L’oreille tendue de… André Belleau

André Belleau, Notre Rabelais, couverture, 1990

«Si on mettait bout à bout toutes les grossièretés, en oubliant le reste, on finirait par dessiner, au tableau noir, un corps caractérisé par une excroissance prodigieuse du nez, une ouverture abyssale de la bouche et un gonflement énorme de l’étage corporel inférieur. Et ce corps serait dépourvu d’yeux parce que ceux-ci individualisent, renvoient à une singularité. Le regard, reflet de l’intérieur, la vision introspective viendront plus tard avec la littérature bourgeoise. Le corps grotesque se signale au contraire par l’hypertrophie des organes de relation au monde : l’oreille que l’on tend, le nez qui hume.»

André Belleau, Notre Rabelais, «Présentation» de Diane Desrosiers et François Ricard, Montréal, Boréal, 1990, 177 p., p. 35.

L’oreille tendue de… Gilles Marcotte

Gilles Marcotte, la Vie réelle, 1989, couverture

«Parfois je crois entendre, venant de sa chambre, quelque chose qui ressemble à de la musique mais j’ai beau tendre l’oreille, me concentrer à l’extrême, je ne parviens pas à décider si c’est classique ou romantique, dodécaphonique ou simplement atonal, et d’ailleurs comment ferait-il jouer de la musique ?»

Gilles Marcotte, «S.», dans la Vie réelle. Histoires, Montréal, Boréal, 1989, 235 p., p. 193-213, p. 201.

L’oreille tendue de… Georges Perec

Georges Perec, Un homme qui dort, 1976, couverture

 

«Tu as beau écouter, tendre l’oreille, l’appliquer contre la cloison, finalement, tu ne sais presque rien. Il semble que plus la précision de ta perception augmente, plus la certitude de tes interprétations diminue.»

Georges Perec, Un homme qui dort, Paris, Union générale d’éditions, coll. «10/18», 1110, 1976, 181 p., p. 158. Édition originale : 1967.

L’oreille tendue de… Patrick Senécal

Patrick Senécal, Malphas 3, 2013, couverture

«J’ai jeté ma cigarette, me suis approché des ambulanciers et leur ai tendu l’oreille de Marcel :

— Tenez, je pense que… ça vous revient.

— Ah, merci, c’est gentil. Rien d’autre ?

— Comment, rien d’autre ? Vous croyez que j’ai les poches pleines ?

— Non, non, c’est juste que…

— Si en prenant ma douche ce soir, je découvre un nez ou un bout de rate dans mon poil pubien, je vous appelle, promis.»

Patrick Senécal, Malphas 3. Ce qui se passe dans la cave reste dans la cave, Québec, Alire, 2013, coll. «GF», 24, 2013, 562 p., p. 176.