La clinique des phrases (115)

La clinique des phrases, Charles Malo Melançon, logo, 2020

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Soit cette phrase, tirée d’un roman policier québécois :

Il lui arrivait d’aller prendre un verre avec des collègues, de participer à un tournoi de baseball ou à une partie de pêche, mais il ne se sentait proche d’aucun des fêtards qui remplissaient son verre ou lui criaient de se grouiller le cul afin d’atteindre le deuxième but avant le champ arrière de l’équipe adverse.

Les amateurs de sport le savent : il n’existe pas de champ arrière au baseball; c’est un terme de football. En revanche, en langue de balle, on connaît le champ extérieur.

On pourrait donc imaginer la phrase suivante :

Il lui arrivait d’aller prendre un verre avec des collègues, de participer à un tournoi de baseball ou à une partie de pêche, mais il ne se sentait proche d’aucun des fêtards qui remplissaient son verre ou lui criaient de se grouiller le cul afin d’atteindre le deuxième but avant le champ extérieur de l’équipe adverse.

Elle resterait bizarre. Il faudrait la modifier plus profondément :

Il lui arrivait d’aller prendre un verre avec des collègues, de participer à un tournoi de baseball ou à une partie de pêche, mais il ne se sentait proche d’aucun des fêtards qui remplissaient son verre ou lui criaient de se grouiller le cul afin de ne pas être retiré au deuxième but par le champ extérieur de l’équipe adverse.

À votre service.

Le fumeur musical expérimenté

Publicité des cigarettes Buckingham avec le joueur de hockey Pit Lépine, la Presse, 11 février 1928

Dans la Presse+ d’hier, cette phrase : «Vivre avec une étiquette. Jonathan Sénécal connaît le tabac.» (Sénécal joue au football pour les Carabins de l’Université de Montréal.)

Au Québec, qui connaît le tabac est réputé avoir de l’expérience et tirer des leçons de celle-ci.

Autre exemple, chez Michel Tremblay : «C’est alors que Santuzza fit son entrée. Vêtue, elle, de noir, des pieds à la tête. La special guest connaissait le tabac !» (p. 84)

On l’aura compris : ce tabac est de même nature que la musique dans connaître la musique.

 

Référence

Tremblay, Michel, Offrandes musicales. Récits, Montréal et Arles, Leméac et Actes Sud, 2021, 165 p.

Néologing

Camping, sans glamping, avec caniche royal

La néologie semble apprécier les mots en -ing. Exemples, parmi tant d’autres.

Canyoning : «Le canyoning est une drôle d’activité qui consiste à suivre un cours d’eau en montagne et à descendre ses différentes cascades à l’aide de cordes» (la Presse+, 9 septembre 2023).

Curating : «Faire de sa vie une œuvre d’art : le mot d’ordre était cher aux avant-gardes. A défaut, il semblerait que l’on puisse aujourd’hui faire de sa vie une expo. C’est du moins le constat que l’on pourrait induire de l’infiltration du mot “curating” à tous les étages de notre quotidien, un terme que l’on croyait pourtant réservé à la conception des expos d’art contemporain» (les Inrocks, 11 décembre 2015).

Glamping : Camping, mais haut de gamme (glam). «“Glamping” à l’écossaise» (la Presse+, 4 juin 2014).

Plogging : «Originaire de la Suède, le terme plogging est formé de la contraction de plocka upp (ramasser, en suédois) et de jogging» (la Presse+, 2 juillet 2023). Autrement dit : faire le ménage extérieur en courant. À Radio-Canada, on lui préfère écojogging.

Sharenting : Partager (share) des photos de ses marmots sur les réseaux sociaux (la Presse+, 16 septembre 2018).

Voguing : «Plus qu’une danse, le voguing est un acte politique, performatif, une affirmation de soi.» C’est France Culture qui le dit.

P.-S.—En effet, nous avons déjà croisé des néologismes en -ing. C’est par là.

Le zeugme du dimanche matin et de Serge Bouchard

Bernard Arcand et Serge Bouchard, Quinze lieux communs, 1993, couverture

«D’abord, cela [le baseball] se joue en pyjama. Bien sûr, avec les années, la mode est passée au collant, pour le plus grand plaisir des voyeurs et des voyeuses qui ne tarissent pas d’éloges sur les fesses des frappeurs ou sur les cuisses des voltigeurs. Mais qu’à cela ne tienne, l’uniforme de ces athlètes n’a rien à voir avec les accoutrements guerriers des joueurs de football ou de hockey. C’est le chandail léger de la détente où rien, hormis la tradition, ne saurait vous intimider. Les Yankees, en effet, revêtent un pyjama sacré qui transcende les saisons ainsi que les mentalités.»

Serge Bouchard, dans Bernard Arcand et Serge Bouchard, «Le sport», dans Quinze lieux communs, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 1993, p. 11-22, p. 20.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Le zeugme du dimanche matin et d’Andrew Forbes

Andrew Forbes, De l’utilité de l’ennui, 2017, couverture

«Une quantité considérable d’Américains persistent à croire que le cœur de la nation bat à un rythme qui est plus rural qu’urbain. Le baseball s’inscrit dans cette croyance, et il est facile de projeter une sentimentalité pastorale sur le diamant verdoyant et impeccable au centre de nos villes postindustrielles de verre et de béton et d’espoirs déçus.»

Andrew Forbes, De l’utilité de l’ennui. Textes de balle, Montréal, Éditions de Ta Mère, 2017, 196 p. Édition originale : 2016. Traduction de Daniel Grenier et William S. Messier. Édition numérique.

 

P.-S.—L’Oreille tendue a présenté ce texte le 1er août 2023.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)