Est-ce bien nécessaire ?

Parmi les jurons québécois, il en est de forts et il en est de faibles. Dans la première catégorie, on place aujourd’hui — même si leur statut a varié dans le temps — tabarnak ou crisse. Dans la seconde, on peut penser à maudit.

Soit les quatre exemples suivants, tirés de chansons portant à des degrés divers sur le hockey, dans différents emplois grammaticaux.

«Parce que not’seule révolution
C’était celle de Maurice Richard au Forum
Dins’années cinquante
En ce temps-là j’te dis mon chum
Qu’on chantait maudit faut qu’ça change» (Claude Gauthier, 1976).

«J’aguis l’hivere
Maudit hivere
Les dents serrées, les mains gercées, les batteries à terre
J’aguis l’hiver
Maudit hivere
Chez nous l’hiver, c’comme le hockey
Y a des finales jusqu’au mois d’mai» (Dominique Michel, 1979).

«Ça pas d’maudit bon sens
Avec les femmes faudrait pouvoir scorer
Comme on score au hockey» (Robert Charlebois, 1981).

«Ma mère faisait cuire du jambon
Maudit qu’le hockey sentait bon
Quand y avait un but
[Choriste : Y avait un but]
On criait comme des perdus» (Christine Corneau, 1988).

On aurait pu croire que, contrairement aux jurons plus osés, un juron aussi insipide que celui-là aurait pu se passer de formes édulcorées; il n’en est rien.

Comme l’avait noté François Bon en 2009, mautadine existe : «De Renée-Claude Brazeau : Mautadine qu’elle donne envie d’écrire “pouet pouet” partout» (p. 5).

On voit aussi mautadit, comme sur cette photo prise à Montréal le 10 décembre 2011 :

«En mautadit !», publicité, Montréal, 2011

Question grave : est-il bien nécessaire d’euphémiser maudit ?

 

Références

Bon, François, Une Amérique lentement dessinée à la main, texte pour le cours de création littéraire FRA 1710B de l’Université de Montral le 18 novembre 2009, à partir de la Sentimenthèque de Patrick Chamoiseau, 2009, 38 p.

Charlebois, Robert, «Moi Tarzan, toi Jane», dans Heureux en amour ?, 1981, disque étiquette Conception.

Corneau, Christine, «La soirée du hockey», dans En personne, 1988, disque audionumérique, 1988, étiquette Analekta, SNP-9801 Sonophile.

Gauthier, Claude, «La valse à mon oncle», dans les Beaux Instants. Live à l’Outremont, 1976, disque 33 tours, étiquette PE 7500 Presqu’île; réédition, 1993, disque audionumérique, étiquette Transit, Interdisc distribution TRCD-9104 Transit.

Michel, Dominique, «Hiver maudit : j’hais l’hiver», 1979, disque 45 tours, étiquette ENG 4201 Disques Énergie; repris dans 28 Chansons souvenirs, 2006, disque audionumérique, étiquette Disques Mérite.

Sacre fusion

Pierre Vadeboncoeur, croquis

L’autre jour, causant juron, l’Oreille tendue saluait la richesse de crisse.

La lecture récente d’un recueil (posthume) de croquis de l’essayiste québécois Pierre Vadeboncoeur lui donne l’occasion d’ajouter un mot aux constructions dans lesquelles entre crisse.

On le trouve dans le titre d’un des croquis de Vadeboncoeur : «Qui-dame déconcrissée» (p. 41).

Qui est déconcrissé ne se porte pas bien, est défait, déconstruit. Léandre Bergeron (1980, p. 170) lui connaît deux synonymes : «Découragé. Déprimé.»

Si l’adjectif est attesté, le mot peut aussi être un verbe, encore que sous une forme parfois légèrement différente. On voit en effet aussi décocrisser, sans n, par exemple dans la chanson «Engagement» de Robert Charlebois (1968) : «Ça s’décocrisse» et «Ça m’décocrisse». Bergeron signale l’adjectif décocrissé dans son supplément de 1981 (p. 89), mais pas le verbe.

Encore une fois et toujours : on ne prête qu’aux riches.

 

[Complément du 20 mai 2015]

Un substantif avec ça ? Hervé Bouchard propose «déconchrission» (2014, p. 180 et 181).

 

Références

Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise, Montréal, VLB éditeur, 1980, 574 p.

Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise précédé de la Charte de la langue québécoise. Supplément 1981, Montréal, VLB éditeur, 1981, 168 p.

Bouchard, Hervé, Parents et amis sont invités à y assister. Drame en quatre tableaux avec six récits au centre, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 14, 2014, 238 p.

Charlebois, Robert, «Engagement», Robert Charlebois-Louise Forestier, 1968, disque 33 tours, étiquettes Gamma GS-120 et Barclay 920.068 (Europe); repris dans l’Histoire de Robert Charlebois, 1977, disque 33 tours, étiquette Gamma GS-601, dans Collection souvenir, 1990, disque audionumérique, étiquette DMI 2-61190, dans Robert Charlebois-Louise Forestier, 1991 (1968), disque audionumérique, étiquette G277 et dans Québec love. La collection, disque audionumérique, 1993, étiquette Gamma GCD-501.

Vadeboncoeur, Pierre, Petite comédie humaine. Croquis, Montréal, Del Busso éditeur, 2011, 191 p. Ill. Présentés par Réjean Beaudoin.

Les mystères de la mémoire

Gump Worlsey dans l’uniforme des Rangers de New York

Personne, parmi ceux qui s’intéressent à la représentation du hockey dans la culture, n’est étonné de la place considérable qu’y occupent les grandes vedettes du passé : Maurice Richard, Jean Béliveau, Guy Lafleur.

On s’attend moins, en revanche, à entendre Les Cowboys fringants chanter Bronco Horvath («Salut mon Ron», 2002) ou JP5 évoquer Gino Odjick («Gino Odjick», 2000).

Il y a plus troublant encore : la postérité de Lorne «Gump» Worsley (1929-2007), le gardien de but qui a joué, dans la Ligue nationale de hockey, pour les Rangers de New York, les Canadiens de Montréal et les North Stars du Minnesota. En chiffres : 1,70 mètre, 81 kilos, 931 matches en carrière, dont 211 à Montréal, 4 coupes Stanley (remise à l’équipe championne de la LNH), 2 trophées Georges-Vézina (remis au meilleur gardien de la ligue pendant la saison régulière; les deux fois, Worsley a partagé cet honneur avec un autre gardien, Charlie Hodge, puis Rogatien Vachon), 28/11/69 (il met fin à sa carrière à cause de sa peur de… l’avion).

On le voit apparaître dans une nouvelle de Dave Bidini (2006, p. 62) et dans le premier roman de Victor-Lévy Beaulieu, Mémoires d’outre-tonneau (1968) : «“Les Canadiens sont pourris, c’t’année, dit l’un. Terry Harper est une grosse andouille. Lorne Worsley est une “mitaine percée”. C’est pas comme ça qu’on gagne un championnat de hockey”» (p. 148). Il est dans les pages de l’excellent Des histoires d’hiver, avec des rues, des écoles et du hockey de Marc Robitaille (1987). Il a eu droit à une (auto)biographie, They Call Me Gump (1975). Il a été dessiné par Normand Hudon (1958, p. 170).

Worsley était reconnu pour son sens de l’humour. Mordecai Richler disait qu’il était son gardien de but favori («My all-time favourite hockey goalie», 2003, p. 96) et il aimait son esprit. Du temps où Worsley jouait pour les Rangers de New York et que l’équipe n’allait pas bien, on lui aurait demandé quelle équipe lui donnait le plus de mal; il aurait répondu «Les Rangers».

Quatre chansons rappellent son souvenir. Son surnom se mêle à plusieurs autres dans «Le but» de Loco Locass (2009). «Gump Worsley’s Lament», des Huevos Rancheros (1994), est une pièce instrumentale à laquelle on a mêlé des extraits sonores qui n’ont rien à voir avec le sport. Les Jérolas, en 1960, appellent au retour devant le filet des Rangers de «Worsley / C’est lui c’est un vrai goaler / Le bonhomme qui a du cœur / Des comme lui i en a pas un / Ce petit gars de Verdun». (Ce Verdun-là est québécois, pas français.)

La chanson la plus étonnante est cependant du groupe The Weakerthans. «Elegy for Gump Worsley» (2007) est précisément cela, une élégie («Poème lyrique exprimant une plainte douloureuse, des sentiments mélancoliques», le Petit Robert, édition numérique de 2010). Sur le ton de la lamentation, le gardien est décrit comme un homme ordinaire («He looked more like our fathers»), pas comme un athlète. Il fume et il boit («Tugging jersey around the beergut / “I’m strictly a whishey man”»). La chanson se termine sur la citation la plus connue de Worsley :

He swore he was never afraid of the puck
We believe him
If anyone asks
The inscription should read
«My face was my mask»

Worsley, comme beaucoup de gardiens de son époque, jouait sans masque. Il n’avait pourtant pas peur : «Mon visage était mon masque.»

Pourquoi parler de lui aujourd’hui ? Parce que son nom apparaît dans un album collectif de bande dessinée paru il y a quelques semaines. Richard Suicide et Denis Lord signent, dans le Démon du hockey (2011), «Gump Worsley était un plat régional patagonien» (p. 18-24). Pas une seule allusion à Worsley sous leur plume; son nom dans le titre suffit.

Pas mal pour un joueur dont Jean Béliveau a déjà dit qu’il ressemblait à borne fontaine («a fire-hydrant-shaped goalie named Lorne Worsley», 2005, p. 40).

P.-S. — D’où vient ce surnom de «Gump» ? Selon Wikipédia, sa coupe de cheveux aurait ressemblé à celle d’un personnage de bande dessinée, Andy Gump.

 

[Complément du 14 avril 2012]

Sans oublier ce vers de Bernard Pozier : «la bonhommie de Lorne Worsley» (1991, p. 31).

 

[Complément du 19 mai 2021]

Ligue de garage (2016) est une bande dessinée dans laquelle Rémy Simard mêle, à la première personne, introduction générale au hockey et instructions humoristiques sur la façon de faire fonctionner une ligue de garage.

Pages 12-13, il évoque des figures connues du hockey : Jean Béliveau, Wayne Gretzky, Ken Dryden, Guy Lafleur, Chris Nilan (un goon), Henri Richard — «Et Lorne “Gump” Worsley» : «C’est à cause de lui que je suis devenu gardien» (p. 13).

 

Références

Beaulieu, Victor-Lévy, Mémoires d’outre-tonneau, Montréal, Estérel, 1968, 190 p.

Béliveau, Jean, avec Chrys Goyens et Allan Turowetz, Jean Béliveau. My Life in Hockey, Vancouver, Greystone Books, 2005, xii/312 p. Ill. Foreword by Wayne Gretzky. Introduction by Allan Turowetz. Édition originale : 1994.

Bidini, David, «I Am Bobby Wolf», dans The Five Hole Stories, Edmonton, Brindle & Glass, 2006, p. 59-71.

Bruneau, Pierre et Léandre Normand, la Glorieuse Histoire des Canadiens, Montréal, Éditions de l’Homme, 2003, 743 p. Ill. Préface de Jean Béliveau.

Collectif, le Démon du hockey, Montréal, Glénat Québec, 2011, 48 p.

Les Cowboys fringants, «Salut mon Ron», dans Break syndical, 2002, disque audionumérique, étiquette Disques de La Tribu TRICD-7200.

Hudon, Normand, la Tête la première, Québec, Institut littéraire, 1958, 319 p. Ill. Préface de Doris Lussier.

Huevos Rancheros, «Gump Worsley’s Lament», dans Johnny Hanson Presents : Puck Rock Classics Vol. 1, 1994, disque audionumérique, étiquette WRONG-11 Wrong Records; repris sur Dig In, 1995, disque audionumérique, étiquettes MRD-007 Mint Records et LOUDER7 One Louder, et disque 33 tours, étiquette LOUDER7 One Louder (réédition, 2004, disque audionumérique, étiquette Outside Music).

Les Jérolas, «La chanson du hockey», 1960, disque 45 tours, étiquette RCA Victor 57-5491, composition de Jean Lapointe; repris sur le disque collectif Parade des succès volume 1, années 1960, disque 33 tours, étiquette RCA Victor LCP-1037.

JP5, «Gino Odjick», dans Johnny Hanson Presents : Puck Rock Vol. 2, 2000, disque audionumérique, étiquette Sudden Death Records.

Loco Locass, «Le but», 2009.

Pozier, Bernard, «Génétique 2», dans Les poètes chanteront ce but, Trois-Rivières, Écrits des Forges, coll. «Radar», 60, 1991, 84 p., p. 31. Réédition : Trois-Rivières, Écrits des Forges, 2004, 102 p.

Richler, Mordecai, Dispatches from the Sporting Life, Toronto, Vintage Canada, 2003, xxii/295 p. Foreword by Noah Richler. Édition originale : 2002.

Robitaille, Marc, Des histoires d’hiver, avec des rues, des écoles et du hockey. Récit, Montréal, VLB éditeur, 1987, 142 p. Ill.

Simard, Rémy, Ligue de garage, Montréal, La Pastèque, 2016, 99 p.

The Weakerthans, «Elegy for Gump Worsley», Reunion Tour, 2007, disque audionumérique, 2007, étiquette Epitaph.

Worsley, Gump, with Tim Moriarty, They Call Me Gump, New York, Dodd, Mead, 1975, xii/176 p. Ill.

-ounes

Le français du Québec est friand des mots en –oune.

La minoune est une voiture qui a subi des ans l’irréparable outrage. C’est aussi une femelle féline, voire un hypocoristique (Viens ici, ma minoune).

La pitoune est un jeton, une pièce de bois flotté ou une beauté — nécessairement féminine — surfaite (littéralement). Martin Winckler emploie le mot en ce dernier sens dans son polar les Invisibles (2011, p. 152).

Dans le même registre, poupoune n’est guère mieux. Celle-ci peut être «extrême», croit la Presse (23 octobre 2010, p. A5). Si elle fréquente les pistes de course, elle est dans une catégorie, au moins lexicale, à part : «“Les racing poupounes” : jolies reliques du passé» (la Presse, 28 novembre 2011, cahier Auto, p. 16). Elle a son verbe : se poupouner.

En revanche, poupoune peut s’employer pour parler affectueusement d’une enfant. Ainsi, la chanteuse Shilvi a un album intitulé Ma p’tite poupoune (2001).

Comme le ti-coune, la nounoune n’est pas appréciée pour ses qualités intellectuelles. On suppose qu’il en va de même de la «paranounoune» évoquée par Mélika Abdelmoumen (le Dégoût du bonheur, 2001, p. 154). Certains lecteurs de ce blogue se sont demandé récemment si le mot n’est pas la forme féminine de nono; sur le plan du sens, cela se défend; en revanche, sur le plan morphologique, le passage de nono à nounoune ne va pas de soi. (Cela étant, on peut imaginer un cas semblable, de coco à coucoune.)

Les foufounes désignent l’arrière-train, sans distinction de sexe : tout le monde en a. Elles ont donné leur nom à un célèbre bar montréalais, Les foufounes électriques. À l’antipode des foufounes, il y a la noune (chez les femmes) ou la bizoune (chez les autres).

Une chanson est une toune, par exemple «Toune d’automne» des Cowboys fringants (Break syndical, 2002).

La toutoune n’a (généralement) rien à voir avec la musique. Le mot désigne une personne du sexe, un brin enrobée. Francine Allard a signé une Défense et illustration de la toutoune québécoise (1991); le catalogue numérique de Bibliothèque et Archives nationales du Québec classe ce titre sous «Femmes obèses–Humour».

Les gougounes se portent aux pieds. Ailleurs qu’au Québec, ce seraient des sandales de plage ou des tongs.

La balloune existe sous deux orthographes, avec une l ou deux, et sous au moins cinq espèces. L’une est enfantine : on souffle une balloune comme on souffle un ballon. La deuxième est pré-enfantine : une femme en balloune est enceinte. Les deux suivantes relèvent de la beuverie : qui part sur une balloune vise l’imbibition alcoolique, au risque d’être forcé à souffler dans l’ivressomètre (à souffler dans la balloune). La dernière est sportive : une balloune est un tir sans force au baseball ou au tennis, par exemple.

Qui fait la baboune ou, plus simplement, qui baboune, exprime ouvertement son mécontentement. La bouderie a plus d’un nom, comme la lèvre (aussi dite baboune).

La doudoune québécoise n’est pas une «Veste matelassée, légère et chaude» (le Petit Robert, édition numérique de 2010), mais un «Objet choisi par le jeune enfant qui s’y attache; objet transitionnel» (bis). Bref, un doudou.

La guidoune est une personne aux mœurs légères, femme (surtout) ou homme. Il lui arrive donc de guidouner, parfois contre rétribution. L’ange tutélaire de l’Oreille tendue, André Belleau, avait une belle formule pour parler des échanges linguistiques : «La langue française aussi est à tout le monde. C’est une guidoune que personne n’a réussi à maquer» (éd. de 1986, p. 35).

Parmi les mots en -oune, il en est un particulièrement populaire depuis quelques années. Il y a jadis naguère, surtout dans les cours d’école, moumoune désignait l’efféminement, voire l’homosexualité; il évoque aujourd’hui une faiblesse supposée, et désapprouvée. Les exemples abondent, avec ou sans italiques : «Ce n’est pas un hasard si “moumoune” rime avec “Sigmund”» (le Devoir, 10 juin 2003); «Gang de moumounes» (la Presse, 26 janvier 2004); «Je n’ai pas envie d’avoir l’air d’une moumoune en sortant d’ici» (Suzanne Myre, Humains aigres-doux, p. 148); «Camping de moumoune» (le Devoir, 14 octobre 2005, p. B10); «Croisière d’hiver pour une moumoune quatre saisons» (le Devoir, 24 février 2006, p. B10); «Éloge du hockey moumoune» (la Presse, 21 avril 2006, p. A5); «Ce n’est pas sa faute si vous êtes aptères, / Mounounes, / À ce que rapportent les dernières dépêches Reuter» (François Hébert, Toute l’œuvre incomplète, p. 9). On ne devient pas moumoune; on «vire moumoune» (Patrick Roy, la Ballade de Nicolas Jones, p. 48). La moumoune est victime de sa moumounerie : «Toutes ces moumouneries étaient inutiles pour un Bleuet qui a fait la drave» (la Presse, 1er mars 2003).

On imagine sans peine les euphoniques concaténations que permet cette terminaison.

«[Deux] filles, l’une un peu nounoune et nièce de la Poune [surnom de la comédienne Rose Ouellette], l’autre un brin toutoune et qui ne quittait jamais ses gougounes, se promenaient dans une minoune rue Sainte-Catherine Est. Au feu rouge, à la sortie d’un bar de moumounes, une cliente, partie sur une balloune, traitait ses amis de guidounes» (le Devoir, 5 décembre 2003).

«les poupounes les toutounes
avec leurs grosses foufounes
forment des rimes assez nounounes» (Plume Latraverse, «Le beau filon», Chants d’épuration, 2003)

Plume a raison : le «filon» est «beau».

 

[Complément du 7 janvier 2017]

Un esprit chagrin pourrait voir, dans la «baboune boudeuse» de Patrick Senécal en 2011 (p. 249), un pléonasme (mais aussi une alliération).

 

[Complément du 8 avril 2022]

Qui ne souhaite pas utiliser guidoune peut remplacer ce mot par guedaille. Exemple tiré de Mouron des champs de Marie-Hélène Voyer (2022) : «boîtes de dévotion maisons de poupées bagues de foi brassards de communion trousseaux rongés Vierges d’accouchées coiffes de Sainte-Catherine guêpières de guedailles robes d’enfirouapeuses fourrures informes fuseaux rouets soufflets icônes de bois Jésus de cire statues de carême images pieuses aux visages effacés» (p. 89).

N.B. En 1981, Léandre Bergeron propose la graphie guédaille (p. 108), de même que Pierre Corbeil en 2011 (p. 138); Ephrem Desjardins, en 2002, guidaille (p. 91). C’est comme ça.

 

[Complément du 21 avril 2022]

Coup double, chez Stéfanie Tremblay, dans Musique (2022) : «lady guedaille de Sainte-Guedoune» (p. 63). On notera le guedoune mis pour guidoune.

 

Références

Abdelmoumen, Mélika, le Dégoût du bonheur, Montréal, Point de fuite, 2001, 174 p.

Allard, Francine, Défense et illustration de la toutoune québécoise, Monréal, Stanké, 1991, 125 p.

Belleau, André, «Parle (r)(z) la France», Liberté, 138 (23, 6), novembre-décembre 1981, p. 29-34; repris, sous le titre «Parle(r)(z) la France», dans Y a-t-il un intellectuel dans la salle ? Essais, Montréal, Primeur, coll. «L’échiquier», 1984, p. 45-47; repris, sous le titre «Parle(r)(z) de la France», dans Surprendre les voix. Essais, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 1986, p. 33-38; repris, sous le titre «Parle(r)(z) de la France», dans Surprendre les voix. Essais, Montréal, Boréal, coll. «Boréal compact», 286, 2016, p. 33-38. https://id.erudit.org/iderudit/60322ac

Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise précédé de la Charte de la langue québécoise. Supplément 1981, Montréal, VLB éditeur, 1981, 168 p.

Corbeil, Pierre, Canadian French for Better Travel, Montréal, Ulysse, 2011 (troisième édition), 186 p. Ill.

Les Cowboys fringants, Break syndical, 2002, disque audionumérique, étiquette La Tribu.

Desjardins, Ephrem, Petit lexique de mots québécois à l’usage des Français (et autres francophones d’Europe) en vacances au Québec, Montréal, Éditions Vox Populi internationales, 2002, 155 p.

Hébert, François, Toute l’œuvre incomplète, Montréal, l’Hexagone, coll. «Écritures», 2010, 154 p.

Latraverse, Plume, Chants d’épuration, 2003, disque audionumérique, étiquette Disques Dragon.

Myre, Suzanne, Humains aigres-doux. Nouvelles, Montréal, Marchand de feuilles, 2004, 157 p.

Roy, Patrick, la Ballade de Nicolas Jones. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 01, 2010, 220 p.

Senécal, Patrick, Malphas 1. Le cas des casiers carnassiers, Québec, Alire, coll. «GF», 16, 2011, 337 p.

Shilvi, Ma p’tite poupoune, 2001, disque audionumérique, étiquette Les Disques Petite Plume.

Tremblay, Stéfanie, Musique, Saguenay, La Peuplade, coll. «Poésie», 2022, 120 p.

Voyer, Marie-Hélène, Mouron des champs suivi de Ce peu qui nous fonde, Saguenay, La Peuplade, coll. «Poésie», 2022, 196 p.

Winckler, Martin, les Invisibles, Paris, Fleuve noir, 2011, 277 p.

Dixième article d’un dictionnaire personnel de rhétorique

Allitération

Définition

«Retours multipliés d’un son identique» (Gradus, éd. de 1980, p. 33).

Exemples

En f : «rencontre fortuite du fiancé furax, à vingt futaies de mon futon» (Éric McComber, la Solde, p. 20).

En f, bis : «feu de fleur fumée envolée» (Plume Latraverse, «Blouse d’automne», Chants d’épuration).

En g : «Gare goret, tu te goures de Gourin» (Jean Rouaud, les Champs d’honneur, p. 69).

En n : «Non, il n’est rien que Nanine n’honore» (Voltaire, Nanine, acte III, sc. dernière).

En p : «Pourquoi Pierre Pitre parle presque pas ?» (titre d’une chanson d’Arseniq33).

En p, bis : «une pomme on n’peut plus pulpeuse» (Plume Latraverse, «Érosion éolienne», Chants d’épuration).

En v : «Ce vent vert qui vient des villes» (Forces, 167, automne 2011, p. 43).

En fricatives : «Il perçut, tout autour de son corps, les sons entrelacés des vagues, du vent, et du vent sur les vagues, comme un vaste frisson froid, frisé, froncé, froissé, et ce fut sur ce fond farci de fricatives qu’il entendit se rapprocher les mercenaires» (Jean Echenoz, le Méridien de Greenwich, p. 234-235).

En image et en ville :

Vos vets en ville, enseigne, rue Décarie, Montréal

 

 

[Complément du 8 décembre 2011]

Les passionnés de Philip Roth et de baseball se souviendront des premières pages du «Prologue» de son The Great American Novel (1973). Non seulement elles abondent en allitérations, mais le narrateur, Word Smith, y livre des bribes de sa théorie en matière de rhétorique. En une formule : «Alliteration is at the foundation of English literature» (éd. de 1980, p. 9). Rien de moins.

 

[Complément du 18 juin 2012]

«Un jour, je le jure, je jouirai d’un juste juillet joyeux, juste pour jubiler de juin joufflu, juteux, jeté» (@franciroyo).

 

[Complément du 12 août 2015]

En titre et en image, gracieuseté de @mcgilles :

P. Nouvel, Crissements de Kriss, couverture

 

[Complément du 11 avril 2016]

Allitération du jour, tirée de la Presse+ : «Voilà, Voiles en Voiles envoie la voile.»

 

[Complément du 27 avril 2016]

F comme…

Affiche de film érotique, dans le Dictionnaire de la censure au Québec, 2006, p. 553

Source : Hébert, Pierre, Yves Lever et Kenneth Landry (édit.), Dictionnaire de la censure au Québec. Littérature et cinéma, Montréal, Fides, 2006, 715 p., p. 553.

 

[Complément du 5 juin 2016]

Conseil du jour, via @AcademiaObscura : «Always avoid alliteration. Alternatives are available

 

[Complément du 3 août 2016]

Dans ses fabuleux Mémoires, Open (2009), le joueur de tennis Andre Agassi offre une utile mise en garde : «Bud Collins, the venerable tennis commentator and historian, the coauthor of [Rod] Laver’s autobiography, sums up my career by saying I’ve gone from punk to paragon. I cringe. To my thinking, Bud sacrificed the truth on the altar of alliteration. I was never a punk, any more than I’m now a paragon» (éd. de 2010, p. 371). L’allitération n’est pas un autel («altar»), dit-il. En revanche, «the altar of alliteration», n’est-ce pas une allitération ?

 

[Complément du 19 septembre 2017]

Ella aussi…

Ella Sings Sweet Songs for Swingers, 1959, pochette

 

 

[Complément du 10 décembre 2017]

Cette allitération (en p) provient des Notules du jour : «“Dans le domaine de la mode, signalons les nouveaux Peignes Pleins Pour Personnes Pelées. On a remarqué bien souvent, en effet, combien était absurde, pour des personnes entièrement chauves, l’usage du peigne ordinaire à dents divisées. Le peigne plein, au contraire, est un polissoir du plus heureux effet qui, loin d’écorcher le crâne inutilement, lui donne l’aspect brillant d’un ivoire ancien.” Gaston de Pawlowski, Inventions nouvelles & dernières nouveautés

(Les Notules ? Par ici.)

 

[Complément du 19 décembre 2017]

P comme poules.

Poules qui pondent, 1927, couverture

 

 

[Complément du 19 décembre 2018]

Wine, Women and War, couverture

 

[Complément du 15 avril 2019]

Encore en p.

«Prison passion péril possession», Bibliothèque nationale de France, 2019

 

 

[Complément du 22 mai 2019]

En w.

The Weird of the White Wolf, couverture

 

 

[Complément du 6 juillet 2019]

En (double série de) s : «Tel un animal savant (“sussucre”, susurre ce sadique Sabrecourt), la Tourterelle d’argent a dû longtemps se consacrer uniquement à apprendre sous sa férule les rôles du répertoire (“Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ?”).» L’Oreille tendue — promis juré — n’avait aucun souvenir d’avoir publié cette phrase en… 2002.

 

[Complément du 4 avril 2022]

En f : «sifflons feux follets fumées vents fous» (Mouron des champs, p. 33).

 

[Complément du 5 avril 2022]

Allitération en a, «impeccable» selon son auteur, Jean-Philippe Toussaint :

Dans les vapeurs de l’air ambiant, flottait une odeur de détergent parfumé, aux relents d’andropogon, d’ammoniaque et d’agrumes.

Avant d’écrire cette phrase dans Faire l’amour, je ne connaissais pas, je le confesse, le mot andropogon. Je crois, mais le souvenir est lointain, que je cherchais un équivalent au mot anglais lemon grass, parce qu’il me semblait qu’il devait régner une odeur de citronnelle dans cette piscine du grand hôtel de Shinjuku où se trouve le personnage. Mais, ouvrant un dictionnaire, puis un autre, mes recherches m’ont entraîné trop loin et je me suis vite retrouvé avec trop de mots sur les bras, parmi lesquels l’énigmatique schénanthe ou l’exotique herbe au chameau. J’ai jeté mon dévolu sur cet impénétrable andropogon, qui m’offrait l’occasion d’une impeccable allitération : «d’andropogon, d’ammoniaque et d’agrumes». J’étais satisfait, et je pensais que les choses s’en tiendraient là. Mais lorsque, quelques années plus tard, au collège de Seneffe, mes traducteurs, déconcertés, m’ont interrogé sur cet andropogon, j’ai bien dû leur avouer que j’en ignorais l’origine, et nous avons été amenés à nous poser cette intéressante question : comment traduire dans une autre langue un mot qu’à l’origine l’auteur ne comprend pas lui-même en français ?

 

[Complément du 7 avril 2022]

En t, chez la Monique Proulx des Aurores montréales : «Prends garde à toi, Ugo Lagorio, je m’en viens tuer la tiédeur qui te tue» (éd. de 2016, p. 98).

 

[Complément du 22 janvier 2024]

Deux occurrences dans le Crook Manifesto (2023) de Colson Whitehead.

En p : «Quincy huffed in disgust. “Pickles. Pepper. Pope—what is this, some kind of fucked-up convention”» (p. 164).

En s : «Grinding & Sharpening Blades Saws Scissors Skates» (p. 185).

 

[Complément du 21 avril 2024]

En h : «I stamped through the high, hushed, hollow marble halls and accosted the grand ex-cavalry officer who started the twenty elevators» (The Body on Mount Royal, p. 131).

 

Références

Agassi, Andre, Open. An Autobiography, New York, Vintage Books, 2010, 385 p. Ill. Édition originale : 2009.

Arseniq33, Tranquillement les tranquillisants, 2002, étiquette Indica.

Dupriez, Bernard, Gradus. Les procédés littéraires (Dictionnaire), Paris, Union générale d’éditions, coll. «10/18», 1370, 1980, 541 p.

Echenoz, Jean, le Méridien de Greenwich. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 1979, 255 p.

Latraverse, Plume, Chants d’épuration, 2003, étiquette Disques Dragon.

McComber, Éric, la Solde. Roman, Montréal, La mèche, 2011, 218 p. Ill.

Melançon, Benoît, «Diderot chez les francs-maçons : les Gymnastes de l’émotion. Ode au théâtre, sur fond de mauvaise critique / Louis Champagne et Gabriel Sabourin», Jeu, 104, septembre 2002, p. 12-17. https://id.erudit.org/iderudit/26390ac

Montrose, David, The Body on Mount Royal, Montréal, Véhicule Press, A Richochet Book, 2016, 237 p. Édition originale : 1953. Introduction de Kevin Burton Smith.

Proulx, Monique, les Aurores montréales. Nouvelles, Montréal, Boréal, coll. «Boréal compact», 85, 2016, 238 p. Édition originale : 1996.

Roth, Philip, The Great American Novel, New York, Farrar, Straus & Giroux, 1980, 382 p. Édition originale : 1973.

Rouaud, Jean, les Champs d’honneur. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 1990, 187 p.

Toussaint, Jean-Philippe, C’est vous l’écrivain, Paris, Le Robert, coll. «Secrets d’écriture», 2022, 176 p. Édition numérique.

Voltaire, Nanine ou le Préjugé vaincu, dans Théâtre du XVIIIe siècle, Paris, Gallimard, coll. «Bibliothèque de la Pléiade», 241, 1972, vol. I, p. 871-939 et p. 1442-1449. Textes choisis, établis, présentés et annotés par Jacques Truchet. Édition originale : 1749.

Voyer, Marie-Hélène, Mouron des champs suivi de Ce peu qui nous fonde, Saguenay, La Peuplade, coll. «Poésie», 2022, 196 p.

Colson Whitehead, Crook Manifesto. A Novel, New York, Doubleday, 2023, 319 p.