Accouplements 175

Olympe de Gouges, pièce commémorative, 2017

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Beaumarchais, la Folle Journée ou le mariage de Figaro, dans Théâtre, Paris, Garnier, coll. «Classiques Garnier», 1980, xxxi/475 p., p. 323-323, acte V, sc. XII. Texte établi, introduction, chronologie, bibliographie, notices, notes et choix de variantes par Jean-Pierre de Beaumarchais. Édition originale : 1784.

Le comte, furieux.

Taisez-vous donc ! (À Figaro, d’un ton glacé.) Mon cavalier, répondez-vous à mes questions ?

Figaro, froidement.

Eh ! qui pourrait m’en exempter, Monseigneur ? Vous commandez à tout ici, hors à vous-même.

Olympe de Gouges, Mirabeau aux Champs-Élysées, dans Théâtre politique, Paris, côté-femmes éditions, coll. «Des femmes dans l’histoire», 1991, 244 p., p. 111, sc. IV. Préface de Gisela Thiele Knobloch. Édition originale : 1791.

Louis XIV

Cette égalité n’est pas mon élément : je sens que je devrais régner.

Henri IV

Sur tes passions, sans doute; mais ta raison est donc bien faible ? puisqu’elle n’a pu encore te faire jouir de la tranquillité dont nous jouissons tous.

Accouplements 174

Pierre Popovic et Érik Vigneault (édit.), les Dérèglements de l’art, 2000, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Un juge québécois vient d’interdire aux comédiens de fumer sur scène. Réaction de l’homme de théâtre Serge Denoncourt dans la Presse+ du 14 novembre : «On n’accepte plus la cigarette. Mais l’alcool, l’héroïne, le suicide, le meurtre, l’avortement sur scène ? Ces actions sont-elles plus acceptables ?»

Lisant dans cette phrase le mot «avortement», l’Oreille tendue a repensé à un article de son collègue, et néanmoins ami, Yvan Leclerc. Dans «En marge du naturalisme» (2000), il étudie «le “théâtre réaliste” de Frédéric de Chirac» (1869-1906), notamment la pièce l’Avortement (1891).

Deux extraits :

Selon les indications du manuscrit, Marceline, fille publique, grosse des œuvres de son souteneur, après des hésitations, finit par consentir à se faire avorter. Elle ôte «sa camisole et son jupon de dessous», se jette sur un lit, prête à subir les manœuvres de la mère Mathieu. Celle-ci s’approche du lit et, après avoir ceint un tablier blanc, opère la patiente, qui pousse des gémissements par intervalle. Un langage significatif accompagne les gestes de l’avorteuse : […] «Elle pose un bol plein d’alcool sur la table et s’essuie les mains rouges de sang après son tablier» (256).

«La sage-femme sortait en effet de dessous les rideaux du lit avec les mains rouges de sang, qu’elle essuyait sur son tablier.» C’est ici que bascule la représentation, entendue au double sens de performance d’un soir (ce fut un acte unique, sans répétition ni reprise) et d’essence théâtrale. À la vue de ce sang, les spectateurs ont violemment protesté. Alors que dans la scène de possession [le Gueux], ils criaient plutôt pour encourager les acteurs, dans la scène d’avortement, ils n’ont pas supporté la vue du sang qu’ils savaient pourtant n’être pas réel. Chirac s’est fait traiter d’assassin et on a dû baisser le rideau (p. 258-259).

Tout, sur scène, n’est pas représentable, hier comme aujourd’hui.

 

Référence

Leclerc, Yvan, «En marge du naturalisme : le “théâtre réaliste” de Frédéric de Chirac», dans Pierre Popovic et Érik Vigneault (édit.), les Dérèglements de l’art. Formes et procédures de l’illégitimité culturelle en France (1715-1914), Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2000, p. 247-263.

Accouplements 173

Abbé Barruel, Journal ecclésiastique, 1792, extrait

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Abbé Barruel, Journal ecclésiastique, 1792.

«Traité historique et critique de l’élection des évêques, par le P*** de l’Oratoire; 2 vol. Chez Pichard, Dufresne, Lorme et Lallemant.

Je n’ai pas lu celui-ci, mais j’en ai entendu faire bien des éloges.»

Marcotte, Gilles, «Salles obscures. Action ! City of Bad Men, au Capitol», le Devoir, 19 décembre 1953, p. 7. Compte rendu de City of Bad Men de Harmon Jones, de Dream Wife de Sidney Sheldon, de Terror on a Train de Ted Tetzlaff et de Prisoners of the Casbah.

«Rivev aquero (Loews) : — Pas vu.»

P.-S.—Le titre du film que n’a pas vu Gilles Marcotte est vraisemblablement Ride, Vaquero !, de John Farrow.

P.-P.-S.—L’Oreille tendue a étudié la critique cinématographique de Gilles Marcotte ici.

Accouplements 172

Alain Farah, Mille secrets mille dangers, 2021, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Flaubert, Gustave, Madame Bovary, Paris, Garnier-Flammarion, coll. «GF», 86, 1966, 441 p. Chronologie et préface par Jacques Suffel. Édition originale : 1857.

«Je veux qu’on l’enterre dans sa robe de noces, avec des souliers blancs, une couronne. On lui étalera ses cheveux sur les épaules; trois cercueils, un de chêne, un d’acajou, un de plomb. Qu’on ne me dise rien, j’aurai de la force. On lui mettra par-dessus toute une grande pièce de velours vert. Je le veux. Faites-le» (p. 346).

Farah, Alain, Mille secrets mille dangers. Roman, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 161, 2021, 497 p.

«Trois cent mille personnes défileront du lundi au mardi matin, jusqu’à ce que l’on soit dans l’obligation d’interrompre l’hommage, pour la mise en bière. La dépouille [du frère André] est placée dans un triple cercueil de bois, de cuivre et de ciment» (p. 359).

P.-S.—Ce n’est pas la première fois qu’Alain Farah emprunte un chemin flaubertien; voir ici.

 

[Complément du 26 janvier 2022]

Ceci, encore, dans Pourquoi Bologne. Roman (Montréal, Le Quartanier, «série QR», 71, 2013, 206 p.), toujours d’Alain Farah : «Comme Emma Bovary, c’est devant la télé que j’ai vécu mes plus belles expériences» (p. 139-140); «Eh bien, vous, monsieur Farah, on peut dire que vous avez la langue bien pendue ! Sous midazolam, d’habitude, les gens se taisent ou alors nous confient des secrets. Vous, c’était un véritable cours magistral, Madame Bovay par-ci, les avant-gardes par-là, on prenait presque des notes» (p. 155).