De l’âme linguistique

Francesca Predazzi et Vanna Vannuccini, Petit voyage dans l’âme allemande, 2007, couverture

Imaginons pour un instant, et rien que pour un instant, qu’il existe une telle chose que l’âme, voir que l’âme nationale. C’est elle que deux journalistes italiennes, Francesca Predazzi et Vanna Vannuccini, sont allées chercher dans l’Allemagne réunifiée; c’est l’objet de leur Petit voyage dans l’âme allemande (2007).

Pour mettre en lumière cette âme supposée, elles proposent une galerie de portraits et d’entretiens, organisés en quinze chapitres, chacun correspondant à un mot (plus ou moins) récemment forgé :

Weltanschauung (vision du monde);

Nestbeschmutzer (souilleur de nid);

Querdenker (penseur latéral);

Schadenfreude (se réjouir des malheurs d’autrui);

Zweisamkeit (solitude à deux);

Vergangenheitsbewältigung (maîtrise du passé);

Männerfreundschaft (amitié virile);

Zweckgemeinschaft (union d’intérêt);

Mitläufer (marcher quand l’autre marche);

Feierabend (repos du soir);

Rechthaber (celui qui veut toujours avoir raison);

Quotenfrauen (femmes de quotas);

Wanderweg (chemin de randonnée);

Unwort (non-mot);

Zeitgeist (esprit des temps).

Pourquoi ces mots ? Parce qu’ils illustrent «la capacité infinie d’abstraction» (p. 11) et l’«amour de la taxinomie» (p. 88) de la langue allemande, cette langue qui multiplie les «petits chefs-d’œuvre d’analyse des comportements humains» (p. 87). Réputés «intraduisibles» (p. 14), les mots retenus par Predazzi et Vannuccini, ces mots qui «brillent par leur complexité et par leur précision» (p. 222), sont indispensables, écrivent-elles, à la compréhension de l’identité de l’Allemagne.

L’exergue, de Wilhelm von Humboldt, résume parfaitement cela : «L’homme voit les choses essentiellement ou plutôt exclusivement, de la façon dont la langue les lui propose» (p. 7). Oui.

 

Référence

Predazzi, Francesca et Vanna Vannuccini, Petit voyage dans l’âme allemande, Paris, Grasset, 2007, 239 p. Traduction de Nathalie Bauer. Édition originale : 2004.

Et une autre !

Le Devoir annonce que le gouvernement fédéral vient de nommer Saguenay capitale culturelle canadienne en 2010 (25 août 2009, p. B8).

Ce ne sont pourtant pas les capitales qui manquaient au Québec.

 

[Complément du 29 juillet 2010]

Confirmation publicitaire :

Prendre la route 001

L’Oreille tendue, bien que partie se détendre pendant quelques jours, est restée à l’affût. Cela étant, il lui est arrivé ce qui devait arriver : ses réflexes se sont un brin émoussés.

Ainsi devant ce panneau :

Motel Bar O Bio, Labelle, 12 août 2009

Elle a cru y voir d’abord une invocation écologique : «Ô Bio».

Or ce n’est pas tout à fait cela :

Motel Bar O Bio, Labelle, 12 août 2009

Le bio n’était que billot.

 

[Complément du 18 juillet 2015]

À Sainte-Luce-sur-Mer, l’Oreille pourrait s’approvisionner / se faire guillotiner à La tête sur le bio (voir ici).

À tous nos fidèles bénéficiaires

L’Oreille tendue cesse ses activités quelques jours; elle a besoin de se détendre. Un peu plus, et elle dirait que «L’Oreille tendue quitte pour les vacances.» Elle se retient.

De retour bientôt.

P.-S. — Bénéficiaires ? Évidemment : «C’est l’un des mots-clés de la société québécoise», selon Jean-Claude Boulanger.

 

Référence

Boulanger, Jean-Claude, «Un épisode des contacts de langues : la néobienséance langagière et le néodiscours lexicographique», dans Marie-Rose Simoni-Aurembou (édit.), Français du Canada – Français de France. Actes du cinquième Colloque international de Bellême du 5 au 7 juin 1997, Tübingen, Max Niemeyer Verlag, coll. «Canadiana Romanica», 13, 2000, p. 307-324, p. 315.