Rétropromenade

Laurent Turcot, le Promeneur à Paris au XVIIIe siècle, 2007, couverture

L’Oreille tendue lit actuellement un ouvrage fort spitant sur le siècle des Lumières : le Promeneur à Paris au XVIIIe siècle de Laurent Turcot (2007).

Elle y découvre que la promenade à pied, en l’honneur de Théodore Tronchin (1709-1781), a eu droit, pendant un certain temps, à un verbe, aujourd’hui tombé en désuétude : «tronchiner» (p. 117). Il est vrai que le médecin genevois «utilise la promenade, les régimes frugaux et les bains froids comme moyens d’acquérir et d’entretenir une bonne santé» (p. 117). Pour «tronchiner», on pouvait porter des robes spéciales, les «tronchines» (p. 120). Voilà qui devait égayer les «gens de pied».

Cela change du sadisme ou du marivaudage.

 

[Complément du 18 septembre 2011]

Dans les trésors de Gallica, Pimpette Dunoyer a repéré une gravure représentant une robe «à la Tronchine»; c’est ici. Merci.

 

Référence

Turcot, Laurent, le Promeneur à Paris au XVIIIe siècle, Paris, Gallimard, coll. «Le promeneur», 2007, 426 p. Ill. Préface d’Arlette Farge.

Rappel géographique

Il est bon, périodiquement, de rappeler que la ville est urbaine.

Le Devoir du 10 septembre (p. A4) s’en charge. Une publicité nous y apprend que «Seulement 10 lofts authentiques entre 960 pi.ca. et 2000 pi.ca. restent disponibles» dans le projet montréalais Southam Lofts. Faites vite si vous voulez soigner «votre style de vie urbaine».

L’Oreille, elle, hésite encore (et se demande ce que serait un loft non authentique).

Ça, c’est du sérieux

Vous pouvez tout bonnement décider de faire ceci ou cela. Vous pouvez même — l’Oreille tendue vous le souhaite — choisir de vivre. Il est vrai que cela fait un peu plouc.

Marie-Lise Labonté, dans une publicité du Devoir du samedi 10 septembre, vous propose mieux : «Nous pouvons quitter l’état de victime et nous positionner dans le choix de vivre» (p. A2).

«Se positionner dans le choix de vivre» : voilà qui inspire confiance, non ?

De l’extension du domaine de la broche à foin

Qu’une chose puisse être broche à foin, on ne saurait en disconvenir.

La campagne peut être «broche à foin» (la Presse, 28 mars 2011, p. A23), de même qu’une ville (la Presse, 8 février 2002, p. E1). L’expression — définition ici — est tellement commune que le (futur) premier ministre du Canada l’a utilisée lors d’un débat électoral télévisé le 12 avril dernier.

Dans le Devoir de ce samedi, le 10 septembre, s’agissant d’une des «histoires» d’Arvida de Samuel Archibald (2011), «América», il est écrit que c’est une «aventure broche-à-foin» (p. F4).

On s’étonne cependant de voir l’expression employée pour désigner une personne : «Garderies et parents broche à foin» (la Presse, 9 septembre 2011, p. A5). L’article ne parle que de «garderies privées broche à foin», mais son titre est clair : cela s’appliquerait aussi aux parents qui y mettraient leurs enfants.

Il est vrai qu’on n’arrête pas le progrès.

P.-S. — On notera que l’expression est invariable. En matière de trait d’union — broche à foin ou broche-à-foin —, l’usage est flottant.

 

[Complément du 27 août 2017]

Substantivée, l’expression est de quel genre ? Spontanément, l’Oreille tendue aurait dit de la broche à foin. Dans le Devoir du 25 août dernier, Alexandre Fontaine Rousseau dit plutôt : «Personnellement, je suis de l’école du broche à foin.» Le débat est ouvert.

Le 11 septembre 2001…

Samuel Archibald, Arvida, 2010, couverture

…vu par un personnage de Samuel Archibald, dans le texte «América» recueilli dans Arvida (2011) : «Dans l’intervalle, y a douze crisses de Tamouls qui ont hijacké des avions pour les câlicer un peu partout sur la gueule de l’oncle Sam» (p. 84).

De l’art de marier l’alternance codique («hijacké»), le juron («crisses», «câlicer») et l’histoire (géographiquement approximative).

 

Référence

Archibald, Samuel, Arvida. Histoires, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 04, 2011, 314 p.