elle l’a fabriqué avec sa maman et un fusil à colle chaude”».
@IanikMarcil : «Zeugme du jour: le système de santé québécois soutient l’hypocondrie et le privé.»
@desrosiers_j : «Du français parlé et brut (pour faire un zeugme) ;)».
(Une définition du zeugme ? Par là.)
«Apprius entra dans son cabinet, et Cleon dans de terribles réflexions […].»
Prince de Ligne, Suite d’«Apprius» (vers 1788), dans Romanciers libertins du XVIIIe siècle. I, édition établie sous la direction de Patrick Wald Lasowski, Paris, Gallimard, coll. «Bibliothèque de la Pléiade», 472, 2000, cviii/1341 p., p. 37-50, p. 38.
(Une définition du zeugme ? Par là.)
Question, l’autre jour, d’un lecteur de l’Oreille tendue, @Saint_Henri : «Serait-il possible d’écrire un court billet sur la différence entre un zeugme et une anacoluthe ? Je croyais comprendre, mais ce matin le Multi m’a tout mélangé.» Voyons voir.
L’anacoluthe est une des injures qu’aime utiliser le capitaine Haddock. Voici la définition qu’en donne le Haddock illustré :
Il y a anacoluthe lorsqu’une construction grammaticale commencée est interrompue brusquement, oubliée, et fait place à une autre.
«Ô ciel.
Plus j’examine et plus je le regarde,
C’est lui» (Racine).
La correction réclamerait :
«plus il me semble que c’est lui…»
L’anacoluthe est parfois la marque d’une émotion, elle est justifiée par l’idée à exprimer, mais la plupart du temps elle n’est qu’incorrection résultant soit d’une mauvaise culture, soit d’une négligence blâmable dans l’expression (éd. de 2004, p. 18).
Le Multidictionnaire de la langue française de Marie-Éva de Villers — ce Multi qui a troublé @Saint_Henri — va dans le même sens :
Modification soudaine de la construction d’une phrase. Quelques exemples d’anacoluthes : Tous plus ou moins mortellement blessés, le premier a été tué sur le coup, le deuxième à son arrivée à l’hôpital. Caché dans un classeur, il n’a pu retrouver son dossier. Des trous dans sa culotte laissaient entrevoir une famille pauvre (cinquième édition, 2009, p. 85).
Le Petit Robert (édition numérique de 2010) parle de «Rupture ou discontinuité dans la construction d’une phrase» et donne deux exemples. Le premier vient de Jean de La Fontaine («Et pleurés du vieillard, il grava sur leur marbre»), le second est forgé («tantôt il est content, ou alors il pleure»). L’étymologie du mot ? «1751. bas latin des grammairiens d’origine grecque anacoluthon “absence de suite”.»
Pour récapituler : il y a anacoluthe quand la construction de la phrase est brisée, et fortement. Les exemples retenus, en effet, montrent que la rupture syntaxique est perçue comme (trop) violente.
Aux yeux de l’Oreille, c’est là qu’il faut distinguer l’anacoluthe du zeugme. Celui-ci joue aussi de la rupture, mais de façon beaucoup moins radicale.
Voici comment le Dictionnaire des termes littéraires définit le zeugme (définition déjà citée) :
Zeugme, zeugma (gr. lien) • Figure de construction qui consiste à faire dépendre d’un même mot deux termes disparates, qui entretiennent avec lui des rapports différents (dans la majorité des cas, il s’agit d’un verbe suivi de deux compléments d’objet). Le zeugme est souvent doué d’une intention humoristique. V. aussi syllepse. Ex. : «J’ai joué au tennis avec mon oncle et ma raquette» (B. Melançon); «Damoclès tira de sa poitrine un soupir et de sa redingote une enveloppe jaune et salie» (Gide) (p. 510).
On le voit : le zeugme, entendu en ce sens (mais il y en a d’autres…), repose moins sur la rupture syntaxique — même s’il accueille aussi cette rupture — que sur une volonté de réunir deux termes dont le rapprochement est inattendu ou de mêler «un terme abstrait et un terme concret» (Gradus, éd. de 1980, p. 474). Pour que le zeugme fonctionne, il faut que reste nettement perceptible une construction commune. Si la phrase «Un jour, elle est venue travailler avec une copine qui avait son gamin et un œil au beurre noir» (Guy Delisle, Chroniques de Jérusalem, p. 125) contient un zeugme, c’est qu’on y entend «avoir son gamin» et «avoir un œil au beurre noir».
En guise de conclusion : qu’en est-il des exemples du Multi ? Le deuxième («Caché dans un classeur, il n’a pu retrouver son dossier») et le troisième («Des trous dans sa culotte laissaient entrevoir une famille pauvre») étonnent par leur construction; il semble donc qu’on puisse parler d’anacoluthes. C’est moins clair pour le premier («Tous plus ou moins mortellement blessés, le premier a été tué sur le coup, le deuxième à son arrivée à l’hôpital»). Mais ce n’est pas non plus un zeugme, toujours entendu au sens du Dictionnaire des termes littéraires, malgré le parallélisme «sur le coup» / «à son arrivée à l’hôpital»…
P.-S. — Merci à @ljodoin pour le zeugme de Guy Delisle.
[Complément du 29 mai 2014]
Autre exemple d’anacoluthe, fourni par @nt2bert : «Langue millénaire de tradition orale, la linguiste Lynn Drapeau a réussi le défi de produire une grammaire de la langue innue.»
[Complément du 21 novembre 2014]
La chaîne de boutiques de vêtements pour hommes Ernest écrit à l’Oreille tendue. En une phrase («Fait de coton léger, vous serez ravi de vous l’avoir procuré»), deux fautes : un mauvais auxiliaire (avoir mis pour être), une anacoluthe (à moins que le lecteur auquel s’adresse cette publicité soit vraiment «fait de coton léger», ce qui n’est pas le cas de l’Oreille). Du beau travail.
Références
Algoud, Albert, le Haddock illustré. L’intégrale des jurons du capitaine Haddock, Bruxelles, Casterman, 2004 (édition revue et corrigée), 93 p. Ill. Édition originale : 1991.
Delisle, Guy, Chroniques de Jérusalem, Paris, Guy Delcourt productions, 2011, 333 p. Couleur : Lucie Firoud & Guy Delisle.
Dupriez, Bernard, Gradus. Les procédés littéraires (Dictionnaire), Paris, Union générale d’éditions, coll. «10/18», 1370, 1980, 541 p.
Van Gorp, Hendrik, Dirk Delabastita, Lieven D’hulst, Rita Ghesquiere, Rainier Grutman et Georges Legros, Dictionnaire des termes littéraires, Paris, Honoré Champion, coll. «Dictionnaires & références», 6, 2001, 533 p.
Villers, Marie-Éva de, Multidictionnaire de la langue française, Montréal, Québec Amérique, 2009 (cinquième édition), xxvi/1707 p.
«Vous avez déjà perdu les pédales, puis le nord, puis pied.»
Ian Monk, «Autoportrait du buveur», dans Oulipo, C’est un métier d’homme. Autoportraits d’hommes et de femmes au repos, Paris, Mille et une nuits, 2010, 138 p., p. 77.
(Une définition du zeugme ? Par là.)