Accouplements 165

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Des goûts et des couleurs…

Tremblay-Gaudette, Gabriel, «“Écrire ce qui vient naturellement” : la langue dans l’histoire de la bande dessinée québécoise», dans Aline Francœur (édit.), Adaptation de l’expression française dans les cultures francophones, Québec, Presses de l’Université Laval, coll. «Culture française de l’Amérique», 2016, p. 111-135.

«il tire à boulets rouges sur le journalisme jaune» (p. 117).

Guillaume Ancel, Un Casque bleu chez les Khmers rouges, 2021, couverture

La puck du superhéros

Vignette de The Amazing Spider-Man. Skating on Thin Ice !, 1990

L’Oreille tendue s’intéresse aux représentations du hockey dans la bande dessinée (voir la rubrique BDHQ). Voilà pourquoi un historien de ce sport a attiré son attention sur deux des cinq aventures de la série The Amazing Spider-Man (1990-1993).

Skating on Thin Ice ! (STI) et Double Trouble ! (DT) ont paru en février 1990.

Ces fascicules ont une portée éducative : l’alcool et la drogue, chez les jeunes, ce n’est pas bien. Les textes le disent : «Thanks for talking to me about sustance abuse» (STI, p. [27]). Les publicités itou : «Hey kids ! Let everyone know you make your own choices, and if anyone tries to change your mind… don’t even give them the time of day !» (STI, p. [5]); «And remember these words from CP Rail… Drugs are the wrong track !!» (STI, p. [18]); «And remember these words from CP Express & Transport… Drugs are the wrong road to take !!» (DT, p. [18])

Spider-Man doit combattre des vilains, Electro (STI) et The Chameleon (DT). Si vous croyez savoir qui triomphera, vous avez raison.

Quel est le contenu hockeyistique de ces publications ?

Dans Skating on Thin Ice !, un jeune joueur de hockey cède (temporairement) à la tentation de la bière et de la cigarette (du cannabis ?!?!?), et on lui propose même des substances plus dangereuses, importées de New York à l’intérieur de (fausses) rondelles. Alan résistera et, grâce à la force de son tir, il aidera à vaincre Electro («He shoots ! He scores !», p. [26]), avant d’aider son équipe sur la glace («He scores !», p. [29]). L’action se déroule à Winnipeg, mais Alan porte un maillot des Oilers d’Edmonton. Pourtant, en 1990, il y avait une équipe de la Ligue nationale de hockey en ville, les Jets. En troisième de couverture, enfin, Wayne Gretzky, qui est alors récemment passé des Oilers aux Kings de Los Angeles, boit un Coca-Cola.

Dans le deuxième épisode, qui se déroule à Frederiction durant une expo-science, la présence du hockey est encore plus ténue. Outre la publicité mettant en vedette Gretzky, on n’y trouve qu’une allusion à ce sport. Spider-Man remercie un personnage d’une formule souvent entendue sur la glace : «Got him, Herb, thanks for the assist» (p. [26]).

Ce «Herb» est un personnage réel, Herb Carnegie (1919-2012). Il apparaît à la fois dans Skating on Thin Ice ! et Double Trouble ! Cet ancien joueur de hockey et de golf aide les jeunes par l’intermédiaire de son programme Future Aces. De quoi s’agit ? Version courte : «What does ACES stand for ? Attitude, Cooperation, Example and Sportsmanship» (STI, p. [11]). Version longue : «Attitude Ability Action Advancement Achievement / Cooperation Courage Confidence / Education Example / Service Sportsmanship» (DT, p. [31]).

Pourquoi avoir choisi ce «great Canadian» comme personnage ? Excellent hockeyeur, Carnegie, qui était noir, n’aurait pas eu accès à la Ligue nationale de hockey à cause de la couleur de sa peau. Cela ne l’a pas découragé, bien au contraire : «Far from being deterred, Herb took that block as a challenge that went far beyond hockey» (p. [31]).

La morale de The Amazing Spider-Man passe aussi par là.

P.-S.—Les «kookie Canadian cavortings» de Peter Parker / Spider-Man comprendront trois autres livraisons : Hit and Run ! (1991) se déroule à Toronto et il y est question de son équipe de baseball, les Blue Jays; dans Chaos in Calgary (1992), on assiste au Stampede de la ville; Deadball (1993) porte sur Montréal et ses Expos — c’est du baseball. Il existe des versions françaises de ces bandes dessinées.

Bref lexique du confinement

Libération, 30 mars 2020, une

(L’Oreille tendue ne prétend à aucune exhaustivité, mais elle compte, à l’occasion, mettre la liste ci-dessous à jour. Merci à Emmanuel Bouchard, à François Dumont, à Nicolas Guay, à Jean-Marie Klinkenberg, à Élise Melançon et à Martine Sonnet pour leurs suggestions. Les ajouts et modifications du 16 avril sont précédés de l’astérisque. Double astérisque pour le 22 avril. Triple astérisque pour le 30 avril 2020. Quadruple astérisque pour le 8 mai 2020. Quintuple astérisque pour le 13 mai 2020. Sextuple astérisque pour le 20 mai 2020. Septuple astérisque pour le 11 juin 2020.)

 

(Par ailleurs, la Presse+ publie une entrevue de l’Oreille sur «Les mots de la COVID-19 : exprimer la pandémie».)

 

Comme tout le monde, l’Oreille tendue vous propose son lexique.

* Aînés (nos ~) — Tiens ! Ils sont plus mal traités qu’on ne le pensait ! Synonyme : Ceux qui ont bâti le Québec.

Angélus de la petite peste — En Europe, on se met à sa fenêtre le soir à 20 h pour applaudir les soignants. Pour le médiéviste Paul Bertrand, c’est «l’Angélus de la petite peste». Voir Anges gardiens et Ça va bien aller.

Anges gardiens — Voir Angélus de la petite peste, Ça va bien aller et Soignants.

******* Angle mort — Là où se terrent les victimes d’oubli. «Dans la foulée de l’achat local dont Le Panier bleu s’est fait le porte-étendard, un angle mort émerge : l’achat local culturel» (le Devoir, 16 mai 2020); «Se prémunir contre les angles morts du futur»» (la Presse+, 23 mai 2020); «Trop longtemps, les CHSLD sont restés dans notre angle mort» (la Presse+, 3 juin 2020); «Les artistes sont dans l’angle mort de la relance» (le Devoir, 3 juin 2020); «Dans l’angle mort du réseau de la santé, les Sœurs de Sainte-Anne crient à l’aide» (la Presse+, 2 juin 2020); «Les angles morts de la pandémie» (le Devoir, 11 juin 2020).

*** Anglicismes hexagonauxClapping (voir Clap clap clap), Cluster, Super spreaderrepérés ici. Voir Néologismes et Tracing.

* Apérozoom — Boire tout seul ensemble, quelle que soit l’heure. On pourrait y consommer un quarantini. Synonymes : Cyberapéro, Apéro virtuel, Beuverie.

Après (d’~) — Demain devra bien être fait de quelque chose, mais de quoi ? Le monde d’après. Le Québec d’après.

****** Après-pic — Attente de la deuxième vague. Voir Pic et Plateau. (source)

***** Assouplissement — Pré-déconfinement à la suisse. (source)

* AsymptomatiqueVade retro Lucifer !

Avant (d’~) — Concept créé après le concept d’après. C’est donc un rétronyme. Le monde d’avant. Le Québec d’avant.

******* Avec — Plus rare que l’avant et que l’après. «Dans “l’avec COVID-19”, mieux vaut investir que soutenir, selon Henri-Paul Rousseau» (le Devoir, 6 juin 2020).

***** Avion — «Construire un avion en plein vol» : voilà ce que seraient en train de faire les autorités sanitaires. Préférer la marche ou le vélo. Voir Bateau.

**** Balcon — Même si on y fait de la musique et si on y danse, s’écrit en en seul mot.

* Balconfinement — Privilège de nanti.

***** Bateau (tous dans le même ~) — Qui prend l’eau. «On est tous ensemble dans le même bateau» (François Legault, 11 mai 2020). Voir Avion.

** Bras — 1. Il en manque toujours. Voir Anges gardiens et Soignants. «On a besoin de bras» (François Legault). 2. Ils continuent à nous en tomber.

Brousse (de ~) — Lieu domestique ou public d’où parlent des personnalités médiatiques, appuyées par une infrastructure institutionelle. Faire de la radio de brousse. Faire de la télévision de brousse.

***** Bulles socialesDéconfinement à la belge : «Chaque foyer doit limiter ses interactions, en dehors du travail, à seulement quatre personnes.» (source) Voir Cluster et Silo.

Ça va bien aller — Prière québécoise quotidienne. Voir Anges gardiens et Angélus de la petite peste.

* Chauve-souris (soupe à la ~) — Contrairement à la vengeance, plat qui se mange chaud. Voir Pangolin.

** Clap, clap, clap — Son de l’Angélus de la petite peste. Synonyme parisien : «Tiens, il est 20 heures.» Synonyme newyorkais : «Must be 7 pm.» Voir Anglicismes hexagonaux.

****** Cluster — 1. Synonymes nombreux en français : foyer épidémique, groupe de personnes touchées, groupe à risque, foyer de contamination, foyer de contagion, foyer d’infection, etc. (source) 2. Familles, je vous hais (à la Gide) : «En Dordogne, c’est un cluster familial “avéré” qui a été identifié, après l’organisation d’obsèques fin avril dans le petit village d’Église-Neuve-de-Vergt, près de Périgueux». (source)

*** Comoronvirus — Virus à venir ? (source)

* Complot (théorie du ~) — Voir Journal de confinement.

Confinement — Là pour rester, la chose comme le mot.

Consignes — Toutes les respecter scrupuleusement, évidemment. (Jusqu’à quand ?)

Contact —Ne s’emploie plus que dans l’expression «Sans contact». Cueillette sans contact. Livraison sans contact.

* Contagion — Film de Steven Soderbergh (2011).

* Contaminé — Plus faible qu’infecté.

Continuité pédagogique — L’expression est surtout hexagonale, mais la chose qu’elle recouvre est universelle. (L’Oreille tendue en a parlé .)

** Corbeaunavirus — Un délateur, c’est un corbeau. En temps de coronavirus, cette espèce particulière vient d’apparaître, annonce le Canard enchaîné. Voir Délation.

** Cordon sanitaire — Risque de se rompre à tout moment.

******* Corona- — Préfixe qui cartonne, comme Covid. En plus de Coronachinois, Coronalecture, Coronards et Coronavirus, Michel Francard a repéré des coronarisettes et autres coronabistouilles : coronabigbang, coronacours, coronanniversaires, coronapéros, coronabdos, coronarisque, coronadistance, coranattidudes, coronasceptique, coronavirussé, coronavirage, coronapiste, coronanisme et coronaboomers.

****** Coronachinois — Insulte raciste québécoise.

*** Coronalecture — Lire seul, mais ensemble — et en ligne.

* Coronards — Voir Covidiots.

*** Coronavirer — Congédier un dirigeant politique. Voir Macronavirus.

* Coronavirus — Personnage de la bande dessinée Astérix et la Transitalique.

*** Coude — 1. Y ranger ses expectorations. 2. Le lever (voir Apérozoom).

Courbe — À aplatir, voire aplatie. Mais pour combien de temps ?

***** Couvre-visage — Cache-sexe montréalais du masque.

Covid — Féminin ou masculin ? Ne consultez pas un médecin, mais France Culture.

******* Covid- — Préfixe qui cartonne, comme Corona. En plus de Covidanxieux, Covidiots et Covidivorce, Michel Francard a vu covidés, covid lover et covid boom. Ajoutons encore la covidéo. (source)

Covidanxieux — Il y a de quoi.

Covidiots — Nombreux.

Covidivorce — Accélérateur non matrimonial.

Décamérer — Écrire sous l’influence du Décaméron; «sortir de sa chambre en restant confiné».

Déconfinement — Où ? Quand ? Comment ?

Décroissance — La chose ne date pas d’aujourd’hui. Sera-t-elle appliquée demain ? Il est de bon ton de le dire.

Délation — Tentation à laquelle tous ne résistent pas. Voir Corbeaunavirus.

Démondialisation — Exporter / importer, ou pas. Synonyme : nationalisme. Voir Local.

* Dépistage — 1. Porteur de mauvaises nouvelles. 2. Porteur de bonnes nouvelles. 3. L’espérer le plus étendu possible. Voir Test.

Distance — 1. Y enseigner (voir Continuité pédagogique). 2. La respecter (voir Mètre).

Distanciation physique — Voir Distanciation sanitaire.

Distanciation sanitaire — Voir Distanciation sociale.

Distanciation sociale — Voir Distanciation spatiale.

Distanciation spatiale — Voir Distanciation physique.

******* DistancielTélétravail qui roule les mécaniques, avec ou sans en. (source)

**** DocilesVocabulaire gouvernemental québécois. Mot employé une première fois le 29 avril 2020, puis banni immédiatement, puis réhabilité le lendemain. À suivre.

** Écouvillon — Coton-tige géant qui vous tire les virus du nez. Voir Pénurie.

*** Encabaner (s’~) — Québécisme ancien, au sens de s’enfermer chez soi, revenu à la mode du jour, confinement oblige. Voir Maison.

** Épicentre — Étymologie récente : viendrait de Épidémie et de Centre. Comme Dieu : partout et nulle part.

**** Étiquette respiratoire — Port du coude et du masque en bonne compagnie.

****** Exemplarité — François Legault doit toujours tousser dans son coude. Les joueurs de foot allemand ne doivent jamais se sauter dans les bras les uns des autres après un beau but.

** Experts — Aussi nombreux que ceux qui rédigent leur Journal de confinement et que les défenseurs du Complot (théorie du ~). Plus nombreux que les épidémiologistes. Voir Raoult (docteur) et Ultracrépidarianisme.

* Farine — Voir Pénurie.

* Fosses communesPlus qu’on ne le pense.

* Frigorifique (camion ~, entrepôt ~) — 1. En attendant mieux. 2. Glaçant.

* Gel — Depuis quelques semaines, Jérôme Garcin ouvre son émission de radio avec la formule «Le masque, le gel et la plume». Ce gel est le gel hydroalcoolique indispensable à un lavage de mains en profondeur. Au Québec, on préfère Purell.

****** Génération COVID-19 — Être désolé d’en faire partie. (source)

Gestes barrières — Voir Continuité pédagogique.

*** Gueule — Siège de la parole, mais pas de la prise de décision.

* GrandSelon l’Agence France-Presse, l’époque rêve de grandeur, majuscules à l’appui : Grand Confinement, Grande Paralysie, Grande Suspension, Grande Suppression, Grande Interruption, Grand Effondrement.

Guerre — Plus facile à dire qu’à mener.

Héros — «C’est pourquoi le narrateur ne se fera pas le chantre trop éloquent de la volonté et d’un héroïsme auquel il n’attache qu’une importance raisonnable» (Albert Camus, la Peste, p. 135).

***** Hibernation humaine — Après le confinement, au lieu du confinement. (source)

**** Horizon — 1. Là où meurent les courbes. 2. Souvent repoussé.

* Immunité collective — 1. Y croire : Suède. 2. Ne plus y croire : Grande-Bretagne. 3. La souhaiter : partout.

Impréparation — Toujours la déplorer.

Imprévoyance — Voir Impréparation.

* Infecté — Plus fort que contaminé.

**** Infodémie — C’est de la faute des chauve-souris, des Chinois, des experts, des joggeurs, de l’OMS (qui utilise le mot), des pangolins, du docteur Raoult, etc. — autrement dit, des autres. Voir Complot.

****** Inquiétude — Palpable dans les médias. (source)

** Joggeur, joggeuse — 1. Confiné(e) dehors. 2. Source d’inquiétude des confinés dedans. 3. En France, ne court qu’à heures fixes.

Journal de confinement — Virus à propagation rapide.

***** Kilomètres (100 ~)Distance physique difficile à mesurer, du moins en France. (source)

* Levure — Voir Pénurie.

***** Ligne (première ~) — Là où on expose les héros.

Local (achat ~) — Manifestation précoce de la démondialisation (voir ce mot) ?

*** Macronavirus — Souche virale repérée à Toulouse. Voir Coronavirer.

Maison — Lieu auquel retourner, parfois en chantant. Voir Encabaner (s’~).

Masque — N’a jamais eu autant de spécialistes depuis le début du XVIIIe siècle.

****** Médaille — Dans le monde de la santé français, moins coûteuse qu’un salaire.

Mélancovid — Rare, mais joli.

Merci de votre compréhension — Remerciement pour une chose faite et demande d’une chose à faire. Dans les deux cas, il s’agit de la même chose. (Voir ici.)

Mètre — 1. Unité de mesure imprécise. Voir Quarantaine. 2. S’explique mieux en images.

***** Montréalophobie — Effet secondaire du coronavirus. (source)

***** Motif — Valve hexagonale de déconfinement géographique (de 1 à 100 km).

Mou (linge ~) — Habit de télétravail (voir ce mot), par exemple le coton ouaté. On voit aussi en mou.

N95 — Ne désigne plus une route.

*** Néologismes — Il y en a une épidémie.

Quelques-uns ont été retenus ici : Apérozoom, Balconfinement, Comoronvirus, Corbeaunavirus, Coronalecture, Coronard, Coronavirer, Covidanxieux, Covidiot, Covidivorce, Décamérer, Déconfinement, Macronavirus, Mélancovid, Quaranthèse, Quarantini, Reconfinement.

Le quotidien le Monde en a proposé toute une collection : Apérues, Cacovirus, Casseroliser, Clap clap’o clock, Conarvirus, Confifi, Confinage, Confination, Confinature, Confinemanche, Confinette, Confinis, Corona boomers, Coronabdos, Coronacircus, Coronapéro, Coronaphonie, Coronials, Covidéprimer, Céconfifi, Émarmailler, Graduvid, Grovid, Homezage, Hypoconfiniaques, Immobésité, Interdi, Lundimanche, Paranovirus, Poubelliser, Punta Canap, Quaranthaine, Skypéro, Solidaritude, Srasaurus-rex, Télédéconnecter, Télépause, Télésaluer, Vodkafone, Vuvuzéliser, Whatsapéro, Whiskype, Zoombar, Zoomer.

Certains, sur les réseaux sociaux, ont fait entendre leur mécontentement devant cette liste; ils n’avaient pas, eux, entendu ces néologismes. L’Oreille, pour sa part, avoue un faible pour S’enconfiner.

******* Normal (nouveau ~) — Pas mieux que l’ancien.

* OMS — 1. Organisation mondiale de la santé. 2. Antéchrist trumpien.

**** Oubli — Symptôme collectif de la covid 19. «D’autres oubliés de la COVID-19.» «Les vrais oubliés de la crise.» «Les agriculteurs, grands oubliés de notre économie.» «Les religieuses oubliées.» «En France, Macron offre de premières réponses aux “oubliés” du secteur culturel.» (source)

* Pandémie — En matière de titraille, synonyme de tsunami.

* Pangolin — 1. Animal de (mauvaise) compagnie. 2. Totem scout. Voir Chauve-souris.

******* Pause (sur ~) — Le Québec l’a été à partir de la mi-mars. Y retournera-t-il ? Voir Vague (deuxième ~).

* Pénurie — Non, pas vraiment.

Peste, la — Succès posthume d’Albert Camus.

* Pic — L’atteindre, si possible une seule fois. Voir Plateau.

**** PistageTracing québécois.

** Plateau — Un plateau peut-il être un pic ? (Merci à Alain Rey pour la distinction.)

***** Postconfinement — Sans confinement ni déconfinement.

* PQ — La chose, pas le parti politique. Voir Pénurie.

* Prenez soin de vous — Voir Continuité pédagogique et Gestes barrières.

******* Présentiel — Non-télétravail, avec ou sans en. (source)

**** Printemps — 1. 2012 : érable. 2. 2020 : misérable. (source)

*** Proche — Au singulier («Laissez-la m’embrasser, c’est une proche»), comme au pluriel («Il est mort sans revoir ses proches»), catégorie sociale précieuse, mais indéfinie.

* PSV — Voir Prenez soin de vous.

* Purell — Voir Gel.

Quarantaine — Unité de mesure temporelle imprécise (14 jours, quarante jours, huit semaines, etc.). Voir Mètre.

*** Quaranthèse — Maladie universitaire.

* Quarantini — Voir Apérozoom.

Radiothéâtre — Forme encore vivante, malgré les apparences.

**** Raoult (docteur ~) — Pas de raout pour celui-là. Voir Experts et Ultracrépidarianisme.

*** Rassemblement — Composé de proches, ou non, en nombre très variable.

* Récession — 1. Déplorer l’économique. 2. Redouter la sociale (Isabelle Hachey).

** Reconfinement — C’est reparti pour un tour, au moins. (Merci à Édouard Trouillez.)

******* Réserviste — 1. Personnel médical disponible au cas où. 2. En guerre, mais pas au front. (source)

Résilient — Le mot l’est.

Respirateur — Voir Impréparation et Imprévoyance.

******* Respirabilité — Qualité recherchée d’un masque. «Épousant parfaitement la forme du visage, le masque filtrant DIV20 offre une étanchéité inégalée et une respirabilité élevée» (publicité, la Presse+, 5 juin 2020).

*** Révolution tranquilleEn redemander.

******* Selfiecovid — Égoportrait avec masque. (source)

Service essentiels — Le sont surtout en période de crise.

***** Seuil — Après, tu meurs; pas avant. Mais à quel âge ?

******* Silo — En Belgique, cellule de (dé)confinement limitée à cinquante personnes; strict entre-soi préventif. Si possible, ne pas en sortir : «Le système en silo est donc privilégié» (la Libre Belgique, 27 mars 2020). Existe en variante familiale : ses «parois sont les murs de la maison» (la Libre Belgique, 16 mars 2020). À vue de nez (masqué), les silos sont proches des bulles. (source) Voir Cluster.

Soignants — Mieux les payer (temporairement). Voir l’interprétation de ce mot que propose la sémiologue Mariette Darrigrand. Voir Anges gardiens.

***** Télédeuil — Puisqu’il existe un travail du deuil, il va de soi qu’il doit exister un télétravail du deuil. «Le télédeuil va certainement être difficile pour notre famille […]» (la Presse+, 8 mai 2020).

******* Télésocial — On pouvait, dans le monde d’avant, faire «du social», autrement dit socialiser. Aujourd’hui, on doit faire du télésocial. (Dans les milieux proches de l’Oreille tendue, on aurait tendance à prononcer social et télésocial à l’anglaise. Ne lui demandez pas pourquoi.)

Télétravail — 1. Faire comme si de rien n’était. 2. Travail devant la télé, en mou.

* Test — 1. Porteur de mauvaises nouvelles. 2. Porteur de bonnes nouvelles. 3. L’espérer le plus étendu possible. Voir Dépistage.

**** TraçageTracing hexagonal.

*** TracingTracking à la belge. Voir Pistage et Traçage.

*** Ultracrépidarianisme — «L’ultracrepidarianisme ou ultracrépidarianisme selon les sources, est le comportement qui consiste à donner son avis sur des sujets sur lesquels on n’a pas de compétence crédible ou démontrée» (Wikipédia). Voir Experts et Raoult (docteur).

** Vaccin — 1. Bien : un jour, on en aura un. 2. Pas bien : «Jésus est mon vaccin» (avec illustration).

**** Vague (deuxième ~) — Suit-elle la première ou en est-elle concomitante ?

****** Visage — 1. Antonyme du coude. 2. Incompatible avec la main.

**** Zoombie — A abusé du télétravail. (source)

 

[Complément du 18 avril 2020]

Sur Twitter, Clément Laberge a fait circuler cette image. L’Oreille rougit de tous ses lobes, et dit merci.

Le lexique du confinement, illustré par Clément Laberge

 

Référence

Camus, Albert, la Peste, Paris, Gallimard, coll. «Folio», 42, 1972, 308 p. Édition originale : 1947.

Scotty B.

Arsène et Girerd, On a volé la coupe Stanley, 1975, p. 13, détail

Ken Dryden, l’ancien gardien de but des Canadiens de Montréal — c’est du hockey — publie ces jours-ci une biographie de son ancien entraîneur, Scotty Bowman, Scotty. A Hockey Life Like no Other / Scotty. Une vie de hockey d’exception.

Quelle est la place de Scotty Bowman dans la culture québécoise ? Éléments de réponse ci-dessous.

Jean Lapointe et le groupe Zéphyr Artillerie lui ont consacré des chansons. Le premier, dans «Scotty Blues» (Démaquillé, 1976), le dépeint souffrant dans la défaite : «Scotty fut déçu le Canadien a perdu / Y a pas été fin en changeant d’gardien / Y laisse les meilleurs su’l’banc / Y change ses lignes trop souvent / Pis après la game y pleure / Scotty pleure-nous ton Blues». Le second, dans «Scotty Bowman» (Chicago, 2008), s’adresse aussi à lui, mais pour lui demander des conseils existentiels : «J’ai besoin d’toé pour coacher ma vie»; «Comment c’qu’on fait pour pogner des femmes ?» Quand Loco Locass chante «Le but» (Le Québec est mort, vive le Québec, 2012), on entend «Oublie pas les anglos yo / Toe, Dickie, Doug et Scotty», pour désigner Toe Blake, Dickie Moore, Dick Harvey et notre Scotty.

Les bédéistes l’apprécient et on peut suivre sa carrière avec eux. Le Scotty Bowman qui dirige, avec Sam Pollock, le Canadien junior de Hull-Ottawa et remporte la Coupe Memorial de 1958 est évoqué par Marc Beaudet et Luc Boily (Gangs de rue. Les Rouges contre les Bleus, 2011, p. 25). En 1975, il entraîne les Canadiens et, dans un discours à Pierre Bouchard, Bob Gainey et Henri Richard, il mêle le français et l’anglais, et son gardien, Ken Dryden, lui répond en latin (On a volé la coupe Stanley, p. 13). Chez les frères Mickey et Keir Cutler (The Glory Boys, 1979), il est représenté deux fois, d’abord comme un entraîneur sans pitié avec ses joueurs, ensuite assis sur un buffle, au moment où il quitte Montréal pour les Sabres de Buffalo : «Scotty’s last stand

Les romanciers, à l’exception de Danielle Boulianne (2017, p. 112), paraissent s’être assez peu intéressés à Bowman. «Le meneur» par excellence d’une équipe de hockey, selon le poète Bernard Pozier, aurait ses «astuces» (1991, p. 34). Pour le dramaturge Rick Salutin, dans les Canadiens, voilà un entraîneur confronté à une rare difficulté : son club ne perd presque jamais (1977, p. 159). Comment, dès lors, parler aux joueurs ? Comment les convaincre de faire des efforts quand ils affrontent une équipe beaucoup plus faible que la leur ?

J.R. Plante, deux ans plus tôt, publie une analyse idéologique des relations de travail dans le monde du hockey. Laissé de côté par Scotty Bowman lors du premier match de la saison 1974, Henri Richard, le frère de Maurice, annonce sa retraite avant de revenir sur sa décision après une intervention de Sam Pollock, le directeur général des Canadiens. Dans l’article, qui repose sur une analyse du discours de presse, la répartition des rôles est lourdement orientée politiquement : Henri est un persécuté, comme son frère («ce vainqueur est en même temps un vaincu», p. 50), et la victime francophone innocente; Bowman est «le petit contremaître anglophone médiocre, sournois et peureux» (p. 46); Pollock est «le grand boss paternel et paternaliste» (p. 46).

On verra sous peu où Ken Dryden se situe sur tous ces plans.

 

[Complément du 5 novembre 2019]

L’Oreille tendue a rendu compte du plus récent livre de Ken Dryden ici.

 

Références

Arsène et Girerd, les Enquêtes de Berri et Demontigny. On a volé la coupe Stanley, Montréal, Éditions Mirabel, 1975, 48 p. Premier et unique épisode des «Enquêtes de Berri et Demontigny». Bande dessinée.

Beaudet, Marc et Luc Boily, Gangs de rue. Les Rouges contre les Bleus, Brossard, Un monde différent, 2011, 49 p. Bande dessinée.

Boulianne, Danielle, Laflamme et le flambeau. Tome 9 de Bienvenue à Rocketville, illustrations de Jocelyne Bouchard, L’île Bizard, Éditions du Phœnix, coll. «Œil-de-chat», 78, 2017, 211 p.

Cutler, Mickey et Keir, The Glory Boys, Montréal, Toundra Books, 1979, s.p. Parution initiale dans le journal The Gazette.

Dryden, Ken, Scotty. A Hockey Life Like no Other, Toronto, McClelland & Stewart, 2019, viii/383 p. Ill. Traduction : Scotty. Une vie de hockey d’exception, Montréal, Éditions de l’Homme, 2019, 439 p. Préface de Robert Charlebois.

Plante, J.R., «Crime et châtiment au Forum (Un mythe à l’œuvre et à l’épreuve)», Stratégie, 10, hiver 1975, p. 41-65.

Pozier, Bernard, Les poètes chanteront ce but, Trois-Rivières, Écrits des Forges, coll. «Radar», 60, 1991. 84 p. Ill. Réédition : Trois-Rivières, Écrits des Forges, 2004, 102 p.

Salutin, Rick, avec la collaboration de Ken Dryden, les Canadiens, Vancouver, Talonbooks, 1977, 186 p. Ill.