Accouplements 55

Bob Bissonnette, les Barbes de séries, 2012, pochette

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

En 2013, l’Oreille tendue publiait un texte sur la chanson et les Canadiens de Montréal — c’est du hockey.

L’année suivante, en lisant un ouvrage d’Amy J. Ransom, Hockey, P.Q. Canada’s Game in Quebec’s Popular Culture, elle découvrait l’existence de Bob Bissonnette.

Se réclamant de son «historique de hockeyeur professionnel» (voir son site Web), Bissonnette multiplie depuis 2010 les chansons sur le hockey : «Hockey dans rue», «Chris Chelios», «Mettre du tape su’ ma palette», «It’s in the game», «La machine à scorer», «J’accroche mes patins», «Les hommes zébrés», «Chantal Machabée», «Les barbes de séries», etc. Pour les résumer : sexisme, vulgarité, peur de l’autre, langue rudimentaire.

«Bob Bissonnette rockstar» — c’est ainsi qu’il se désigne — fait une apparition dans un roman sur le sport destiné à la jeunesse et signé Luc Gélinas. Félix Riopel, le personnage de C’est la faute à Ovechkin, écoute en effet ses chansons (2012, p. 162, p. 163 et p. 186).

L’Oreille ne se serait toutefois pas attendue à le voir apparaître dans un poème. C’est pourtant le cas dans «Benjy», un des textes du plus récent livre de Mathieu Arsenault, le Guide des bars et pubs de Saguenay. Essai • Poèmes (2016, p. 37) :

les trois serveuses sont off le jeudi
mais dansent pareil leur vie sur chaque toune
no doubt
adele
bingo players
bob bissonnette
même céline sonne majestueux
[…]

Le voilà donc entre Adele et Céline (Dion). C’est noté.

P.-S.—L’Oreille tendue a présenté le Guide des bars et pubs de Saguenay le 16 mai 2016.

 

Références

Arsenault, Mathieu, le Guide des bars et pubs de Saguenay. Essai • Poèmes, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 97, 2016, 51 p.

Gélinas, Luc, C’est la faute à Ovechkin, Montréal, Hurtubise, 2012, 219 p.

Melançon, Benoît, «Chanter les Canadiens de Montréal», dans Jean-François Diana (édit.), Spectacles sportifs, dispositifs d’écriture, Nancy, Questions de communication, série «Actes», 19, 2013, p. 81-92. https://doi.org/1866/28751

Ransom, Amy J., «Rock and Roll, Skate and Slide : Hockey Music as an Expression of National Identity in Quebec», dans Hockey, P.Q. Canada’s Game in Quebec’s Popular Culture, Toronto, University of Toronto Press, 2014, p. 158-188.

Divergences transatlantiques 041

Hervé Bouchard, Numéro six, 2014, couverture

Soit le verbe renvoyer.

Le Petit Robert (édition numérique de 2014) lui connaît six sens : «Faire retourner (qqn) là où il était précédemment»; «Faire partir, en faisant cesser une fonction, une situation»; «Faire reporter (qqch.) à qqn»; «Relancer (un objet qu’on a reçu)»; «Adresser à (quelque autre destination plus appropriée, quelque personne plus compétente)»; «Remettre à une date ultérieure.» Antonyme (entre autres mots) : «Garder.»

Outre ses sens, il en est un autre au Québec. Exemple, tiré de Numéro six (2014) d’Hervé Bouchard :

Je suis sans estomac. J’ai renvoyé au pied des arbres, j’ai renvoyé au bord des coulées, j’ai renvoyé sur des capots de char au bord de la rue.

Le verbe renvoyer n’a qu’un objet direct.

J’ai les cheveux pleins de renvoyat, se plaint ma pauvre Clairon une fois.

Excuse-moi, je la prie. Je ne te visais pas. J’ai raté le singe Thérèse.

Ma Clairon, ma Clairon, je gémis.

Avec ma Clairon c’est embêtant parce que pour elle la bière descend tout le temps. Alors qu’au contraire, dans mon cas, ça remonte chaque fois (p. 111).

Oui : vomir. Comme hier.

 

[Complément du 7 juin 2016]

Dans le même ordre d’idées, cette interrogation de Pierre Peuchmaurd : «Un renvoi d’ascenseur, c’est quand on a envie de vomir ?» (p. 119)

 

Références

Bouchard, Hervé, Numéro six. Passages du numéro six dans le hockey mineur, dans les catégories atome, moustique, pee-wee, bantam et midget; avec aussi quelques petites aventures s’y rattachant, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 80, 2014, 170 p.

Peuchmaurd, Pierre, Fatigues. Aphorismes complets, Montréal, L’Oie de Cravan, 2014, 221 p. Avec quatre dessins de Jean Terrossian.

Divergences transatlantiques 040

Éric Dupont, la Fiancée américaine, 2015, couverture

Soit le verbe restituer.

Le Petit Robert (édition numérique de 2014) lui connaît trois sens : «Rendre à qqn (ce qu’on lui a pris, confisqué, volé)»; «Reconstituer à l’aide de fragments subsistants, de déductions, de documents»; «Libérer, dégager (ce qui a été absorbé, accumulé).» Antonyme : «Garder.»

Outre ses sens, il en est un autre au Québec. Exemple, tiré de la Fiancée américaine (2012) d’Éric Dupont :

Mais c’était chose commune pour les petites filles de Rivière-du-Loup de vomir ou de s’évanouir à la vue de sœur Marie-de-l’Eucharistie. Celle-ci fut d’ailleurs étonnée qu’on lui amène à l’infirmerie une petite qui avait déjà vomi.

Quelques heures à peine après avoir restitué son déjeuner […] (éd. de 2015, p. 157).

Oui : vomir.

 

Référence

Dupont, Éric, la Fiancée américaine. Roman, Montréal, Marchand de feuilles, 2015, 877 p. Édition originale : 2012.

Écho du jour

Éric Dupont, la Fiancée américaine, 2015, couverture

L’Oreille tendue lit ces jours-ci la Fiancée américaine (2012), un des romans d’Éric Dupont.

Elle y trouve la phrase suivante : «Le dimanche au matin, [les Lamontagne] occupaient le banc numéro quatre de l’église Saint-François Xavier, à une dizaine de mètres du lieu où l’Américaine avait donné naissance à Louis en mourant» (p. 147).

Ce «Le dimanche au matin» — pas «Le dimanche matin» — évoque pour l’Oreille ses parents et grands-parents, qui marqu(ai)ent par là, comme le fait Dupont, une double récurrence — du jour et du moment de la journée.

S’agit-il d’un usage québécois ? L’Oreille ne saurait l’affirmer, même si elle en a l’impression.

 

Référence

Dupont, Éric, la Fiancée américaine. Roman, Montréal, Marchand de feuilles, 2015, 877 p. Édition originale : 2012.

Description peu flatteuse du jour

Éric Dupont, la Fiancée américaine, 2015, couverture

«Pas assez fous pour mettre le feu, mais pas assez fins pour l’éteindre !»

Éric Dupont, la Fiancée américaine. Roman , Montréal, Marchand de feuilles, 2015, 877 p., p. 146. Édition originale : 2012.

P.-S. — S’agissant du sens du mot innocent au Québec, l’Oreille tendue avait évoqué la prédilection de sa mère pour cette phrase.

 

[Complément du 27 mai 2016]

Autre occurrence, avec précision géographique et évaluation linguistique, chez le même auteur : «Pas assez fous pour mettre le feu, mais pas assez fins pour l’éteindre, c’est ce qu’ils disaient de ses oncles à Rivière-du-Loup. Avouez que c’est coloré comme langage» (p. 846).

 

[Complément du 11 décembre 2018]

Troisième occurrence, montréalaise celle-là, dans la pièce Nos ghettos (2018) :

Ici, on ne va pas casser une vitrine
sous prétexte qu’on embourgeoise le quartier
Personne n’est assez fou pour mettre le feu
ni assez fin pour l’éteindre (p. 47)

J-F Nadeau, Nos ghettos. Avec des chansons de Stéfan Boucher, Montréal, Atelier 10, coll. «Pièces», 17, 2018, 107 p. Ill. Suivi de «Contrepoint. De l’écume et des commerces ethniques» par Marie-Sophie Banville.

 

[Complément du 26 septembre 2021]

Variation simenonienne : «Écoutez, monsieur le commissaire, je ne suis pas très intelligente, mais je ne suis pas tellement bête.»

Simenon, Georges, l’Amie de madame Maigret, Paris, Presses Pocket, coll. «Presses Pocket», 1066, 1974, 187 p., p. 116. Édition originale : 1952.