Vous en connaissez, vous ?

Logo original de la série télévisée Gossip GirlL’Oreille tendue donne actuellement un cours sur le blogue. Dans ce cadre, elle est à la recherche d’œuvres de fiction qui représentent cette pratique d’écriture.

Des exemples ?

Le blogue du docteur John Watson dans la série télévisée Sherlock.

L’épisode de The West Wing où Josh Lyman démontre qu’il ne comprend rien à cette forme d’expression.

Le film Julie & Julia de Nora Ephron (2009).

Les romans de la série Gossip Girl et les émissions de télévision qu’on en a tiré.

Le Compteur intelligent. Carnets libres, volume II de Daniel Sylvestre (Montréal, La Mèche, coll. «Les doigts ont soif», 2013, 92 p. Ill.).

Vous avez d’autres suggestions ? Les commentaires sont ouverts. Merci à l’avance.

P.-S.—Des livres tirés de blogues ? Non merci : pour l’instant, l’Oreille a ce qu’il faut sur ce plan.

Illustration : logo original de la série télévisée Gossip Girl. L’élite de New York déposé sur Wikimedia Commons

Le zeugme du dimanche matin et de Michel Tremblay

Michel Tremblay, les Vues animées, éd. de 2016, couverture

«Pendant une grande partie de mon adolescence le cinéma Princess, aujourd’hui le Parisien, mettait à l’affiche chaque semaine deux films d’horreur ou de science-fiction à petit budget que je dégustais avec un plaisir sans bornes, un sac de chips Maple Leaf et un gros Coke.»

Michel Tremblay, les Vues animées. Récits, Montréal, Leméac, coll. «Nomades», 2016, 229 p., p. 153. Édition originale : 1990.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Néologisme carné du jour

«À bas les “partys de saucisses”», la Presse+, 26 avril 2018, illustration

Qu’est-ce qu’un «party de saucisses» ? Une assemblée composée majoritairement ou uniquement d’hommes. Est-ce à dire que ces êtres seraient dotés de saucisses (métaphoriques) ?

Citation tirée de la Presse+ du 26 avril : «À l’interne [à l’émission de télévision Deux hommes en or], quand nous regardons le tableau des invité (e)s des émissions à venir, nous avons une expression pour décrire une émission où les femmes seront — ou risquent d’être — sous-représentées : “party de saucisses”.»

P.-S.—Il existerait, dit-on, un film intitulé Party de saucisses.

 

[Complément du 25 mai 2022]

Il y a le pluriel. Et il y a le singulier :

«En humour québécois, ça parlait beaucoup de son nombril, de sa saucisse. Il n’y avait rien qui parlait du nous, tout parlait du je», se rappelle Christian Vanasse, le seul à avoir été de tous les alignements des Zapartistes, au sujet du paysage comique obnubilé par les relations hommes-femmes dans lequel surgissait le groupe (la Presse+, 25 mai 2022).

Penser à Paris

Jean Lacoste, Paris philosophe, 2018, couverture

«We’ll always have Paris.»
Humphrey Bogart, Casablanca, 1942

D’abord pour la Nouvelle Quinzaine littéraire, puis pour la publication numérique En attendant Nadeau, le philosophe Jean Lacoste a rédigé de courts textes sur le Paris des philosophes. Quelle est cette ville pour les philosophes de métier ? Où vivent-ils ? Quels endroits fréquentent-ils ? Comment cette ville influence-t-elle leur façon de penser ?

Paris philosophe rassemble vingt-cinq de ces «déambulations», diversement caractérisées : «petites déambulations philosophiques» (p. 9), «déambulations sentimentalo-philosophiques» (p. 39), «déambulation méditative» (p. 51), «petites déambulations […] péripatéticiennes» (p. 93), «brèves déambulations historiques» (p. 191). Deux traits les définissent : «format court de rigueur» (p. 8); «lieux à forte teneur philosophique» (p. 45).

Cela commence près de la tour Saint-Jacques, avec Pascal, pour se terminer à Vincennes (disparue), autour de Deleuze. Entre les deux, on suit à la trace, loin de l’ordre chronologique, des philosophes de toutes les époques : Abélard, Descartes, Voltaire, Rousseau, qui incarne la «pure philosophie de la déambulation» (p. 172), Auguste Comte et Derrida, Alain et Sartre, Bergson et Foucault, Ricœur et Althusser (dans un texte bien décevant malgré sa place centrale dans le livre), beaucoup d’autres encore.

Le ton est léger. Dans ces «divertissements» (p. 8), Jean Lacoste se laisse guider «par le seul hasard de l’humeur» (p. 9). Il pratique avec délectation «une sorte d’appropriation anecdotique et géographique de la philosophie» (p. 13). Il superpose les adresses d’aujourd’hui à celles d’hier et multiplie les itinéraires. La petite histoire, celle des anecdotes, dialogue avec la grande, celle des institutions (la Sorbonne, l’École normale supérieure, etc.), beaucoup des philosophes retenus ayant été «profs de philo» (p. 187). Plusieurs des abrégés d’histoire intellectuelle proposés sont des cours de philosophie, par exemple autour des Déracinés, le roman de Barrès qui met en scène Taine.

Cela devrait se lire avec plaisir.

L’Oreille tendue aurait aimé partager le bonheur de l’auteur, mais cela n’a pas été tout à fait le cas. La ponctuation est fantaisiste, voire fautive. Toutes les références des citations ne sont pas données et, quand elles le sont, la forme des adresses bibliographiques varie d’une page à l’autre (l’Oreille est bibliographe). Il y a des coquilles, certaines arithmétiques : au premier paragraphe de la p. 128, il est question de la «semaine sainte 1746»; au deuxième, on évoque un événement survenu «Six ans plus tard», en juillet… «1749». Le souhait de faire une place aux femmes dans l’histoire de la philosophie est louable (p. 8, p. 28, p. 39, p. 93), mais peu suivi d’effets, à l’exception des portraits de Mme Helvétius, de Simone Weil et de Simone de Beauvoir. Tel «comme on sait» (p. 72) sent (un peu trop) le professeur. Si l’on tique devant les répétitions de mots — tous ne tiquent pas —, quelques passages peuvent agacer (p. 78, p. 164, p. 186).

Pareil parcours suppose une large érudition. On peut malheureusement la prendre en défaut. Voyons ce qui concerne Diderot, déjà victime de l’erreur de calcul ci-dessus. L’Encyclopédie, qu’il a codirigée, ne compte pas «25 volumes au total» (p. 129), mais 28 (17 de discours, 11 de planches). Les lettres conservées de Diderot à Sophie Volland ne vont pas de 1759 à 1775 (p. 129), mais de 1759 à 1774. Lacoste affirme, sans l’ombre d’une hésitation, que Diderot a rendu visite à Voltaire lors du retour de celui-ci à Paris en 1778 (p. 141). Tous les exégètes ne partagent pas cette assurance s’agissant de la supposée rencontre entre les deux hommes : «il est étonnant qu’il existe très peu de preuves formelles attestant qu’elle ait vraiment eu lieu», écrit Arthur M. Wilson (p. 574); pour sa part, José-Michel Moureaux indique que l’«historicité» de cette rencontre «a été contestée» (p. 169 n. 4).

S’il en est ainsi de celles qui concernent Diderot, qu’en est-il des autres informations rapportées dans l’ouvrage ? Le doute est une vertu philosophique, mais on aurait aimé ne pas avoir à l’exercer ici.

P.-S.—C’est vrai : ce n’est pas la première fois que l’Oreille cite la phrase d’Humphrey Bogart en épigraphe (voir ).

 

Références

Lacoste, Jean, Paris philosophe, Paris, Bartillat, 2018, 210 p. Ill.

Moureaux, José-Michel, «La place de Diderot dans la correspondance de Voltaire : une présence d’absence», Studies on Voltaire and the Eighteenth Century, 242, 1986, p. 169-217.

Wilson, Arthur M., Diderot. Sa vie et son œuvre, Paris, Laffont-Ramsay, coll. «Bouquins», 1985, 810 p. Traduction de Gilles Chahine, Annette Lorenceau et Anne Villelaur. Édition originale : 1957 et 1972.

Citation épistolaire à méditer

Sculpture de Blaise Pascal par Augustin Pajou

«Mes Révérends Pères, mes lettres n’avaient pas accoutumé de se suivre de si près, ni d’être si étendues. Le peu de temps que j’ai eu a été cause de l’un et de l’autre. Je n’ai fait celle-ci plus longue que parce que je n’ai pas eu le loisir de la faire plus courte.»

Blaise Pascal, les Provinciales, seizième lettre, 4 décembre 1656, dans Œuvres complètes, texte établi et annoté par Jacques Chevalier, Paris, Gallimard, coll. «Bibliothèque de la Pléiade», 34, 1962 (1954), xxviii/1529 p., p. 865. Édition originale : 1657.

 

[Complément du 6 février 2021]

À la 31e minute de son film Mank (2020), David Fincher révèle son érudition pascalienne (la citation est d’ailleurs correctement attribuée à Pascal par le personnage d’Herman J. Mankiewicz).

Scène de Mank, film de David Fincher, 2020

 

Illustration : Blaise Pascal étudiant la cycloïde; à ses pieds, à gauche, les feuillets épars des Pensées, à droite, le livre ouvert des Lettres provinciales. Sculpture d’Augustin Pajou présentée au Salon de 1785; le modèle en plâtre avait été présenté à celui de 1781. Déposé sur Wikimedia Commons