Les zeugmes du dimanche matin et de Grégoire Courtois

Grégoire Courtois, les Lois du ciel, 2016, couverture

«Si ce type n’arrivait pas dans les cinq prochaines minutes, elle se disait qu’elle n’aurait plus qu’à se laisser tomber de l’autre côté du tronc, baisser son short et sa culotte et passer la nuit là, sur le flanc, se vidant douloureusement de ce qui lui restait de bile et de décence» (p. 38).

«Quand on a six ans et qu’on rampe dans un boyau mouillé qui s’effrite sous les doigts et trempe les paumes et les genoux et qu’on a peur la nuit de ne plus jamais revoir ses parents, ni ses frères et sœurs ni peut-être la lumière du jour, cette odeur et cette sensation c’est comme si l’arbre vous mangeait» (p. 83).

«Alors une branche de conifère avait stoppé net la litanie de Nathan en même temps que sa course, écorchant partiellement la peau de son visage» (p. 115).

«Nathan avait passé plusieurs heures à crier, à appeler sa mère, ou quiconque aurait pu passer par là et par miracle au beau milieu de la nuit» (p. 131).

«Sans clé, sans route, sans camp, sans signe ni flèche ni plan, dans les méandres d’un labyrinthe courbe, fait de vent et de vagabondage, nous sommes là […]» (p. 136).

«l’apaiser plutôt, l’encourager à s’asseoir et attendre que la nuit tombe et puis que la nuit passe à consoler ce petit être perdu dans le bois et le reste de sa vie» (p. 149).

«Et ces trois enfants de même mouraient devant eux, vomissant du vide et l’horreur d’être encore en vie […]» (p. 159).

«Si c’était le cas, Enzo n’en avait rien vu et n’avait trouvé en fouillant l’orbite que pulpe et sang, mélasse salissante et déception de renoncer une fois de plus à une part de la magie qu’on lui avait promise» (p. 162).

Grégoire Courtois, les Lois du ciel. Roman, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 99, 2016, 195 p.

P.-S.—L’Oreille tendue a présenté ce texte le 15 mars 2017.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Fil de presse 023

Logo, Charles Malo Melançon, mars 2021

Quelques livres récents en matière de langue, en ordre géographique…

Amsterdam

Van Strien-Chardonneau, Madeleine et Marie-Christine Kok Escalle (édit.), French as Language of Intimacy in the Modern Age. Le français, langue de l’intime à l’époque moderne et contemporaine, Amsterdam, Amsterdam University Press, 2017, 238 p. Compte rendu : http://contagions.hypotheses.org/951.

Lille

Humboldt, Wilhelm von et Jean-Pierre Abel-Rémusat, Lettres édifiantes et curieuses sur la langue chinoise, Lille, Presses universitaires du Septentrion, coll. «Problématiques philosophiques», 2017, 338 p. Édition de Jean Rousseau et Denis Thouard.

Limoges

Gautier, Antoine, Sabine Pétillon et Fanny Rinks (édit.), la Ponctuation à l’aube du XXIe siècle. Perspectives historiques et usages contemporains, Limoges, Éditions Lambert-Lucas, 2016, 256 p.

Jacquet-Pfau, Christine et Jean-François Sablayrolles (édit.), la Fabrique des mots français. Colloque de Cerisy, Limoges, Éditions Lambert-Lucas, coll. «La lexicothèque», 2016, 384 p.

Londres

Leblanc, Jean-Marc, Analyses lexicométriques des vœux présidentiels, Londres, ISTE éditions, coll. «Sciences cognitives», 2016, 386 p.

Louvain-la-Neuve

Feuillard, Colette, Usage, norme et codification. De la diversité des situations à l’utilisation du numérique, Louvain-la-Neuve, EME éditions, coll. «Théorie et description linguistique», 2017, 256 p.

Paris

Boutet, Josiane, le Pouvoir des mots. Nouvelle édition, Paris, La Dispute, 2016, 256 p. Compte rendu : http://www.en-attendant-nadeau.fr/2016/08/31/langue-fasciste-boutet/.

Les Cahiers du dictionnaire, 8, 2016, 506 p. Numéro «Les mots de la Méditerranée dans le dictionnaire».

Cerquiglini, Bernard, Enrichissez-vous : parlez francophone !, Paris, Larousse, 2016, 178 p.

Schott, Ben, Schottenfreude. Il y a un mot pour tout, Paris, Éditions du sous-sol, 2016, 96 p. Traduction de Danielle Orhan.

Siouffi, Gilles (édit.), Modes langagières dans l’histoire, Paris, Honoré Champion, coll. «Linguistique historique», 7, 2016, 404 p.

Stepanova, Olga, l’Argot aux multiples visages dans le théâtre et le cinéma contemporains, Paris, L’Harmattan, coll. «Langue et parole», 2017, 242 p.

Zauberman, Yolande et Paulina Spiechowicz, Les mots qui nous manquent. Encyclopédie, Paris, Calmann-Lévy, 2016, 320 p.

Québec

Arrighi, Laurence et Annette Boudreau (édit.), Langue et légitimation. La construction discursive du locuteur francophone, Québec, Presses de l’Université Laval, coll. «Les voies du français», 2016, 246 p.

Rennes

Roynette, Odile, Gilles Siouffi et Agnès Steuckardt (édit.), la Langue sous le feu. Mots, textes, discours de la Grande Guerre, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. «Histoire», 2017, 272 p.

Toulouse

Sorlin, Sandrine, Convictions philosophiques et plaisirs linguistiques. Entretiens avec Jean-Jacques Lecercle, Toulouse, Presses universitaires du Midi, 2016, 176 p.

Le char, en quelques-unes de ses incarnations québécoises

Charlton Heston, en char, dans Ben-Hur (1959)

Il y a le véhicule automobile : «Sous le char, je n’ai pu m’accrocher à rien, mais je suis allé m’étendre au milieu, épuisement entier du corps, ils ne pouvaient pas m’atteindre. J’ai fait le mort. J’ai fait le mort et puis ç’a cessé d’être un jeu, c’était trop long. Le père Mailloux m’a poussé du dessous du char à l’aide d’une pelle, la mère Mailloux m’a cueilli de l’autre côté. Elle a secoué la neige de mon habit, elle ne riait pas, le père Mailloux non plus ne riait pas, on a regagné le traîneau, j’ai dormi le reste du trajet» (Mailloux, p. 10).

Ptits, les chars sont des tramways. Gros, des trains, par opposition.

Ils peuvent servir d’unité de mesure (imprécise) : c’est pas les gros chars.

Bis : «Vite, qu’on appelle Amazon et qu’on commande un char et une barge d’amis à expédier illico au Québec !» (la Presse+, 22 mars 2017)

Ter : Il lui a envoyé un char de bêtises.

Qui a vu passer les gros chars en aurait vu d’autres.

Allégorique, il (dé)pare les défilés.

Fussent-ils olympiques, certains, enfin, sont odoriférants.

 

Référence

Mailloux, histoires de novembre et de juin racontées par Hervé Bouchard citoyen de Jonquière, Montréal, L’effet pourpre, 2002, 190 p.