Dictionnaire des séries 05

Max Pacioretty, blessé, étendu sur la glace du Centre Bell

L’amateur de hockey se souvient de Max Pacioretty inconscient sur la glace à la suite d’un coup à la tête, de Clint Malarchuk baignant dans son sang, victime d’une lame de patin, de Trent McCleary à l’article de la mort après avoir reçu une rondelle dans la gorge, de Lars Eller étendu dents en moins. Le hockey est un sport dangereux.

Comme si ce n’était pas assez, il peut arriver que votre entraîneur, confiant en vos talents défensifs, vous envoie sur la glace pendant une pénalité à votre équipe, quand vous jouez à court d’un joueur. Votre mission ? Tuer la punition.

Vous commettez l’erreur de faire à un coéquipier une passe qui le place dans une position vulnérable ? Vous vous rendez coupable d’une passe suicide. (La formule est étrange : c’est celui qui reçoit la passe suicide qui est en danger, pas celui qui la fait.)

Il n’est pas toujours nécessaire d’aller aussi loin : un but, un tout petit but, marqué au bon moment, peut parfois couper les jambes de l’adversaire et lui faire baisser les bras.

Les victimes, au hockey, sont parfois réelles, parfois imaginaires.

 

[Complément du 26 juillet 2022]

Plutôt que de parler de «passe suicide», l’excellent Frédéric Lord, durant la diffusion du match du CF Montréal — c’est du soccer — du 23 juillet, a parlé de «cadeau empoisonné». Bien vu.

 

[Complément du 5 février 2014]

Les 57 textes du «Dictionnaire des séries» — repris et réorganisés —, auxquels s’ajoutent des inédits et quelques autres textes tirés de l’Oreille tendue, ont été rassemblés dans le livre Langue de puck. Abécédaire du hockey (Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p., illustrations de Julien Del Busso, préface de Jean Dion, 978-2-923792-42-2, 16,95 $).

En librairie le 5 mars 2014.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014)

L’Oreille tendue chez les Helvètes

L’Oreille tendue rentre d’un colloque, à Genève, sur Jean-Jacques Rousseau. Ci-dessous, notes dépareillées.

L’ami François Bon est frappé de l’utilisation endémique, en France, de voilà. La Suisse n’est pas moins touchée. (La remarque vaut autant pour pas de souci, opportunité, quelque part et morale citoyenne.)

Le français parlé sur les rives du lac Léman a ses particularités. Les mouettes y sont aquatiques, mais motorisées. Les cornets y sont en plastique. Bien sûr y tient lieu de oui.

Ça a beau être universitaire, mais ça ne sait pas la différence entre mettre à jour (actualiser) et mettre au jour (révéler). Et ça s’attarde à qui mieux mieux, même un instant.

Du groupie en sciences humaines : appeler Jean-Jacques Rousseau «Jean-Jacques». Personne ne dit pourtant «Denis» pour Diderot. Heureusement.

Au restaurant, on ne doit pas confondre le service (ce qui est remis au serveur pour son travail) et le pourboire (ce qui est remis au serveur pour son travail).

Quand, en colloque, l’Oreille entend parler d’«une personnalité remarquable mais trop peu étudiée», elle se dit toujours que ce silence de la critique est probablement justifié.

Mme X est «la future grande tante d’Alfred de Musset» ? Grand bien lui fasse.

Lui : «C’est une jeune femme, 20 ans peut-être.» Un autre : «Une retraitée d’environ 58 ans.» Ils parlent de la même personne. Il y en a un des deux que sa perspicacité honore.

Sur sa tombe, l’Oreille demande que soit gravé ceci : «Dans les colloques, il respectait scrupuleusement son temps de parole. R.I.P.»

Rassurez-la : dites à l’Oreille que ses présentations PowerPoint ne sont pas aussi nulles, car bavardes, que celles-là. Elle vous en implore.

Oxymores à éviter : «la convergence d’horizons antagonistes»; «une neutralité bienveillante».

Entre deux communications, il y a toujours la télé, et les joies de l’Euro(pe) : dans sa chambre d’hôtel, l’Oreille avait le même match de foot sur au moins huit chaînes. C’est pendant Suède-Angleterre qu’elle a découvert l’autogoal, soit le fait de marquer contre son propre camp (scorer dans son but). La télé n’est pas complètement inutile. (Le but suivant, comme il se doit, était «incroyable».)

«Vous tenez un blogue ? Vraiment ?» «Vous utilisez Twitter ? Pourquoi ?» L’avenir du numérique ne passe pas par le Siècle des lumières.

Les interlocuteurs de l’Oreille avaient presque tous suivi le «printemps érable» dans les médias européens, sans y comprendre grand-chose. Manifestement, ces derniers n’ont guère fait leur travail.

Les voyages, particulièrement en avion, ne font pas ressortir ce que l’humanité a de meilleur. (L’Oreille ne s’exclut pas de l’humanité.)

Du temps où il y descendait (Hergé, l’Affaire Tournesol, p. 17-19), Tryphon Tournesol devait-il parler anglais pour se faire comprendre des employés de l’Hôtel Cornavin, dont certains baragouinent à peine le français ?

Quoi qu’on puisse en penser, l’Oreille est casanière. Elle n’aime pas trop être dépaysée. La preuve.

P.-S. — Dans le même ordre d’idées, l’Oreille a déjà publié quelques «Scènes de la vie de colloque» (en PDF ici).

 

Référence

Melançon, Benoît, «Scènes de la vie de colloque (extraits)», le Pied (journal de l’Association des étudiants du Département des littérature de langue française de l’Université de Montréal), 4, 29 février 2008, p. 12-13. Repris dans la Vie et l’œuvre du professeur P. Sotie, Montréal, À l’enseigne de l’Oreille tendue, 2022, p. 43-48. https://doi.org/1866/13167

Comparaison sportive du jour

Le New York Times du 22 mai 2011 consacre un long article (cahier Sports Sunday, p. 1 et 6-7) à Lionel Messi, l’Argentin qui porte le numéro 10 de Barcelone. (C’est du foot.)

Description d’une des phases du premier de ses deux buts lors du match opposant son équipe au Real Madrid le 27 avril dernier : «Madrid’s defense engulfed him like white blood cells trying to fight off infection» (p. 6).

Messi réussira à se défaire des globules blancs (défensifs) qui l’enserrent. Bon sang ne saurait mentir.

Parfaite intégration

Cédric Joqueviel, défenseur pour l’Impact de Montréal — c’est du soccer, donc du football —, rentre chez lui, à Montpellier, pour des «raisons familiales». C’est malheureux, car il était parfaitement intégré au Québec.

La preuve ? Pour expliquer son départ, il déclare ceci dans un communiqué : «Bien que je quitte sans regret, je ne ferme pas la porte à un retour à Montréal, mais pour le moment j’ai d’autres préoccupations.» Quitter utilisé sans complément, voilà bien la preuve qu’il parlait comme tout le monde autour de lui.