L’art du portrait, ter

Jean-Philippe Toussaint, Faire l’amour, 2009, couverture

«Non, elle allait à la pêche aux udons, plutôt, et faisait peine à voir (ou plaisir, c’était selon), qui touillait mollement sa soupe une baguette dans chaque main, à la manière d’un chef d’orchestre accablé, dyslexique et ambidextre.»

Jean-Philippe Toussaint, Faire l’amour suivi de «Faire l’amour à la croisée des chemins» par Laurent Demoulin, Paris, Éditions de Minuit, coll. «Double», 2009, 159 p., p. 55. Édition originale : 2002.

L’art du portrait, bis

Éric Chevillard, Oreille rouge, 2007, couverture

«On attire Oreille rouge sur la piste de danse. Il imite les pas à contretemps, gauchement, tous ses gestes trop près du corps : décidément, il ressemble à son couteau suisse — fines lames repliées entre les oreilles rouges.»

Éric Chevillard, Oreille rouge, Paris, Éditions de Minuit, coll. «Double», 2007, 158 p., p. 49. Édition originale : 2005.

Publicité fusion

Avec Pierre Popovic, nous proposions, dans le Village québécois d’aujourd’hui (2001), puis dans le Dictionnaire québécois instantané (2004), la définition suivante du mot souche : «A longtemps désigné ce que le bûcheron laissait derrière lui. Désigne maintenant le bûcheron lui-même.»

En 2004, nous définissions coupe (sentir la ~) ainsi : «Archaïsme hockeyistique. Rappelle le temps où la flanelle était sainte et les glorieux glorieux.»

Husqvarna fabrique, entre autres choses, des tronçonneuses. Sa plus récente publicité télévisée ? «Ça sent la coupe.»

Où le bûcheron rejoint l’amateur de hockey, autour d’une souche.

P.-S. — Pour les non-autochtones, un mot d’explication n’est peut-être pas inutile : l’équipe de hockey de Montréal s’appelle les Canadiens; on dit également la sainte flanelle et les Glorieux. Il fut un temps où cette équipe remportait plus souvent qu’à son tour la Coupe Stanley. Ce n’est plus le cas, malgré une brève fièvre collective printanière : alors, pour quelque jours, «Ça sent la coupe». L’expression a donné son titre à un roman de Matthieu Simard (2004).

 

Références

Melançon, Benoît et Pierre Popovic, le Village québécois d’aujourd’hui. Glossaire, Montréal, Fides, 2001, 147 p.

Melançon, Benoît, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, Montréal, Fides, 2004 (deuxième édition, revue, corrigée et full upgradée), 234 p. Illustrations de Philippe Beha. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2019, 234 p.

Simard, Matthieu, Ça sent la coupe. Roman, Montréal, Stanké, 2004, 270 p. Rééd. : Montréal, 10/10, 2008, 256 p.

Benoît Melançon, avec la collaboration de Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, 2004, couverture

Divergences transatlantiques 003

Vous roulez trop vite ? Divers types de ralentisseurs sont là pour vous en empêcher.

Dans l’Hexagone, cette entrave est dite gendarme couché. Exemple : «Gendarmes couchés et ralentisseurs s’efforcent de lui compliquer la tâche» (Oreille rouge, éd. de 2005, p. 38).

Dans la Belle Province, on voit parfois policier dormant. Exemple : «Malgré la présence de policiers dormants, les bandits manchots continuent à sévir» (source inconnue).

Couchées ou endormies, les forces de l’ordre veillent. Qu’on se le dise.

 

[Complément du 23 octobre 2018]

À ralentisseur, gendarme couché et policier dormant, on peut préférer, plus simplement, dos d’âne : «Gonflement transversal de la chaussée» (Multidictionnaire de la langue française, cinquième édition, 2012). À Montréal, présence de l’anglais oblige, le dos d’âne devient parfois un doe down. (Merci à Les Perreaux pour la photo.)

 

Référence

Chevillard, Éric, Oreille rouge, Paris, Éditions de Minuit, coll. «Double», 2007, 158 p. Édition originale : 2005.