Autopromotion 078

Voltaire à la radio canadienne, 2013, couverture

À la mi-octobre, on trouvera en librairie le prochain livre de l’Oreille tendue : Voltaire à la radio canadienne. Textes de Louis Pelland présentés et annotés par Joël Castonguay-Bélanger et Benoît Melançon, Montréal, Del Busso éditeur, 2013, 87 p. ISBN : 978-2-923792-40-8.

En quatrième de couverture, ceci :

Il fut un temps, pas si lointain, où la radio d’État canadienne considérait que la diffusion de la culture littéraire était sa mission. Ses artisans avaient la possibilité de consacrer de nombreuses heures à la recherche documentaire et à la rédaction d’émissions sur des sujets exigeants.

C’est alors que Louis Pelland (1912-1981) y signa deux émissions sur Voltaire: le documentaire «Voltaire et le Canada» (1964-1965) et la dramatique «Voltaire s’en va-t-en Canada» (1971).

Dans Candide, l’écrivain le plus célébré du XVIIIe siècle parlait des «quelques arpents de neige» pour désigner les possessions françaises au Canada. Il ne sort pas grandi de ces deux textes radio-canadiens.

Textes présentés et annotés par Joël Castonguay-Bélanger et Benoît Melançon

Joël Castonguay-Bélanger enseigne à l’Université de la Colombie-Britannique (Vancouver). Benoît Melançon est professeur à l’Université de Montréal.

 

[Complément du 11 octobre 2013]

Le livre est sorti des presses… hier. Il sera incessamment en librairie.

 

[Complément du 11 octobre 2013]

On peut lire la «Présentation» ici, en PDF.

 

[Complément du 10 janvier 2024]

Le livre, au format PDF, est désormais disponible en libre accès ici.

 

[Dans les médias]

Le Devoir, 1er-2 février 2014, p. F6 (Louis Cornellier)

La Presse, 28 février 2014, cahier Arts, p. 3 (Daniel Lemay)

Cahiers Voltaire, 13, 2014, p. 295-296 (Kim Gladu)

Dix-huitième siècle, 47, 2015, p. 651 (François-Ronan Dubois)

Faire masse

Quand on publie depuis un certain temps, il arrive un moment où nos textes, à défaut de faire œuvre, font masse. Et cette masse nous échappe.

L’Oreille tendue vient de faire paraître un recueil de trois textes sur le numérique et l’écriture adressée.

Sur son blogue, Brigitte Celerier (@brigetoun) a reproduit (merci) un extrait du premier de ces trois textes, Sevigne@Internet. Remarques sur le courrier électronique et la lettre (1996).

C’est indubitablement un texte de l’Oreille. Elle le lit pourtant aujourd’hui comme si c’était le texte d’un autre.

C’est un texte d’un autre.

P.-S. — Ce qui est vrai d’Épistol@rités l’est aussi de ce blogue et de ses 1575 entrées.

François Bon n’est pas un écrivain imperturbable

François Bon, Après le livre, 2011

La position de François Bon, s’agissant du livre et de la littérature aujourd’hui, est claire : «Nous sommes déjà après le livre» (p. 270) sont les derniers mots d’Après le livre (2011).

Il ne s’agit pas de futurologie, mais du constat de ce qui a changé en matière d’écriture depuis l’apparition du Web. Bon est sensible à toutes les «mutations» nées de cette apparition, sans jamais céder au vocabulaire des grands prêtres (révolution, changement sociétal, etc.). Il préfère parler de «basculement» (p. 243), de «déplacement de frontière» (p. 259), de «“bousculement”» (p. 260), de «période de chamboulements et mutations» (p. 260), de «monde mouvant [qui] s’ouvre juste» (p. 269). Les oppositions tranchées ne servent à rien :

Les débats qui opposent de façon binaire un équilibre à un autre équilibre sont vite stériles : c’est le déplacement qu’il faut examiner, et comment nous avons — faute de savoir le conduire — à nous y comporter, et le penser, affrontant une suite de paradigmes chacun fluides, périssables autant que nos appareils, mobiles autant que le regard fasciné que nous portons sur nos propres usages d’écriture et ce qui en a changé en quinze ans (p. 9).

Pourtant, il sait que tout bouge (ou a bougé) : les technologies de l’écrivain — «L’écriture a toujours été une technologie. On a simplement changé d’appareil» (p. 188) —, les bibliothèques — lieu privé, lieu public —, les supports de lecture, le rapport de l’écrivain à ses brouillons, la temporalité des textes, ce qui inscrit le créateur dans une collectivité, etc.

Pour interpréter cela, il faut entrecroiser les histoires. François Bon remonte aux tablettes d’argile, il s’interroge sur le rouleau et le codex, il raconte son histoire personnelle, il rappelle, à fort juste titre, qu’il y a déjà une histoire d’Internet — brève, mais à prendre en considération. Nous vivons peut-être après le livre, mais nous serons incapables de nous y retrouver si nous ne pensons pas, dans le même temps, le livre et son avant : «Lire en numérique ne s’oppose pas à notre histoire avec l’imprimé» (p. 103). Il est une façon d’échapper à l’approche «binaire» : il faut multiplier les exemples, venus de toutes les époques. Pour comprendre le numérique, Rabelais est aussi utile que Philippe De Jonckheere, Proust que Walter Benjamin, Flaubert que Roger Chartier, Sévigné que Dominique Charpin (Lire et écrire à Babylone, 2008).

Après le livre est fait de «chroniques» (p. 107, p. 202), chacune doublement titrée. Le premier mot, entre parenthèses, renvoie à des séries : écrire, traverses, technique, pratique (un seul texte), historique, biographique. Suit le titre de la chronique. En tête du livre : «(introduction) mutations rares, mais totales et irréversibles». À la fin : «(horizon) qu’est-ce que je regarde quand j’écris ?»

Pour conclure, deux choses.

Au début de «(historique) ultra-modernité de la tablette d’argile», François Bon écrit : «Parfois, on en voudrait aux archéologues, les meilleurs : on voudrait des réponses, ils ne proposent que des questions supplémentaires» (p. 231). Il est lui-même notre archéologue.

Dans la série «écrire», une de ses chroniques s’intitule «les écrivains imperturbables». Fondée sur l’anaphore de cette formule, elle brocarde ceux que caractérise la «défiance à l’égard du Web» (p. 219), qui, par exemple, utilisent le courrier électronique, mais refusent de voir que le numérique est devenu le lieu de la littérature. «À trop se protéger», ceux-là disparaîtront «sans trace» (p. 45). François Bon n’est pas un écrivain imperturbable.

 

Références

Bon, François, Après le livre, Paris, Seuil, 2011, 269 p.

Charpin, Dominique, Lire et écrire à Babylone, Paris, Presses universitaires de France, 2008, 320 p.

Portrait d’un non-frileux

Portrait de Michel Ardan

«C’était un homme de quarante-deux ans, grand, mais un peu voûté déjà, comme ces cariatides qui portent des balcons sur leurs épaules. Sa tête forte, véritable hure de lion, secouait par instants une chevelure ardente qui lui faisait une véritable crinière. Une face courte, large aux tempes, agrémentée d’une moustache hérissée comme les barbes d’un chat et de petits bouquets de poils jaunâtres poussés en pleines joues, des yeux ronds un peu égarés, un regard de myope, complétaient cette physionomie éminemment féline. Mais le nez était d’un dessin hardi, la bouche particulièrement humaine, le front haut, intelligent et sillonné comme un champ qui ne reste jamais en friche. Enfin un torse fortement développé et posé d’aplomb sur de longues jambes, des bras musculeux, leviers puissants et bien attachés, une allure décidée, faisaient de cet Européen un gaillard solidement bâti, “plutôt forgé que fondu”, pour emprunter une de ses expressions à l’art métallurgique.

Les disciples de Lavater ou de Gratiolet eussent déchiffré sans peine sur le crâne et la physionomie de ce personnage les signes indiscutables de la combativité, c’est-à-dire du courage dans le danger et de la tendance à briser les obstacles; ceux de la bienveillance et ceux de la merveillosité, instinct qui porte certains tempéraments à se passionner pour les choses surhumaines; mais, en revanche, les bosses de l’acquisivité, ce besoin de posséder et d’acquérir, manquaient absolument.

Pour achever le type physique du passager de l’Atlanta, il convient de signaler ses vêtements larges de forme, faciles d’entournures, son pantalon et son paletot d’une ampleur d’étoffe telle que Michel Ardan se surnommait lui-même “la mort au drap”, sa cravate lâche, son col de chemise libéralement ouvert, d’où sortait un cou robuste, et ses manchettes invariablement déboutonnées, à travers lesquelles s’échappaient des mains fébriles. On sentait que, même au plus fort des hivers et des dangers, cet homme-là n’avait jamais froid, — pas même aux yeux.»

Jules Verne, De la Terre à la Lune, Paris, Le livre de poche. Jules Verne, 1966, 364 p. et un cahier non paginé sur Jules Verne, p. 221-224.

P.-S. — Le nom Ardan est une anagramme de Nadar, celui-ci ayant servi de modèle au personnage (p. 374).