«J’te parle foule pine à ’planche ben raide
J’te parle dans ’face
Paye moué une bière si j’en ai plein mon cass
D’la langue de bois, celle d’Ottawa»
(Arseniq33, «J’use d’la langue», Dansez, bande de caves ! 15 ans d’arseniq33 [1992-2007], 2008)
«De toute évidence, une telle performance de [Marie-Philip] Poulin ne surprend plus personne. On a d’ailleurs compris, après la partie, qu’elle avait joué malgré un vilain rhume. “Je suis congestionnée ben raide !”, a-t-elle lâché en fin de conférence de presse. Ça ne l’a pas empêchée d’inscrire un tour du chapeau» (la Presse+, 30 janvier 2025).
Ben raide ? Dans le français populaire du Québec : complètement, totalement, mais aussi, selon Pierre DesRuisseaux, brusquement, abruptement (p. 36).
(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)
Le décompte est parti, on peut plus l’arrêter
Ma blonde a pus le goût de baiser, c’est l’heure d’la télé
Elle devient comme Rainman avant son show préféré
Quinze secondes pour Derome, dix secondes pour Derome,
Cinq secondes pour Derome, Uh, Uh,
Au Téléjournal, Uh, Uh, hey, c’est tu juste moé, on dirait qu’ça va mal
Y a donc ben d’misère su’ les rues d’Montréal
L’Hydro a manqué, les rues sont bloquées
Canadien s’est fait laver, deux cents jobs sont coupées
En fin de compte, on doit être bin icitte
S’il y avait quelque chose y en parleraient tusuite
Chez nous y a personne pris dans l’trafic
Ni personne lié au scandale des commandites
Hey Bernard, informe-moé
Pour un journaliste t’es pas bin branché
Hey ! Fais pas d’chicane
Hey ! Everything’s O.K.
Hey ! Ça sert à rien
Cause one day we’ll all be just…
Hey ! Fais pas d’chicane
Hey ! Everything’s O.K.
Hey ! Ça sert à rien
Cause one day we’ll all be just…
Ils disent qu’y a pas de culture en Ontario
Wo wo pompon, on a plein d’héros
Hulk Hogan, G.I. Joe, Arnold Swarz y est bin gros
Y m’font chier avec leurs gros egos
Hmm, réchauffons nos cerveaux…
Qui sortirait champion dans un match de faux sumo
Entre Gisèle Lalonde pis Jacques Parizeau
I dunno, mais je pense ça serait pas beau
Hey ! Fais pas d’chicane
Hey ! Everything’s O.K.
Hey ! Ça sert à rien
Cause one day we’ll all be just…
Hey ! Fais pas d’chicane
Hey ! Everything’s O.K.
Hey ! Ça sert à rien
Cause one day we’ll all be just…
J’ai toujours accepté qu’mon message à l’ouvrage
Soit deux fois plus long qu’celui de mon patron
Ah non, ch’pas con, laisse-moi m’expliquer
Mais t’sé c’est pas d’sa faute y est né tête carrée
Y a pas eu les mêmes chances que moé
Y a pas été éduqué par l’abbé Monsieur l’curé
Pis ça fait quarante ans qu’y a pas eu d’coupe Stanley
Pis y sait même pas qu’une langue ça sert à plus que parler
Sa cousine y a même pas montré
So, God save the Queen qui nous a toujours protégés
Pis chu câlissement sûr qu’y a pas de Passe-Carré
Only an English pig with no brain would do that
Hey ! Fais pas d’chicane
Hey ! Everything’s O.K.
Hey ! Ça sert à rien
Cause one day we’ll all be just…
Hey ! Fais pas d’chicane
Hey ! Everything’s O.K.
Hey ! Ça sert à rien
Cause one day we’ll all be just…
Hey ! Fais pas d’chicane
Hey ! Everything’s O.K.
Hey ! Ça sert à rien
Cause one day we’ll all be just…
Hey ! Fais pas d’chicane
Hey ! Everything’s O.K.
Hey ! Ça sert à rien
Cause one day we’ll all be just…
Hey ! Fais pas d’chicane
Hey ! Everything’s O.K.
Hey ! Ça sert à rien
Cause one day we’ll all be just…
Hey ! Fais pas d’chicane
Hey ! Everything’s O.K.
Hey ! Ça sert à rien
Cause one day we’ll all be just…
Les équipes sportives ne peuvent pas toujours être au sommet du classement année après année. Il arrive des moments où elles doivent se transformer. Comment appeler cette transformation ?
Prenons l’exemple des Canadiens de Montréal — c’est du hockey. On y a entendu plusieurs expressions au fil des ans. D’autres sont possibles.
Reset (dans la langue de Marc Bergevin) ou réinitialisation (en français).
Retool (bis) ou rééquipement (bis). Dans le même esprit : réoutillage.
Réingénierie, mot importé du vocabulaire de la pédagogie, en passant par la politique, auquel certains préfèrent reconfiguration des processus.
Reconstruction (rebuild). En bonne logique entrepreneuriale, celle-ci nécessiterait un contremaître (voir l’image ci-dessus, tirée du site de RDS du 13 octobre 2024) ou un reconstructeur, voire, au besoin, des vacances de la reconstruction.
Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey. Édition revue et augmentée, Montréal, Del Busso éditeur, 2024, 159 p. Préface d’Olivier Niquet. Illustrations de Julien Del Busso.
(Accouplements : une rubrique où l’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)
Dans le dix-septième chapitre de son livre le CH et le peuple, Brendan Kelly se demande «Qui se souvient des Glorieux ?» (Les Glorieux est une des nombreuses façons de surnommer les Canadiens de Montréal — c’est du hockey et de la langue de puck.) Réponse : de moins en moins de gens.
Au même moment, la RBC, qui commandite les chandails des Canadiens, diffuse une publicité dans laquelle on peut entendre ceci, dans un bar : «Parce que faire du bruit en encourageant ton équipe, ça c’est glorieux.»
Soit la phrase suivante, dans un entretien donné par René Homier-Roy :
«Quand je me suis mis à faire des entrevues, j’avais tendance à tourner les coins ronds dans l’écoute, à faire mine d’écouter sans vraiment y mettre l’intensité nécessaire» (p. 33).
Au Québec, qui va trop vite en affaires est réputé couper / tourner les coins ronds. Exemples ici et là.
Conséquence ?
«En France, M. Legault est suivi par l’immigration à cause de ses déclarations faites avant son départ. Les journalistes lui demandent de clarifier ses idées. Un certain brouillard demeure. Ses solutions se démarquent encore par la rondeur de leurs coins» (la Presse+, 4 octobre 2024).
Joli.
P.-S.—Couper / tourner les coins ronds, ce n’est pas bien. Travailler fort dans les coins, c’est le contraire. Oui, c’est de la langue de puck.