«Rompu à ces réveils nocturnes, le trentenaire [c’est un médecin-légiste de garde] n’a aucune peine à retrouver sa clairvoyance et la clé de son véhicule.»
La Libre, jeudi 5 janvier 2017, p. 6, col. 3.
(Une définition du zeugme ? Par là.)
« Nous n’avons pas besoin de parler français, nous avons besoin du français pour parler » (André Belleau).
«Rompu à ces réveils nocturnes, le trentenaire [c’est un médecin-légiste de garde] n’a aucune peine à retrouver sa clairvoyance et la clé de son véhicule.»
La Libre, jeudi 5 janvier 2017, p. 6, col. 3.
(Une définition du zeugme ? Par là.)
Étudiante, l’Oreille tendue — c’était il y a plus de six lustres — a séjourné quelques mois en Wallonie. Elle avait réussi, non sans fierté, à convertir ses amis sérésiens à l’expression «Crampe en masse, t’es beau».
Cela lui est revenu à l’esprit à la lecture de la livraison de Noël des Notules dominicales de culture domestique. (Vous ne connaissez pas les Notules ? Voyez ici.) Sous la rubrique «Obituaire», le Notulographe rend hommage à Jean-Guy Morin, dit «Muff». On peut y lire ceci : «Quand il ne chantait pas, Muff parlait une langue pas toujours facile à saisir pour le non-initié. Allez savoir dans quel sens tourner le volant quand il commandait une manœuvre automobile à grands coups de “Crampe en masse, t’es beau !”»
Cramper en masse relève en effet du vocabulaire de la conduite, plus précisément — pas uniquement, mais souvent — de celui du stationnement. Qui crampe en masse doit tourner le volant au maximum, histoire de se garer ou de s’extirper de sa position. T’es beau indique que la manœuvre devrait réussir : le chemin est libre.
Le Notulographe a cependant raison de noter que la commande, si elle n’est pas accompagnée de précisions de direction (à gauche / à droite, vers l’est / vers l’ouest, dans le sens des aiguilles d’une montre / dans le sens inverse, vers le haut / vers le bas), peut porter à confusion.
P.-S. — Comme l’Oreille le cosignalait en 2004 dans le Dictionnaire québécois instantané (p. 55), l’expression existe au figuré : «M’as cramper en masse / M’as m’tailler une place» («Le bon gars», chanson de Richard Desjardins).
Référence
Melançon, Benoît, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, Montréal, Fides, 2004 (deuxième édition, revue, corrigée et full upgradée), 234 p. Illustrations de Philippe Beha. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2019, 234 p.
(«Le niveau baisse !» est une rubrique dans laquelle l’Oreille tendue collectionne les citations sur le déclin [supposé] de la langue. Les suggestions sont bienvenues.)
«La dictée est de moins en moins courante dans les écoles. Si elle est encore pratiquée dans l’enseignement primaire, elle l’est très peu dans le secondaire. Certains enseignants interprètent même le programme en disant qu’elle est interdite. Le niveau des élèves ayant incontestablement baissé, ne faudrait-il pas encourager à nouveau la dictée ? […] Ces dernières années ont vu une nette dégradation de la maîtrise du français écrit, notamment en raison des nouveaux modes de communication. Il faut rappeler aux enseignants que les savoirs de base sont essentiels et qu’ils doivent être renforcés.»
Source : Question de Mme Mathilde Vandorpe à Mme Marie-Martine Schyns, ministre de l’Éducation, intitulée «Dictée du Balfroid et maîtrise de l’orthographe», Commission de l’éducation du parlement de la communauté française de Belgique, 3 mai 2016.
Pour en savoir plus sur cette question :
Melançon, Benoît, Le niveau baisse ! (et autres idées reçues sur la langue), Montréal, Del Busso éditeur, 2015, 118 p. Ill.
Le suffixe -cratie (du grac kratos, «force», «puissance», selon le Petit Robert) est commun dans la création de nouveaux mots.
S’il existe des pédagocrates (la Presse+, 13 novembre 2016), c’est que la pédagocratie existe.
Au Québec, mais pas seulement, la festivocratie sévit depuis de nombreuses années (le Devoir, 16 février 2009); il y a nombre de festivocrates autour de nous (le Devoir, 5 avril 2013, p. A8). Philippe Muray est passé par là.
Antoine Robitaille, l’éditorialiste du quotidien le Devoir, emploie festivocratie et festivocrate, mais aussi médicalocratie. Le mot désigne la forte présence, au Québec, de médecins dans les hautes sphères du pouvoir (le Devoir, 12 juillet 2014).
On ne la confondra pas avec la sociocratie : ce «mode de gouvernance inventé par l’ingénieur Gerard Endenburg aux Pays-Bas […] existe depuis les années 70. Tout comme l’holacratie, la sociocratie fonctionne selon des cercles de concertation et rejette la pyramide hiérarchique pour les prises de décision» (la Presse, 20 juin 2015, cahier Affaires, p. 9).
Joan Fontcuberta parle d’iconocratie pour notre époque, où l’image «prévaut par-dessus [le sujet photographié]» (le Devoir, 5-6 septembre 2015, p. E1).
Comment dire un «système où les discours et les décisions sont dictés par l’émotion» ? Jean-Jacques Jespers, professeur de journalisme à l’Université libre de Bruxelles, a forgé émocratie (Alteréchos, 15 avril 2016).
Il y a même des gens pour annoncer les néologismes du futur : «Un fait divers isolé = une généralité = une polémique = une loi. On l’appellera dans les manuels l’anecdocratie…» (@Chouyo, 29 avril 2015).
De nouveaux livres sur la langue ? À votre service (éditorial).
Chez Basic Books
Bergen, Benjamin K., What the F. What Swearing Reveals About Our Language, Our Brains, and Ourselves, New York, Basic Books, 2016, 271 p.
Chez Del Busso éditeur
Melançon, Benoît, l’Oreille tendue, Montréal, Del Busso éditeur, 2016, 411 p.
Chez Fayard
Association ALLE, le Bon Air latin, Paris, Fayard, 2016, 360 p.
Chez Flammarion
Rousseau, Martine, Olivier Houdart et Richard Herlin, Retour sur l’accord du participe passé et autres bizarreries de la langue française, Paris, Flammarion, 2016, 317 p.
Siouffi, Gilles et Alain Rey, De la nécessité du grec et du latin. Logique et génie, Paris, Flammarion, 2016, 190 p.
Chez Edinburgh University Press
Offord, Derek, Lara Ryazanova-Clarke, Vladislav Rjéoutski et Gesine Argent (édit.), French and Russian in Imperial Russia, Édimbourg, Edinburgh University Press, 2015, 2 vol.
Chez L’Harmattan
Quand le français gouvernait la Russie. L’éducation de la noblesse russe 1750-1880, Paris, L’Harmattan, coll. «Éducations et sociétés», 2016, 402 p. Textes réunis et présentés par Vladislav Rjéoutski.
Chez Oxford University Press
Adams, Michael, In Praise of Profanity, Oxford et New York, Oxford University Press, 2016, 253 p.
Chez Peter Lang
Remysen, Wim et Nadine Vincent (édit.), la Langue française au Québec et ailleurs. Patrimoine linguistique, socioculture et modèles de référence, Francfort, Berne, Bruxelles, New York, Oxford, Varsovie et Vienne, Peter Lang, coll. «Sprache – Identität – Kultur», 2016, 380 p.
Chez Philippe Rey
Académie française, Dire, ne pas dire. Du bon usage de la langue française. Volume 3, Paris, Philippe Rey, 2016, 190 p.
Chez La Presse
Dupuis, Jean-Pierre, Où sont les joueurs francophones du Tricolore ?, Montréal, La Presse, 2016, 168 p.
Chez Racine
Francard, Michel, Tours et détours. Les plus belles expressions du français de Belgique, Bruxelles, Racine, 2016, 176 p. Ill. Préface de Patrick Adam. Postface de Zapf Dingbats [Jean-Paul Vasset]. Illustrations de CÄät.
Chez Le Robert
Rey, Alain (édit.), Dictionnaire historique de la langue française, Paris, Dictionnaires le Robert, 2016, 2 vol. Nouvelle édition augmentée. Édition originale : 1992.