Fil de presse 020

Logo, Charles Malo Melançon, mars 2021

De nouveaux livres sur la langue ? À votre service (géographique).

Au Québec

Belleau, André, Surprendre les voix. Essais, Montréal, Boréal, coll. «Boréal compact», 286, 2016, 237 p. Précédé d’une «Note de l’éditeur». Réédition d’un livre capital. Édition originale : 1986.

Cassivi, Marc, Mauvaise langue, Montréal, Somme toute, 2016, 101 p. L’Oreille tendue en parle ici.

Cloutier, Fabien, Trouve-toi une vie. Chroniques et sautes d’humeur, Montréal, Lux éditeur, 2016, 140 p. Dessins de Samuel Cantin. L’Oreille en parle là.

Cornellier, Louis, le Point sur la langue. Cinquante essais sur le français en situation, Montréal, VLB éditeur, 2016, 192 p.

LaRue, Monique, la Leçon de Jérusalem, Montréal, Boréal, 2015, 297 p.

Verboczy, Akos, Rhapsodie québécoise. Itinéraire d’un enfant de la loi 101, Montréal, Boréal, 2016, 240 p.

En France

Académie française, Dire, ne pas dire. Du bon usage de la langue française. Volume 2, Paris, Philippe Rey, 2015, 192 p.

Albalat, Antoine, Comment il ne faut pas écrire, Paris, Mille et une nuits, 2015, 128 p. Édition abrégée, établie et annotée par Yannis Constantinidès.

Audisio, Gabriel et Isabelle Rambaud, Lire le français d’hier. Manuel de paléographie moderne XVe-XVIIIe siècle, Paris, Armand Colin, coll. «U Lettres», 2016, 304 p. Cinquième édition.

Brun, Auguste, la Langue française en Provence, de Louis XIV au Felibrige, Genève, Slatkine reprints, 2016, 174 p. Réimpression de l’édition de Paris, 1927.

Cannone, Belinda et Christian Doumet (édit.), Dictionnaire des mots manquants, Vincennes, Éditions Thierry Marchaisse, 2016, 216 p.

Courouau, Jean-François (édit.), la Langue partagée. Écrits et paroles d’oc 1700-1789, Genève, Droz, coll. «Bibliothèque des Lumières», 2015, 553 p.

Critique, 827, avril 2016. Numéro «Langue française : le chagrin et la passion».

Galderisi, Claudio et Jean-Jacques Vincensini (édit.), De l’ancien français au français moderne. Théories, pratiques et impasses de la traduction intralinguale, Turnhout, Brepols, coll. «Bibliothèque de Transmédie», 2, 2015, 210 p.

Gourmont, Rémy de, Esthétique de la langue française. La déformation, la métaphore, le cliché, le vers libre, le vers populaire, Paris, Classiques Garnier, coll. «Bibliothèque de littérature du XXe siècle», 16, 2016, 254 p. Édition d’Emmanuelle Kaës.

Grazzini, Maria, Complètement idiome ! Dictionnaire des expressions imagées d’ici et d’ailleurs, Paris, L’Express, coll. «Bibliomnibus», 2016, 208 p.

Ibrahim, Annie, le Vocabulaire de Diderot, Paris, Ellipses marketing, coll. «Le vocabulaire», 2016, 72 p.

Kozul, Mladen, les Lumières imaginaires. Holbach et la traduction, Oxford, Voltaire Foundation, coll. «Oxford University Studies in the Enlightenment», 5, 2016, xii/282 p.

Rault, Julien, Poétique du point de suspension. Essai sur le signe du latent, Nantes, Éditions Cécile Defaut, 2015, 222 p.

Rey, Alain, Pourvu qu’on ait l’ivresse. De l’alcool à l’extase : un voyage à travers les arts et les lettres, Paris, Robert Laffont, 2015, 352 p. Calligraphies de Lassaâd Metoui.

Roos, Alexandre, Dictionnaire du cyclisme, Paris, Honoré Champion, coll. «Champion les dictionnaires», 2015, 312 p. Préface de Jean Pruvost.

Stoll, Jacques, Haut mot faux nids, Paris, Éditions Éditions, 2015, 68 p. Voir de ce côté.

Dans la francophonie

Allard, Cecilia et Sara De Balsi (édit.), le Choix d’écrire en français. Études sur la francophonie translingue, Amiens, Encrage, coll. «Agora», 2016, 122 p.

À Rome

Biondo, Flavio, Leonardo Bruni, Le Pogge et Lorenzo Valla, Débats humanistes sur la langue parlée dans l’Antiquité, Paris, Les Belles Lettres, coll. «Classiques de l’humanisme», 2015, 306 p. Textes édités, traduits, présentés, annotés et commentés par Anne Raffarin.

En Asie

Lefèvre, Corinne, Ines G. Zupanov et Jorge Flores (édit.), Cosmopolitismes en Asie du Sud. Sources, itinéraires, langues (XVIe-XVIIIe siècle), Paris, Éditions de l’EHESS, coll. «Purushartha», 33, 2015, 368 p.

Partout

Argotica, 1(4), 2015.

Blanchet, Philippe, Discriminations : combattre la glottophobie, Paris, Textuel, coll. «Petite encyclopédie critique», 2016, 192 p.

Casanova, Pascale, la Langue mondiale : traduction et domination, Paris, Seuil, 2015, 144 p.

Ferraro, Alessandra et Rainier Grutman (édit.), l’Autotraduction littéraire. Perspectives théoriques, Paris, Classiques Garnier, coll. «Rencontres», série «Théorie littéraire», 5, 2016, 260 p.

Masson, Céline (édit.), l’Accent, traces de l’exil, Paris, Hermann, 2016, 194 p.

Chez les anglochtones

Crystal, David, Making a Point : The Persnickety Story of English Punctuation, St. Martin’s Press, 2015, 400 p.

Green, Jonathan, Slang. A Very Short Introduction, Oxford, Oxford University Press, 2016, 144 p.

Philippe, Gilles, French Style. L’accent français de la prose anglaise, Bruxelles, Les Impressions nouvelles, coll. «Réflexions faites», 2016, 256 p.

Auprès des Slaves

Gauthier, Cécile, l’Imaginaire du mot «slave» dans les langues française et allemande, entre dictionnaires et roman, La Plaine Saint Denis, Éditions Pétra, coll. «Sociétés et cultures post soviétiques en mouvement», 2015, 522 p.

Explication de texte du mercredi

Soit le texte suivant, dans la Presse+ du jour :

La Presse+, 20 avril 2016

«Enwoye» est une des nombreuses graphies de «envoie» disponibles au Québec.

Nous avons déjà croisé ce «cierge» («ciarge»), à un bout ou deux.

La «toutoune» désigne une personne enrobée et s’inscrit dans la série des mots en -oune qu’apprécient les Québécois.

«Dewors» est, enfin, et évidemment, une transcription de certaine prononciation du mot «dehors».

Yapadkoi.

Le français d’Ottawa

Gilles Marcotte, Une mission difficile, 1997, couverture

En 1997, Gilles Marcotte publiait un roman extravagant, Une mission difficile, qu’on pourrait sans mal rapprocher de certains textes de Jean Echenoz.

L’Oreille tendue le relisait l’autre jour et elle y tombe sur cette description d’une des deux langues officielles du Canada, telle que pratiquée par un grand fonctionnaire devant des porteurs dayaks dans la forêt de Bornéo (c’est un peu difficile à expliquer) :

Étaient-ils sensibles à la musique très particulière de ce français d’Ottawa que parlait le directeur, mâtiné de beaucoup d’anglais, d’ukrainien, de polonais et d’un peu d’acadien, dialecte étrange auquel les linguistes commençaient à s’intéresser sérieusement ? […] Il avait prononcé les derniers mots avec l’accent de Paris. Cela aussi fait partie du français d’Ottawa (p. 80-81).

Heureux linguistes !

 

Référence

Marcotte, Gilles, Une mission difficile. Roman, Montréal, Boréal, 1997, 101 p.

Régionalismes 101

Fabien Cloutier, Trouve-toi une vie, 2016, couverture

Dans le cadre de l’émission Plus on est de fous, plus on lit !, à la radio de Radio-Canada, Fabien Cloutier a souvent présenté des chroniques sur les régionalismes québécois. Certaines viennent d’être rassemblées dans Trouve-toi une vie. Chroniques et sautes d’humeur, sans perdre leur caractère oral.

Qu’est-ce qu’un régionalisme ?

Précisons-le dès le départ

ma définition de «régionalisme» est assez large

si j’ai un mononc’ de la Beauce qui utilise

une expression colorée

et que j’aime ça et que je trouve ça beau

et que ça sert ce que je veux dire

même si je l’ai presque jamais entendue dans la bouche

d’une autre personne

je peux décider d’en faire un régionalisme (p. 15).

Cette définition initiale est précisée plus loin dans l’ouvrage : «c’est une expression qu’on peut utiliser dans un bar / de région / sans que personne cherche à nous casser ‘a yeule» (p. 115). Voilà pourquoi, au Québec, du moins à Almow (Alma), «Avoir le cul bordé de nouilles» ne peut pas être un régionalisme (p. 114-118).

Certains régionalismes ne sont traités que brièvement : «Y est revenu avec le trou d’cul en-dessous du bras» (p. 68); «J’me su’ levé avec la tête dans l’cul» (p. 68); «Ça faisait tellement mal / j’avais l’impression que le cœur me battait / dans l’trou d’cul» (p. 69); «Y est trop tard pour serrer les fesses quand / la crotte est passée» (p. 69); «Y fait noir comme dans l’cul d’un ours» (p. 70); «Ça m’fait pas un pli su’à poche» (p. 70); «Avoir un os dans le baloney» (p. 101); «J’me sens comme une truite su’à sphatte» (p. 101); «J’me sens comme un ours qui a reçu / une flèche dans’ panse» (p. 101). Trois sont rapportés à un ancien ministre du gouvernement fédéral, Steven Blaney : «C’est pas le crayon le plus aiguisé de la boîte»; «C’est pas lui qui a faite le trou dans’ pissette des brulots»; «C’est pas lui qui a mis le spring aux sauterelles» (p. 119).

D’autres ont droit à un chapitre complet : «Trouve-toi une vie»; «Y farme pas étanche»; «Ben accoté dans’ barrure»; «Yinke à wouèr on woé ben»; «Y a des claques su’a yeule qui s’pardent»; «Y sort pas d’colombes du cul d’une corneille»; «Y est su’a coche»; «Oussé qu’t’avais ‘a tête ?»; «Bizouner»; «Charche pas à dju pis à djâ»; «C’est pas vargeux».

Fabien Cloutchier, comme on dit dans sa «Beauce natale» (p. 113), utilise les régionalismes pour commenter l’actualité, la culture populaire et la politique. L’auteur a ses têtes de Turc : Régis Labeaume, le maire de Québec, devient «le che de Sillery» (p. 85); l’ancien ministre provincial Yves Bolduc est «un docteur Bleuet» (p. 87); le ministre Gaétan Barrette «brise» l’«image du Gaétan standard» (p. 106). Ce «recueil de grandes vérités» (p. 9) manie avec dextérité la dérision, l’ironie, l’absurde, l’humour. C’est tout à fait instructif.

P.-S. — Que l’on permette à l’Oreille tendue de proposer son régionalisme : «Y a un éditeur qui a dormi sur la switch.» Certains mots comportent inutilement la lettre e : «l’avion nolisée [sic] de Lise Thériault» (p. 35). Ailleurs, elle manque : «avec de la poutine servi [sic] sur le chest» (p. 21); «la belle table à café que j’nous ai bizouné [sic]» (p. 100); «tu peux aspirer à faire parti [sic] de l’élite» (p. 137). «Cours» (p. 43) et «tiers-mondistes» (p. 70) devraient prendre une s, mais pas «sous» (p. 43) ni «quelques temps» (p. 128). Les pots Mason, comme l’atteste l’illustration de la page 18, ne sont pas des pots Masson (p. 21). Page 74, il faut «Quoique» au lieu de «Quoi que» et «Parisien» au lieu de «parisien». «Nul part» (p. 75) ? Non. Si «y a du monde qui aiment», alors ce monde «recommandent», au pluriel (p. 78). Etc. Ça fait désordre, et beaucoup.

 

Référence

Cloutier, Fabien, Trouve-toi une vie. Chroniques et sautes d’humeur, Montréal, Lux éditeur, 2016, 140 p. Dessins de Samuel Cantin.

Du nouveau du côté de l’imbibition

Le fils aîné de l’Oreille tendue a l’hospitalité innée. La semaine dernière, il avait une vingtaine d’invités, tous mâles, à la maison. Ce soir, Nuit blanche de Montréal en lumière oblige, ils devraient être «seulement» une quinzaine, des deux sexes. Comment appeler cette rencontre ? Un predrink (à prononcer pridrink). L’hôte et ses hôtes viennent boire, raisonnablement, œuf corse, avant d’aller, peut-être, boire. C’est une forme potentielle de pré-imbibition.

 

[Complément du 2 décembre 2016]

Ce soir, ils ne sont guère qu’une dizaine, de tous les sexes, mais leur nombre est suffisant pour affiner la définition. Ils ont été invités pour l’apéro; ils iront donc manger. Ce n’est pas un predrink; ils n’iront pas (seulement) boire.

À votre service.

 

[Complément du 1er octobre 2019]

Dans la langue de Malcolm Gladwell, on parlerait de «pregame» : «It’s a jargon. It’s a pre-party that involves drinking» (cité dans Talking to Strangers, p. 195).

 

Référence

Gladwell, Malcolm, Talking to Strangers. What We Should Know about the People We Don’t Know, New York, Boston et Londres, Little, Brown and Company, 2019, xx/386 p. Ill.