«Vous êtes marié ? tacautaca Lucien d’Orange.»
Christian Gailly, l’Incident, Paris, Éditions de Minuit, coll. «Double», 63, 2009, 253 p., p. 131. Édition originale : 1996.
« Nous n’avons pas besoin de parler français, nous avons besoin du français pour parler » (André Belleau).
«Vous êtes marié ? tacautaca Lucien d’Orange.»
Christian Gailly, l’Incident, Paris, Éditions de Minuit, coll. «Double», 63, 2009, 253 p., p. 131. Édition originale : 1996.
Christian Gailly aime la musique, et celle des mots. (L’Oreille tendue a déjà eu l’occasion de citer un de ses portraits ici.) Il aime donc les rythmes. Exemples, tirés de Be-bop (1995).
Il peut s’agir de reprises de sonorités : «peu importe, revenons aux saints, s’il te plaît. Si c’est ou si ce sont des saints. Si si mais si ce sont des saints sinon, on ne voit pas pourquoi [etc.]» (p. 17).
La reprise peut être de mots complets : «Voilà voilà, dit Fernand. Il le dit deux fois, pas deux fois voilà, deux fois voilà voilà. Voilà-voila, voilà-voilà. Ça forme un rythme rappelant à Lorettu le début d’un mouvement d’un des quatuors médians de Beethoven, mais lequel ?» (p. 23).
Le rythme est itou affaire de ponctuation : «je suis musicien. Ah bon ? Dit le vieux. Il répète ah bon sur différents tons. Ah bon, ah bon. Ah bon. Ah bon ! Ah, bon» (p. 34).
Pour résumer : vive la variation.
Paul a du mal à se défendre contre une pensée relative à Psychose, le fils reproduisant la voix de la mère, le fils ayant tué mais bon. Le fils identifié ayant tué, mais bon. Le fils ayant tué, identifié pour que la mère mais bon. Le fils ayant tué parce qu’identifié mais bon. La mère ayant tué le fils parce que mais bon. Le fils se tuant en tuant la mère mais bref (p. 91).
Auraient-ils faim qu’ils n’auraient pas le temps de déjeuner. Ou plutôt, auraient-ils faim, ils n’auraient pas le temps de déjeuner (p. 125).
À lire avec les oreilles.
Référence
Gailly, Christian, Be-bop, Paris, Éditions de Minuit, coll. «Double», 18, 2002, 158 p. Suivi de le Swing Gailly par Jean-Noël Pancrazi. Édition originale : 1995.
«Arrêtons-nous quelques instants sur le jeune Angus Napier. C’est un garçon de petite taille à l’air apeuré quoique dangereux, sournois bien qu’une innocence parfois égarée dans son regard, naïve et butée comme celle d’un ange, fasse concurrence à cet aspect chafouin et donne l’impression d’un enfant assez fou, capable de torturer quelqu’un à mort tout en le serrant en larmes contre lui, lui vouant son amour et sa vie entre deux séances au fer rouge […].»
Jean Echenoz, Des éclairs. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2010, 174 p., p. 65.
N.B. : L’Oreille est surtout tendue en français, mais pas seulement. Voilà pourquoi il existe, en bas à droite, une catégorie «Langue de Shakespeare». Voilà aussi pourquoi elle ajoute le portrait suivant à sa collection (voir «Portraits»), d’autant qu’il contient un fort joli zeugme.
«He was un-evolved, one foot in the Mesozoic, and the other in his mouth» (ch. 25).
Timothy Hallinan, The Fourth Watcher. A Novel of Bangkok, HarperCollins, 2008. Édition numérique.
(Une définition du zeugme ? Par là.)
«La maîtresse de céans faisait la poussière et du bruit dans la pièce voisine.»
Louis Hamelin, la Constellation du Lynx. Roman, Montréal, Boréal, 2010, 593 p., p. 432.
(Une définition du zeugme ? Par là.)