Le siège de l’excitation

François Blais, Vie d’Anne-Sophie Bonenfant, 2009, couverture

Soit la phrase suivante, tirée de la Presse+ du jour : «Le 9-0 ne m’excite pas le poil des jambes.» L’homme de hockey qui s’exprime ainsi affirme que la victoire écrasante de son équipe ne le pousse pas à plastronner. Il ne se laissera pas emporter par elle, il ne va pas s’énerver pour si peu.

Exemple romanesque, chez le François Blais de Vie d’Anne-Sophie Bonenfant (2009) : «Et George Sand, qu’avait-elle à s’exciter tant que ça le poil des jambes ?» (p. 178)

Si tant est que l’excitation y réside, les jambes et leurs poils seraient à considérer avec détachement, voire avec méfiance.

P.-S.—À défaut de se l’exciter, on pourrait se l’énerver, dixit le Trésor des expressions populaires de Pierre DesRuisseaux (éd. de 2015, p. 254).

P.-P.-S.—D’autres poils ? Ici.

 

Références

Blais, François, Vie d’Anne-Sophie Bonenfant. Roman, Québec, L’instant même, 2009, 241 p.

DesRuisseaux, Pierre, Trésor des expressions populaires. Petit dictionnaire de la langue imagée dans la littérature et les écrits québécois, Montréal, Fides, coll. «Biblio • Fides», 2015 (nouvelle édition revue et augmentée), 380 p.

Soyez raisonnables

Bitcoin, symbole

 

Soit le tweet suivant :

Floaber, donc. Il y a quelques années, l’Oreille tendue, pour sa part, avait évoqué flôber. La graphie de ce verbe n’est donc pas fixée.

En revanche, point de vue sens, cela devrait aller : floaber / flôber, c’est dépenser, souvent de façon inconsidérée (gaspiller, brûler son argent, dilapider).

Oui, cela peut être interprété comme une mise en garde en cette période de dépenses programmées.

P.-S.—Pierre DesRuisseaux, dans son Trésor des expressions populaires (2015), retient lui aussi la graphie flôber (p. 152). Pierre Corbeil promeut plutôt l’apostrophe intercalaire : flô’ber (Canadian French for Better Travel, 2011, p. 79). En ligne, on voit encore flauber et flober. C’est comme ça.

 

[Complément du 19 décembre 2019]

Pour désigner celui qui dilapide, le poète Gérald Godin promeut la graphie en –au : «flaubeur d’héritages et sans-cœur» (les Cantouques, p. 34).

 

Illustration : Bitcoin, par Web-dev-chris, image déposée sur Wikimedia Commons

 

Références

Corbeil, Pierre, Canadian French for Better Travel, Montréal, Ulysse, 2011 (troisième édition), 186 p. Ill.

DesRuisseaux, Pierre, Trésor des expressions populaires. Petit dictionnaire de la langue imagée dans la littérature et les écrits québécois, Montréal, Fides, coll. «Biblio • Fides», 2015 (nouvelle édition revue et augmentée), 380 p.

Godin, Gérald, les Cantouques. Poèmes en langue verte, populaire et quelquefois française, Montréal, Parti pris, coll. «Paroles», 10, 1971, 52 p. Édition originale : 1967.

L’Oreille tendue est jalouse de Léa Stréliski

Le douchebag, le douche pour les intimes, est un personnage (malheureusement) connu. Définition proposée par le dictionnaire numérique Merriam-Webster : «an obnoxious, offensive, or disgusting person». Rien là de flatteur : odieux, détestable, insupportable, infect, offensant, choquant, grossier, repoussant, dégoûtant, dégueulasse, répugnant — au choix, et entre autres synonymes.

(Le mot est passé dans l’usage en français au Québec. On s’en offusquera, ou pas.)

La soucheQuébécois de souche, Français de souche — n’est pas moins connue. (Voir ici, par exemple.)

Fusionner les deux ? Léa Stréliski l’a fait l’autre jour sur Twitter : souchebag.

L’Oreille tendue se mord les lobes de ne pas y avoir pensé la première.

P.-S.—Le mot souchebag existe en anglais, mais en un sens complètement différent.

 

[Complément du jour]

L’Oreille n’est pas avare en jalousie. Grâce à @oniquet, elle découvre que le mot n’est pas récent : il avait déjà cours en… 2012. (Voir ici, sur Facebook.) Il n’en est pas moins parfait.

 

[Complément du jour]

Image en prime, chez Charles-Alexandre Théorêt, sur Facebook. Attention : risque de blessure oculaire.

Divergences transatlantiques 052

Catherine Lalonde, la Dévoration des fées, 2017, couverture

Il peut se passer toutes sortes de choses sous la table.

Selon le Petit Robert (édition numérique de 2014), se mettre les pieds sous la table signifie se laisser servir.

Pour le site ABC de la langue française, qui passe sous la table est réputé perdre sans marquer un seul point.

Chez Forum ados, on évoque plutôt les caresses buccales.

Aucun de ces sens ne paraît être d’un usage courant au Québec.

En revanche, il y est banal de dire d’une personne, voire d’une personne humaine, qu’elle est passée sous la table pour indiquer qu’elle a loupé un repas, soit parce qu’elle en a été privée, soit parce qu’elle est arrivée trop tard pour y avoir droit.

Exemple, tiré de l’excellent la Dévoration des fées de Catherine Lalonde (2017) : «Arrivent à la course, sinon mangeront froid leur noire avoine et le ragoût de chien d’été. Ou passeront en dessous de la table, c’est ça qui est ça, icitte» (p. 51).

 

Référence

Lalonde, Catherine, la Dévoration des fées, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 112, 2017, 136 p.