Les fourberies de…

On se demande parfois ce qu’est l’utilité des œuvres classiques. Sont-elles toujours d’actualité ?

Prenons un exemple. Le Théâtre du Nouveau Monde, «Le théâtre de tous les classiques, ceux d’hier et de demain», présente ces jours-ci une pièce du répertoire du XVIIe siècle.

Aux Ve et VIe scènes du deuxième acte, le personnage le plus fourbe de la pièce se donne pour mission de convaincre un père de famille naïf que celui-ci doit payer tout de suite une somme importante, histoire de ne pas avoir à payer une somme encore plus élevée dans le futur. À force de tromperies et d’arguments fallacieux, le fourbe arrivera à ses fins.

Toute ressemblance entre les Fourberies de Scapin de Molière et la gestion de la rémunération, actuelle et à venir, de certains types de personnel dans le système de santé québécois serait, évidemment, le fruit du hasard.

Citation épistolaire à méditer

Sculpture de Blaise Pascal par Augustin Pajou

«Mes Révérends Pères, mes lettres n’avaient pas accoutumé de se suivre de si près, ni d’être si étendues. Le peu de temps que j’ai eu a été cause de l’un et de l’autre. Je n’ai fait celle-ci plus longue que parce que je n’ai pas eu le loisir de la faire plus courte.»

Blaise Pascal, les Provinciales, seizième lettre, 4 décembre 1656, dans Œuvres complètes, texte établi et annoté par Jacques Chevalier, Paris, Gallimard, coll. «Bibliothèque de la Pléiade», 34, 1962 (1954), xxviii/1529 p., p. 865. Édition originale : 1657.

 

[Complément du 6 février 2021]

À la 31e minute de son film Mank (2020), David Fincher révèle son érudition pascalienne (la citation est d’ailleurs correctement attribuée à Pascal par le personnage d’Herman J. Mankiewicz).

Scène de Mank, film de David Fincher, 2020

 

Illustration : Blaise Pascal étudiant la cycloïde; à ses pieds, à gauche, les feuillets épars des Pensées, à droite, le livre ouvert des Lettres provinciales. Sculpture d’Augustin Pajou présentée au Salon de 1785; le modèle en plâtre avait été présenté à celui de 1781. Déposé sur Wikimedia Commons

Accouplements 98

Anne-Renée Caillé, l’Embaumeur, 2017, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Denis Diderot à Sophie Volland, lettre du 15 octobre 1759 éditée par Jacques Chouillet dans Denis Diderot – Sophie Volland. Un dialogue à une voix, Paris, Librairie Honoré Champion, coll. «Unichamp», 14, 1986, 173 p., p. 169-173.

«Ceux qui se sont aimés pendant leur vie et qui se font inhumer l’un à côté de l’autre ne sont peut-être pas si fous qu’on pense. Peut-être leurs cendres se pressent, se mêlent et s’unissent. Que sais-je ? peut-être n’ont-elles pas perdu tout sentiment, toute mémoire de leur premier état» (p. 171).

Caillé, Anne-Renée, l’Embaumeur, Montréal, Héliotrope, «série K», 2017, 102 p.

«Deux corps brûlés en même temps, cela est arrivé, malgré ce qu’on dit, leurs cendres mélangées et mises dans une seule urne» (p. 69).

P.-S.—L’Embaumeur ? Par ici.

 

[Complément du 10 janvier 2019]

Le 17 juillet 1676, Mme de Sévigné, dans une lettre à sa fille, Mme de Grignan, aborde la circulation des cendres d’un point de vue un brin différent :

Enfin c’en est fait, la Brinvilliers est en l’air : son pauvre petit corps a été jeté, après l’exécution, dans un fort grand feu, et ses cendres au vent; de sorte que nous la respirerons, et que, par la communication des petits esprits, il nous prendra quelque humeur empoisonnante, dont nous serons tous étonnés (éd. Duchêne, vol. II, p. 342-343).

 

Référence

Sévigné, Mme de, Correspondance, Paris, Gallimard, coll. «Bibliothèque de la Pléiade», 3 vol., 1972-1978. Texte établi, présenté et annoté par Roger Duchêne.