Accouplements 260

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Simard, Matthieu, Ça sent la coupe. Roman, Montréal, Stanké, 2004, 270 p. Rééd. : Montréal, 10/10, 2008, 256 p.

Simard, Matthieu, Ça sent la coupe, 2004, quatrième de couverture

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey. Édition revue et augmentée, Montréal, Del Busso éditeur, 2024, 159 p. Préface d’Olivier Niquet. Illustrations de Julien Del Busso. ISBN : 978-2-925079-71-2.

Melançon, Benoît, Langue de puck, 2024, quatrième de couverture

«Pattiner sur la bottine» ? À votre service.

Sacré détail

Cierge pascal, 2011

Dans la Ligue nationale de hockey, il fut un temps où les séries éliminatoires — le détail, disent certains — ne se rendaient pas jusqu’au mois de juin. C’était le bon vieux temps.

En 1979, on l’a vu, Dominique Michel déplorait leur longueur indue : «Chez nous l’hiver c’comme le hockey / Y a des finales jusqu’au mois d’mai.»

Chez Renald Bérubé (les Caprices du sport, 2010), une autre chronologie se donne à lire :

Le but de Leswick en prolongation en 1954 : il l’avait braillé sans retenue aucune, il avait le rouge de la peine au front en se rendant ce printemps-là, servant de messe, aux cérémonies de la semaine sainte — car les éliminatoires de la coupe Stanley et ladite semaine advenaient alors au même moment, à peu près toujours, à son grand dam. Fallait participer aux cérémonies, il ratait donc les matches diffusés à la radio. Entre le cierge pascal et le hockey, ses croyances n’hésitaient même pas, sinon pour les apparences nécessaires du qu’en-dira-t’on de la rectitude religieuse d’alors (p. 68).

Hockey et semaine sainte (mars-avril) : il est vrai qu’au Québec hockey et religion ont souvent partie liée.

 

Illustration : «Cierge pascal», 2011, photo déposée sur Wikimedia Commons

 

Référence

Bérubé, Renald, les Caprices du sport. Roman fragmenté, Montréal, Lévesque éditeur, coll. «Réverbération», 2010, 159 p.

Raideur inattendue

Arseniq33, Dansez, bande de caves, 2008, pochetteArseniq33, Dansez, bande de caves !, 2008, pochette

Soit les deux exemples suivants :

«J’te parle foule pine à ’planche ben raide
J’te parle dans ’face
Paye moué une bière si j’en ai plein mon cass
D’la langue de bois, celle d’Ottawa»
(Arseniq33, «J’use d’la langue», Dansez, bande de caves ! 15 ans d’arseniq33 [1992-2007], 2008)

«De toute évidence, une telle performance de [Marie-Philip] Poulin ne surprend plus personne. On a d’ailleurs compris, après la partie, qu’elle avait joué malgré un vilain rhume. “Je suis congestionnée ben raide !”, a-t-elle lâché en fin de conférence de presse. Ça ne l’a pas empêchée d’inscrire un tour du chapeau» (la Presse+, 30 janvier 2025).

Ben raide ? Dans le français populaire du Québec : complètement, totalement, mais aussi, selon Pierre DesRuisseaux, brusquement, abruptement (p. 36).

À votre service.

 

Référence

DesRuisseaux, Pierre, Trésor des expressions populaires. Petit dictionnaire de la langue imagée dans la littérature et les écrits québécois, Montréal, Fides, coll. «Biblio • Fides», 2015, 380 p. Nouvelle édition revue et augmentée.

Chantons la langue avec Swing

Swing, Tradarnac, 2007, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Swing, «One Day», Tradarnac, 2007

 

Le décompte est parti, on peut plus l’arrêter
Ma blonde a pus le goût de baiser, c’est l’heure d’la télé
Elle devient comme Rainman avant son show préféré
Quinze secondes pour Derome, dix secondes pour Derome,
Cinq secondes pour Derome, Uh, Uh,
Au Téléjournal, Uh, Uh, hey, c’est tu juste moé, on dirait qu’ça va mal
Y a donc ben d’misère su’ les rues d’Montréal
L’Hydro a manqué, les rues sont bloquées
Canadien s’est fait laver, deux cents jobs sont coupées
En fin de compte, on doit être bin icitte
S’il y avait quelque chose y en parleraient tusuite
Chez nous y a personne pris dans l’trafic
Ni personne lié au scandale des commandites
Hey Bernard, informe-moé
Pour un journaliste t’es pas bin branché

Hey ! Fais pas d’chicane
Hey ! Everything’s O.K.
Hey ! Ça sert à rien
Cause one day we’ll all be just…

Hey ! Fais pas d’chicane
Hey ! Everything’s O.K.
Hey ! Ça sert à rien
Cause one day we’ll all be just…

Ils disent qu’y a pas de culture en Ontario
Wo wo pompon, on a plein d’héros
Hulk Hogan, G.I. Joe, Arnold Swarz y est bin gros
Y m’font chier avec leurs gros egos
Hmm, réchauffons nos cerveaux…
Qui sortirait champion dans un match de faux sumo
Entre Gisèle Lalonde pis Jacques Parizeau
I dunno, mais je pense ça serait pas beau

Hey ! Fais pas d’chicane
Hey ! Everything’s O.K.
Hey ! Ça sert à rien
Cause one day we’ll all be just…

Hey ! Fais pas d’chicane
Hey ! Everything’s O.K.
Hey ! Ça sert à rien
Cause one day we’ll all be just…

J’ai toujours accepté qu’mon message à l’ouvrage
Soit deux fois plus long qu’celui de mon patron
Ah non, ch’pas con, laisse-moi m’expliquer
Mais t’sé c’est pas d’sa faute y est né tête carrée
Y a pas eu les mêmes chances que moé
Y a pas été éduqué par l’abbé Monsieur l’curé
Pis ça fait quarante ans qu’y a pas eu d’coupe Stanley
Pis y sait même pas qu’une langue ça sert à plus que parler
Sa cousine y a même pas montré
So, God save the Queen qui nous a toujours protégés
Pis chu câlissement sûr qu’y a pas de Passe-Carré
Only an English pig with no brain would do that

Hey ! Fais pas d’chicane
Hey ! Everything’s O.K.
Hey ! Ça sert à rien
Cause one day we’ll all be just…

Hey ! Fais pas d’chicane
Hey ! Everything’s O.K.
Hey ! Ça sert à rien
Cause one day we’ll all be just…

Hey ! Fais pas d’chicane
Hey ! Everything’s O.K.
Hey ! Ça sert à rien
Cause one day we’ll all be just…

Hey ! Fais pas d’chicane
Hey ! Everything’s O.K.
Hey ! Ça sert à rien
Cause one day we’ll all be just…

Hey ! Fais pas d’chicane
Hey ! Everything’s O.K.
Hey ! Ça sert à rien
Cause one day we’ll all be just…

Hey ! Fais pas d’chicane
Hey ! Everything’s O.K.
Hey ! Ça sert à rien
Cause one day we’ll all be just…

 

Tout recommencer, ou pas

«Lane Hutson, nouveau contremaître de la reconstruction», site RDS.ca, 13 octobre 2024

Les équipes sportives ne peuvent pas toujours être au sommet du classement année après année. Il arrive des moments où elles doivent se transformer. Comment appeler cette transformation ?

Prenons l’exemple des Canadiens de Montréal — c’est du hockey. On y a entendu plusieurs expressions au fil des ans. D’autres sont possibles.

Reset (dans la langue de Marc Bergevin) ou réinitialisation (en français).

Retool (bis) ou rééquipement (bis). Dans le même esprit : réoutillage.

Réingénierie, mot importé du vocabulaire de la pédagogie, en passant par la politique, auquel certains préfèrent reconfiguration des processus.

Reconstruction (rebuild). En bonne logique entrepreneuriale, celle-ci nécessiterait un contremaître (voir l’image ci-dessus, tirée du site de RDS du 13 octobre 2024) ou un reconstructeur, voire, au besoin, des vacances de la reconstruction.

Refondation. Le terme existe dans le système de santé québécois, mais il ne paraît pas avoir migré à l’aréna.

Rajeunissement. Si c’était aussi facile que cela, ça se saurait !

Pour faire plus simple, on peut parler de mot en r-. C’est imprécis mais inclusif.

P.-S.—Comme on le sait, à un certain moment, histoire d’être dans le mix, il faut cesser de se contenter du mot en r-.

P.-P.-S.—Oui, bien sûr, c’est de la langue de puck.

 

[Complément du 23 novembre 2024]

Titre du jour dans la Presse+ : «Sénateurs d’Ottawa. Faudra-t-il déconstruire la reconstruction ?» Les derridiens apprécieront.

 

Référence

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey. Édition revue et augmentée, Montréal, Del Busso éditeur, 2024, 159 p. Préface d’Olivier Niquet. Illustrations de Julien Del Busso.

Melançon, Benoît, Langue de puck, édition revue et augmentée de 2024, couverture