À cheval avec Mathieu Bock-Côté et Mononc’ Serge

«Le franglais, c’est full overrated», Nicolas Guay, Twitter, 14 juillet 2014

(«Le niveau baisse !» est une rubrique dans laquelle l’Oreille tendue collectionne les citations sur le déclin [supposé] de la langue. Les suggestions sont bienvenues.)

 

Si vous êtes ici, c’est que vous le savez : l’Oreille tendue s’intéresse aux questions de langue au Québec. Il lui arrive, à l’occasion, de donner des entrevues, de faire des conférences, d’intervenir dans des cours, d’écrire des articles — bref, de pontifier sur l’état de la langue au Québec.

Parmi les questions qu’on lui pose alors, deux reviennent sans cesse, qui l’embêtent dans les grandes largeurs.

La première est celle du joual. (Note pour les non-initiés : le mot joual est une déformation de la prononciation du mot cheval et il désignerait un état particulier de la langue française parlée au Québec, état dégradé et, de ce fait, soumis à l’opprobre.) Quand on l’interroge là-dessus, l’Oreille répond toujours la même chose : le joual — si tant est qu’une telle chose existe — n’a d’intérêt qu’archéologique; cela renvoie aux querelles linguistiques des années 1960, 1970, peut-être 1980. Il ne reste aujourd’hui, à se poser des questions sur le joual, pensait l’Oreille, que les journalistes français, Diane Lamonde (1998, 2004) et Mononc’ Serge. Pour les premiers, on la croira sur parole. Pour le dernier, auteur-compositeur-interprète de son état, un exemple, tiré d’une entrevue accordée au quotidien la Presse, devrait suffire :

Je suis ambivalent. J’aime le joual. On peut crier à l’impureté, mais c’est quand même une langue ancrée dans une réalité, qui a sa beauté, et qui ne se substitue pas au français («C’est beau, le joual», 10 décembre 2011, cahier Arts, p. 8).

Le joual serait donc une langue différente du français. C’est Octave Crémazie, ce poète du XIXe siècle qui déplorait l’absence d’une langue nationale, qui serait content d’apprendre que les Québécois — il aurait dit : les Canadiens — ont, enfin, une langue à eux.

La seconde question à embêter l’Oreille est celle du niveau du français au Québec. On ne sait pas très bien ce qu’il est, mais une chose serait sûre : il baisserait. Cette affirmation pose toutes sortes de problèmes.

Un problème historique. Jean-Marie Klinkenberg l’a spitamment démontré dans «Le français : une langue en crise ?» (1992) : on prétend que le niveau du français baisse, en France et en Belgique, depuis… la fin du XVIIe siècle. Si c’était vrai, personne ne devrait plus être capable de comprendre un texte de cette époque, et notamment le texte dans lequel il est dit que le niveau baisse. Or ce n’est évidemment pas le cas.

Un problème de démonstration linguistique. S’il était vrai que la maîtrise de la langue va en s’amenuisant de génération en génération, ce devrait pouvoir être démontré, exemples et statistiques à l’appui. Pourtant, personne ne peut faire cette démonstration, cela pour une raison fort simple : pour comparer un état historique de langue avec un autre, il faut des données comparables, et ces données, pour l’essentiel, n’existent guère, du moins pour le Québec. Quand elles existent — ce qui est rare, et uniquement pour la période la plus récente —, elles tendent même à démontrer que le niveau… monte. Ce sont, par exemple, les conclusions auxquelles arrivent Pascale Lefrançois et Marie-Éva de Villers dans une étude récente (2013) sur la connaissance du lexique standard d’élèves québécois de troisième secondaire. Pareilles enquêtes ont moins de poids médiatique que les coups de gueule de tel ou tel omnicommentateur parfaitement informé par son nombril. Une chose est sûre : si vous affirmez que le niveau baisse, c’est à vous de le prouver de façon sérieuse.

Un problème de responsabilité personnelle, enfin. Imaginons, pour un instant, que le niveau baisse. De qui serait-ce la faute ? Les médias ne cessent de claironner leur réponse : c’est la faute à l’école. Malheureusement, les choses ne sont pas aussi simples. On n’apprend pas sa langue qu’à l’école; on l’apprend aussi à la maison. Sur ce plan, l’Oreille avoue son étonnement quand elle entend des parents québécois se plaindre de la faiblesse linguistique supposée de leur progéniture. Ce faisant, ces parents ne sont-ils pas en train de reconnaître leur propre responsabilité ? De deux choses l’une. Ou les parents sont capables d’assurer la formation linguistique de leurs enfants et ils ne le font pas — si le niveau baisse, c’est de leur faute. Ou les parents ne sont pas capables d’assurer cette formation, ce qui serait la preuve que le niveau ne baisse pas — il aurait toujours été faible et ces parents n’auraient pas pris les moyens de corriger la situation pour eux-mêmes.

Revenons, pour conclure, au discours de la déchéance linguistique québécoise. Il peut prendre la forme d’une déploration sur la montée du franglais (quoi que soit le franglais), voire de son triomphe. Mathieu Bock-Côté, dans cette prose hypervitaminée qui n’est qu’à lui, en donnait un exemple sur son blogue le 13 juillet 2014, sous le titre «Le franglais : le raffinement des colonisés» :

Ce joual guindé [le franglais, ce «dialecte»] trouve évidemment ses défenseurs. On nous chante la liberté créatrice des artistes, en oubliant que la création artistique n’est pas strictement individuelle. Elle s’alimente d’une culture, et elle l’alimente en retour. Mais c’est le point d’aboutissement d’un individualisme extrême qui frise l’autisme culturel : on invente finalement sa propre langue comme si chacun pouvait accoucher d’un idiome à usage personnel.

Le verdict de Bock-Côté, qui parle d’«aliénation», de «déculturation», de «créolisation» et d’«anglicisation», est sans appel : «En dernière instance, le franglais ne serait-il pas la vraie langue des Québécois ?»

Sur le même joual, Mathieu Bock-Côté et Mononc’ Serge. Voilà qui est piquant.

P.-S. — Peut-on amalgamer, comme le fait le blogueur, une pratique artistique (celle des Dead Obies) et celle de la population francomontréalaise dans son ensemble ? Non.

P.-P.-S. — En 1988, Stéphane Sarkany disait du joual que c’était un framéricain. Plus ça change…

P.-P.-P.-S. — Au moment d’aller sous presse, en quelque sorte, l’Oreille découvre un nouveau texte de Mathieu Bock-Côté sur le même sujet et dans la même perspective : «triste sabir», «joual de garage», «franglais branché», «dégradation», «langue massacrée». Plus ça change…

 

Références

Klinkenberg, Jean-Marie, «Le français : une langue en crise», dans le Français en débat, Bruxelles, Communauté française, Service de la langue française, coll. «Français et société», 4, 1992, p. 24-45. Repris dans Études françaises, 29, 1, printemps 1993, p. 171-190 et dans Jean-Marie Klinkenberg, la Langue et le citoyen. Pour une autre politique de la langue française, Paris, Presses universitaires de France, coll. «La politique éclatée», 2001, 196 p., p. 98-122.

Lamonde, Diane, le Maquignon et son joual. L’aménagement du français québécois, Montréal, Liber, 1998, 216 p. Préface de Jean Larose.

Lamonde, Diane, Anatomie d’un joual de parade. Le bon français d’ici par l’exemple, Montréal, Éditions Varia, coll. «Essais et polémiques», 2004, 293 p.

Lefrançois, Pascale et Marie-Éva de Villers, «Un portrait qualitatif des connaissances lexicales des jeunes Québécois francophones», dans C. Garcia-Debanc, C. Masseron et C. Ronveaux (édit.), Enseigner le lexique, Namur, Presses universitaires de Namur, 2013, p. 231-250.

Sarkany, Stéphane, «Le modèle d’inscription du “framéricain” chez Michel Tremblay», Présence francophone, 32, 1988, p. 21-31.

Lectures de Ballon

Pierre Popovic, le Dzi, 2009, couverture

Comme tout un chacun, l’Oreille tendue a ses préférences en matière de lectures sportives : le hockey, mais, d’abord et avant tout, le baseball. Cela étant, œcuménique comme il lui arrive d’être, elle lit itou des livres sur le football (le soccer). Lesquels ? Ceux-ci, entre autres, pour le plaisir.

Ancion, Nicolas, «L’album de foot», dans Les ours n’ont pas de problème de parking, Saint-Cyr-sur-Loire, publie.net, coll. «Fiction 17», 2011. Édition numérique. Édition originale : 2001. https://www.publie.net/livre/les-ours-nont-pas-de-probleme-de-parking/

Une citation, au hasard : «Le football, c’est pas un sport pour les difformes.»

Barthes, Roland, le Sport et les hommes. Texte du film le Sport et les hommes d’Hubert Aquin, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2004, 79 p. Ill. Préface de Gilles Dupuis.

Le hockey, la corrida, la course automobile, le cyclisme — et le football, dans le cadre d’une réflexion sur sport et nation.

Ce court texte, écrit pour un film d’Hubert Aquin, a été traduit en anglais, en espagnol, en allemand, en japonais, etc.

Bureau, Jérôme, avec la collaboration de Jules Chancel (édit.), l’Amour foot. Une passion planétaire, Paris, Autrement, coll. «Mutations-Poche», 17, 1993, 283 p.

L’Oreille n’a pas le livre sous les yeux et elle l’a lu il y a plus de quinze ans, mais ses notes sont formelles : parmi les textes à retenir, il y a celui de François Bon sur le Heysel (p. 14-19). Elle n’aurait pas cru possible l’association du nom de son ami et de ce sport.

Courson, Jacques de et André Joyal, avec la collaboration de Luciana Vargas Netto Oliveiras, À la découverte du Brésil, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 197 p. Ill.

L’éditeur de l’Oreille tendue vient de publier un livre sur le Brésil, pays hôte de la présente Coupe du monde. Il y est évidemment question de football («La culture et le sport», p. 155-167).

Didion, Philippe, Notules dominicales de culture domestique, Saint-Cyr-sur-Loire, publie.net, coll. «Temps réel», 2008, 355 p. Édition numérique.

Le Notulographe est un partisan assidu des matchs du S.A. Épinal. Si si.

Enquist, Per Olov, Une autre vie. Récit, Arles, Actes Sud, coll. «Lettres scandinaves», 2010, 475 p. Traduction de Lena Grumbach et Catherine Marcus. Édition originale : 2008.

L’auteur, qui parle de lui-même à la troisième personne et au présent, se souvient de son enfance : «Le village est divisé en deux moitiés, une impie et une religieuse» (p. 39). C’est dans l’«impie» que jouent les Comètes de Hjoggböle. Le petit garçon n’a pas le droit d’assister à leurs matchs, mais il les entend de son jardin : «Derrière la haie d’églantiers, il intercepte l’appel du péché sportif» (p. 40).

Foer, Franklin, How Soccer Explains the World. An Unlikely Theory of Globalization, New York, Harper Perennial, 2007, 261 p. Édition originale : 2004.

Il n’est pas toujours facile d’aimer le sport, ainsi que le démontre ce récit de voyage sur la planète foot.

Gautier, Laurent, Notices, manuels techniques et modes d’emploi. Roman, Paris, Gallimard, 1998, 119 p.

Le personnage principal de ce roman, Paul Gautier, est gardien de but; on le voit à l’œuvre, façon de parler, dans un match que son équipe doit nécessairement perdre (p. 28-32). L’Oreille a de l’affection pour ce texte.

Klinkenberg, Jean-Marie, Petites mythologies belges, Bruxelles, Les impressions nouvelles, coll. «Réflexions faites», 2009, 175 p. Édition revue et considérablement augmentée.

Pour saisir la Belgique — Jean-Marie Klinkenberg est un excellent guide —, il faut comprendre «Une opposition structurante : Anderlecht vs Standard» (p. 130-133). Philosophiquement, cela donne : «Le Standard c’est Aristote. Anderlecht c’est Platon» (p. 133).

Kundera, Milan, La vie est ailleurs, Paris, Gallimard, coll. «Folio», 834, 1987, 473 p. Traduit du tchèque par François Kérel. Postface de François Ricard. Nouvelle édition revue par l’auteur.

Sur le modèle d’un match de foot, discussion entre onze poètes et le public venu les entendre à l’invitation de la police (p. 344-346).

Mauvignier, Laurent, Dans la foule, Paris, Éditions de Minuit, 2006, 372 p.

Le roman pour dire le mal : Heysel, 1985.

Müller, Denis, le Football, ses dieux et ses démons. Menaces et atouts d’un jeu déréglé, Genève, Labor et Fides, coll. «Le champ éthique», 49, 2008, 254 p.

Il y a des théologiens qui s’intéressent au hockey et d’autres au football.

Parks, Tim, Adultère et autres diversions, Paris, Christian Bourgois, 2000, 225 p. Traduction de Jean Guiloineau. Édition originale : 1998.

La preuve que les intellectuels peuvent très bien aller au stade (en Italie) sans se couvrir de ridicule.

Plimpton, George, «The Smaller the Ball, the Better the Book : A Game Theory of Literature», The New York Times. http://www.nytimes.com/books/97/06/08/nnp/26049.html

La théorie générale est connue : «There are superb books about golf, very good books about baseball, not many good books about football or soccer, very few good books about basketball and no good books at all about beach balls.» Plus petite est la balle (golf < baseball < football ou soccer < basketball < ballon de plage), meilleur est (serait) le livre.

Pour le soccer, en particulier, le jugement est sans appel (mais contestable) : «Soccer has no important literature at all that I can find, though it is such a universal activity that surely I am at fault here — I must have missed a South American novel, or a Yugoslav’s essay on the bicycle kick, or an appreciation by a Frenchman on the existential qualities of the game. Albert Camus once played goal for the Oran Football Club of Algiers, but he did not seem moved to write about it. The best I have come across is Pele’s “My Life and The Great Game,” a fine, literate account of the Brazilian’s astonishing career. The evident lack may have something to do with the practitioners of the game, who tend to be more agile with their feet than with articulation. A well-known definition is that soccer is a gentleman’s game played by thugs, whereas rugby is a thug’s game played by gentlemen. This might hold, but in fact I don’t know that rugby has produced much of a literature either

Popovic, Pierre, le Dzi. Nouvelles, Montréal, Fides, 2009, 163 p.

La nouvelle éponyme (p. 59-123) s’ouvre et se clôt sur les mêmes mots : «Le vrai buteur est patient et taiseux.» Elle fait la démonstration que le sport est affaire de vitesse.

Le même Pierre Popovic est l’auteur d’une excellente lecture du livre de Tim Parks évoqué ci-dessus : «Avatars footballistiques de l’idée de stade : Éric Cantona, Tim Parks», dans Yan Hamel, Geneviève Lafrance et Benoît Melançon (édit.), Des mots et des muscles ! Représentations des pratiques sportives, Québec, Nota bene, 2005, p. 117-138.

Suaudeau, Jean-Pierre, la Partie, publie.net, 2014. Édition numérique. http://www.publie.net/livre/partie-jean-pierre-suaudeau/

Milieu défensif, le numéro 6 fait vivre à ses lecteurs toutes les phases du match — «Approche», «Échauffement», «Première mi-temps», «La mi-temps», «Deuxième mi-temps», «Fin de partie». Aucun lyrisme : «je n’aime pas les joueurs à mon image, ceux qui ne cherchent pas à briller, dont l’activité consiste à détruire le jeu, à récupérer Ballon, à le passer à un équipier plus talentueux». Le sport est une guerre, et contre soi-même.

Toussaint, Jean-Philippe, la Mélancolie de Zidane, Paris, Éditions de Minuit, 2006, 17 p.

«La mélancolie de Zidane est ma mélancolie, je la sais, je l’ai nourrie et je l’éprouve» (p. 12). Toutes les occasions de lire Jean-Philippe Toussaint, même une agression footballistique, sont bonnes. (Dans l’Urgence et la patience [Paris, Éditions de Minuit, 2012, 106 p.], Toussaint a même un conseil pour les joueurs de foot.)

[Depuis la mise en ligne de ce texte, Toussaint a publié Football, Paris, Éditions de Minuit, 2015, 122 p. L’Oreille tendue en parle ici.]

Les deux Bill

«Finalement pourtant, sans que je les cherche,
les “quelques arpents de neige” s’imposèrent à moi,
lors d’un voyage à la Côte Nord.»
(Henri Vernes, le Petit Journal, 4 avril 1965)

Tous le savent : pas de Bob Morane sans Bill Ballantine.

Tous ne le savent peut-être pas : l’auteur de la série des «Bob Morane», Henri Vernes, a campé trois de ses romans au Québec, le Diable du Labrador (1960), Terreur à la Manicouagan (1965) et Des loups sur la piste (1980). En 2012, le romancier Bryan Perro a regroupé ces trois œuvres sous le titre Bob Morane au Québec.

En couverture du recueil, dessinée par Carl Loiselle, deux personnages filent en motoneige, devant un barrage hydroélectrique.

 

Bob Morane au Québec, 2012, couverture

Celui qui est derrière, fusil à la main, doit être Bob Morane; il était également armé sur la couverture de l’édition originale (Marabout, 1965). Celui qui conduit est nécessairement Bill Ballantine. Comment en être sûr ? Il est roux et, derrière le pare-brise endommagé, on voit clairement une bouteille sur laquelle on lit «77». Or le seul whisky que boit ce rouquin de Bill Ballantine — tous devraient le savoir — est du Zat 77.

Québec oblige, Ballantine porte un maillot des Canadiens, l’équipe de hockey de Montréal. Son numéro ? Le 4, comme celui que porte Jean «Le Gros Bill» Béliveau. Cela ne devrait pas nous étonner : «le commandant Morane et Bill Ballantine étaient des fervents du sport national canadien» (éd. de 2012, p. 164).

Bill et / en Bill.

P.-S. — Il y a plusieurs éditions de Terreur à la Manicouagan (1968, 1995, 2000…). Dans celle de 2000, on lit ceci : «On se souvenait, à Montréal, de cette mémorable soirée où, dans ce même Forum, également lors d’une rencontre pour le championnat professionnel de la ligue Nationale d’Amérique, les deux équipes en présence en étaient venues aux mains en une gigantesque bagarre à laquelle, aussitôt, s’étaient mêlés les joueurs de réserve, et qui avait ensuite gagné les gradins. Il avait fallu faire appel à la police et aux bombes lacrymogènes pour évacuer le stade, mais l’achaffourée [sic] s’était continuée au-dehors, se changeant en une émeute au cours de laquelle le quartier tout entier avait été mis à sac» (p. 112-113). L’édition de 2012 corrige le texte, en remplaçant «pour le championnat professionnel de la ligue Nationale d’Amérique» par «pour la finale d’Association», et «achaffourée» par «échauffourée» (éd. de 2012, p. 165). Il y avait pourtant plus important à corriger. Il y eut bel et bien une émeute, au Forum de Montréal, le 17 mars 1955 (c’est d’elle que Vernes parle, sans la nommer). En revanche, il n’y eut pas de «gigantesque bagarre», ni sur la glace ni dans les gradins, et la police n’a pas utilisé de «bombes lacrymogènes».

 

[Complément du 4 novembre 2014]

L’Oreille tendue vient de faire paraître une courte analyse de l’article du Petit Journal du 4 avril 1965 signé par Henri Vernes. Voir dans les références ci-dessous.

 

[Complément du 5 décembre 2014]

Dans la Presse du jour, le journaliste Daniel Lemay rapporte le contenu d’un entretien qu’il a eu avec Vernes au moment de la mort de Jean Béliveau :

Joint hier à Bruxelles, le célèbre auteur nous a raconté sa rencontre avec le grand hockeyeur.
«Au début des années 60, je suis allé au Québec pour Bob Morane, et mon guide était le père Ambroise Lafortune. Nous étions allés partout : dans le Grand Nord, chez les Indiens et au Forum de Montréal pour un match des Canadiens contre les Maple Leafs de Toronto. Là, on m’avait présenté à Jean Béliveau, qui m’avait offert sa crosse dédicacée.
«Comme je ne pouvais pas l’emporter dans l’avion, je l’avais offerte au fils de M. Kazan, le directeur de Marabout au Canada. J’ignore ce qu’il est advenu de cette crosse.»
Où qu’elle soit, elle vaut beaucoup d’argent… Comme le roman de Bob Morane qu’Henri Vernes a dédicacé à Jean Béliveau il y a 50 ans.

 

[Complément du 22 octobre 2018]

Philippe Girard publie en 2009 le roman graphique Tuer Vélasquez. On y voit le personnage de Philippe Girard traverser une adolescence difficile et être témoin des agissements d’un prêtre pédophile. Comment se donne-t-il «du courage» (p. 23) pour le dénoncer ? En tirant des leçons de la série des aventures de Jack Bowmore et de Glen Glenlivet publiée chez Marabout sous la signature d’Harry Barnes; les allusions à Bob Morane, à Bill Ballantine et à Henri Vernes sont transparentes. Il y a même un roman de la série qui s’intitule Panic à la Manic (p. 24).Philippe Girard, Tuer Vélazquez, 2009, p. 24, détail

 

[Complément du 25 janvier 2023]

 

Références

Girard, Philippe, Tuer Vélasquez, Montréal, Glénat Québec, 2009, 191 p.

Lemay, Daniel, «Jean Béliveau, acteur, auteur et lecteur», la Presse, 5 décembre 2014, p. A31.

Melançon, Benoît, contribution au dossier «Enquête sur la réception de Candide (XII). Coordonnée par Stéphanie Géhanne Gavoty et André Magnan», Cahiers Voltaire, 13, 2014, p. 242-243.

Vernes, Henri, «Hommage de Henri Vernes au Québec nouveau. L’auteur de Bob Morane à la Manicouagan», le Petit Journal, 4 avril 1965, p. 62.

Vernes, Henri, Bob Morane au Québec. Le diable du Labrador. Terreur à la Manicouagan. Des loups sur la piste, Shawinigan, Perro éditeur, 2012, 445 p. Préface de Normand de Bellefeuille.

Vernes, Henri, Terreur à la Manicouagan, dans Bob Morane. L’intégrale 12, Bruxelles, Ananké, coll. «Volumes», 2000, p. 107-211. Ill.

Quelques néologismes pour un mardi matin

Le premier vient de Finlande (si si). Catherine Pogonat déclare que «les commerces illicites poussaient comme des petits pains chauds». Pour @jeanphipayette, c’est un pogonatisme.

Le deuxième arrive d’Épinal, gracieuseté du Notulographe, Philippe Didion : «Bertrand Sombrelieu (1915-1984) s’est […] spécialisé dans les “homonymographies” [les biographies d’homonymes]. Il est ainsi l’auteur d’une Vie de Théophile Gautier, cordonnier à Lattes, d’une Vie de Lénine consacrée à Clément Lénine employé des chemins de fer belges, d’une Vie de Cambronne, représentant de commerce dans le Doubs et de quelques autres du même tonneau» (Notules dominicales de culture domestique, livraison du 13 octobre 2013).

Le troisième a été prononcé par Richard Massicotte sur les ondes de la radio de Radio-Canada, dans le cadre de l’émission les Années lumière, le 6 octobre 2013. L’hoolinaute (hooligan + internaute) est un troll.

Le quatrième est un sous-produit de la restauration hexagonale. «@ALLORESTO offre bon d’achat ALLORESTO 10€ à la première personne nous envoyant #Vine d’une pifle (gifle avec une pizza).» François Bon avait raison d’ajouter à ce tweet : «pôvr types».

Les derniers, enfin, ont atterri rue Saint-Jacques à Montréal. Dans la Presse du 17 mai 2013, Alain Dubuc déplore «l’amour immodéré des moratoires qui s’exprime avec vigueur au Québec» (p. A21). Les tenants des moratoires sont des momos (comme il y a des bobos). Le verbe tiré de ce nom serait morater, et l’adjectif moratorien.

Unité monétaire corporelle

Soit ce passage, d’une critique gastronomique du Devoir :

«Si vous vous laissez entraîner et cédez aux multiples tentations mises en avant par la maison […], vous y laisserez un avant-bras.

Si votre épouse tombe sous le charme ravageur de M. Lighter et succombe à son élégance féline lorsqu’il traverse la salle pour s’enquérir de votre bien-être, ce sera le bras au complet» (13 septembre 2013, p. B7).

Soit celui-ci, d’une chronique automobile de la Presse :

«La Volks qui brûle 1l / 100km coûte un bras» (9 septembre 2013, cahier Auto, p. 4).

Soit, enfin, celui-ci, d’un roman :

«Ça coûte un bras, ta bébelle» (Attaquant de puissance, p. 11).

Un bras, donc : ce qui est très cher.

P.-S. — Il n’est pas interdit d’associer cette expression et les bandits manchots.

 

[Complément du 5 octobre 2016]

L’abonnement à (au ?) Gnou, une revue québéco-belge aujourd’hui disparue, pouvait coûter cher.

Gnou, bulletin d’abonnement

 

Référence

Hotte, Sylvain, Attaquant de puissance, Montréal, Les Intouchables, coll. «Aréna», 2, 2010, 219 p.