La clinique des phrases (f)

La clinique des phrases, logo, 2020, Charles Malo Melançon

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Soit la phrase suivante :

Installée sous les poutres et les fenêtres, la salle à manger jouit de luminosité et de vastitude (la Presse+, 30 juillet 2016).

(Ah ! la jouissance de la vastitude ! Encore !)

Et si on essayait ceci ?

Installée sous les poutres et les fenêtres, la salle à manger est lumineuse et vaste.

À votre service.

Rire, puis plus

Samuel Cantin, Whitehorse, 2015, couverture

Henri Castagnette, le personnage principal de Whitehorse (2015), libraire à temps partiel, écrivain sans œuvre, velléitaire et fabulateur, vit avec une comédienne débutante, Laura. Quand elle obtient le premier rôle dans un film de Sylvain Pastrami, également intitulé Whitehorse, la jalousie d’Henri explose. Cela se terminera mal (pour l’instant : une deuxième partie est à paraître).

Avant cette fin violente, on aura eu l’occasion de rire dans une série de vignettes absurdes ou parodiques : métaphores routières (p. 30, p. 68), dialogue au Kafka (p. 34) ou au kale (p. 104), conversations embarrassées (p. 60-63), scène de couple avec poireau (p. 84-87), mondanités droguées (p. 133-134), propos sur l’art («Les biennales d’art, ça, c’est un bon concept ! Ça devrait s’appliquer à tout. Faites de l’art juste aux deux ans, gang […]», p. 170).

On aura aussi eu droit, en matière de sexualité et d’homosexualité, à nombre de représentations et de discours. Les mots ne sont pas moins crus que les images. Les langages du corps importent fort au narrateur.

La langue de ce roman graphique accueille généreusement la langue populaire, les mots en anglais et les jurons. En cette matière, il y en a pour tous les goûts, ce qui ne saurait déplaire à l’Oreille tendue : simonaque, fuck, crisse / crime, mon Dieu / My God, cheez whiz, câlisse / câline, maudine / maudit / mautadine, cibole, ostie / esti / sti, tabarnouche / tabarne / tabarnak (c’est le dernier mot du livre), etc.

Attendons la suite. On rira, ou pas ?

 

Référence

Cantin, Samuel, Whitehorse. Première partie, Montréal, Éditions Pow Pow, 2015, 211 p.

Les zeugmes du dimanche matin et d’Ian Manook

Ian Manook, Yeruldelgger, 2016, couverture

1.

«Ils descendirent de la voiture, lui surveillant les alentours et Colette ses escarpins rouges» (p. 515).

Ian Manook, Yeruldelgger. Roman, Paris, Albin Michel, coll. «Le livre de poche. Policier», 33600, 2016, 646 p. Avant-propos inédit de l’auteur. Édition originale : 2013.

2.

«Écoute-moi bien : je suis un vieux flic fatigué. Traquer des minables comme toi a fracassé ma vie. J’y ai perdu mes amours, beaucoup d’amis, pas mal de ma santé, et beaucoup de temps» (p. 217).

«Il parlait d’une voix calme, sans véritable colère, tout en conduisant avec prudence à travers la ville écartelée par les vents, les terrains vagues et la tristesse» (p. 318).

«J’ai une carte de flic, un autre flingue et aucun remords» (p. 359).

«Ça va être plus dur pour toi maintenant, à pied, dans la steppe, et dans ma ligne de mire» (p. 540)

Ian Manook, les Temps sauvages. Roman, Paris, Albin Michel, coll. «Le livre de poche. Policier», 34208, 2016, 573 p. Édition originale : 2015.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Le niveau baisse ! (2009)

(«Le niveau baisse !» est une rubrique dans laquelle l’Oreille tendue collectionne les citations sur le déclin [supposé] de la langue. Les suggestions sont bienvenues.)

 

«L’orthographe est en crise. Collégiens, étudiants, cadres : les nouvelles générations ne savent plus écrire trois phrases sans erreurs.»

Source : Fabien Roland-Lévy, le Point, 27 août 2009.

 

Pour en savoir plus sur cette question :

Melançon, Benoît, Le niveau baisse ! (et autres idées reçues sur la langue), Montréal, Del Busso éditeur, 2015, 118 p. Ill.

Benoît Melançon, Le niveau baisse !, 2015, couverture